Le principe en matière de droit d'auteur est que tout utilisation d'une ½uvre doit être autorisée expressément par son auteur.
L'article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle prévoit cependant des exceptions à ce principe en énonçant des situations dans lesquelles l'auteur « ne peut interdire » l'usage de son ½uvre et perd son droit à rémunération.
L'article L.122-5 3° du Code de la propriété intellectuelle prévoit qu'une ½uvre, déjà divulguée, peut être utilisée sans l'autorisation de son auteur lorsqu'il s'agit d’« analyses ou courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'½uvre à laquelle elles sont incorporées ». Il s'agit, donc, d'une des exceptions au monopole d'exploitation de l'auteur d'une ½uvre de l'esprit.
Au niveau du droit international, l'article 10.1 de la Convention de Berne prévoit cette exception : « Sont licites les citations tirées d'une ½uvre, déjà rendue licitement accessible au public, à condition qu'elles soient conformes aux bons usages et dans la mesure justifiée par le but à atteindre, y compris les citations d'articles de journaux et recueils périodiques sous forme de revues de presse ».
L’exception de courte citation est une disposition du droit d’auteur qui permet à toute personne de citer une ½uvre protégée sans avoir besoin de l’autorisation de l’auteur titulaire des droits d’auteur, à condition que cette soit courte et qu’elle serve un but légitime, tel que l’illustration d’une idée ou d’un point de vue, la critique ou la recherche.
La définition de ce qui est considéré comme une « courte citation » peut varier selon les pays et les contextes, mais en général, il s’agit d’une citation brève extraite d’une ½uvre plus vaste, qui ne nuit pas à l’exploitation normale de l’½uvre citée et qui mentionne clairement l’auteur et la source de la citation.
Il est important de noter que l’exception de courte citation est une exception limitée et qu’elle ne permet pas de reproduire ou de diffuser l’½uvre protégée dans son intégralité sans autorisation.
Selon la Cour de cassation, l’auteur jouit, au nom du droit moral, du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son ½uvre. L’exercice de ce droit peut être confié à un tiers après le décès de l’auteur. Toutefois, la divulgation de l’½uvre entraîne l’impossibilité pour l’auteur de s’opposer aux analyses ou courtes citations qui en seraient extraites dès lors que la source et le nom de l’auteur apparaissent. À propos de l’exception de courte citation, la maison d’édition aurait bien démontré que les extraits du répertoire de l’auteur ont servi à une analyse purement critique. La Cour de cassation rejette donc le pourvoi en ne relevant aucune atteinte au droit moral de l’auteur, ni de caractère illicite des citations en cause.
I. Absence d’atteinte au droit moral
A. Les droits d’auteur dont l’artiste est titulaire sur son ½uvre empêchent toute autre personne de l’exploiter, sans l’autorisation de cet auteur.
L’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle délimite les contours de l’exercice du droit moral de l’auteur d’une ½uvre de l’esprit puisque ce dernier « jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son ½uvre ». Cohabitent avec ces dispositions celles de l’article L. 122-5 du même code qui définissent les exceptions légalement prévues au droit d’auteur. En d’autres termes, ce texte garantit toute reproduction libre et gratuite d’une ½uvre sous réserve de respecter certaines conditions (N. Binctin, Droit de la propriété intellectuelle, 7e éd., Lextenso, 2022, p. 154, n° 178).
Selon la Cour de cassation, la divulgation de l’½uvre destitue l’auteur de son droit d’interdire les analyses et courtes citations. La divulgation de l’½uvre est un droit qui appartient à l’auteur et correspond à l’étape au cours de laquelle l’auteur décide de communiquer son ½uvre à autrui.
La jurisprudence précise d’ailleurs que le premier usage que fait un auteur épuise son droit de divulgation.
Il convient de préciser ce qu’est ce premier usage. Le droit de divulgation s’exerce par la mise en ½uvre de deux éléments :
- un fait matériel destiné à rendre l’½uvre publique et
- un élément intentionnel relatif à l’expression de la volonté de son auteur qui consent à cette mise à disposition du public
(M. Vivant et J.-M. Brugière, Droit d’auteur et droits voisins, 4e éd., Dalloz, 2019, p. 485, n° 479).
Pour autant, le droit de divulgation demeure une prérogative fondamentale du droit d’auteur. À titre d’illustration, lorsque la Cour de cassation a été saisie de la question de savoir si la production au cours d’un débat judiciaire d’un manuscrit encore inédit d’un auteur pouvait constituer une atteinte à ce droit, elle a répondu par l’affirmative. Cette première communication au public n’avait pas été le fait de l’auteur qui n’y avait pas consenti, cela constitue donc une atteinte à son droit moral.
B. Dissociation des deux genres
Toujours à des fins d’écarter toute atteinte au droit moral, la Cour de cassation rappelle également que l’ouvrage se limitait à citer le texte de la chanson et que le texte et la musique relevant de genres différents et dissociables, il ne pouvait pas y avoir d’atteinte à l’intégrité de l’½uvre. En d’autres termes, les requérants invoquaient une modification de la forme de l’½uvre qui avait été réalisée par l’artiste-interprète et à laquelle ils n’avaient pas consenti et qui constituerait une dénaturation de l’½uvre.
Pourtant, selon la Cour de cassation, la dissociation de ces différents éléments ne constitue pas une atteinte à son intégrité puisqu’il n’y a pas de preuve de sa dénaturation. Nous pouvons y voir une illustration de la subtilité et la complexité de l’½uvre musicale : elle repose sur l’association de plusieurs compositions puisqu’elle se compose au moins d’une mélodie, d’un rythme auxquels peut être associé un texte. Le tout détermine l’originalité de l’½uvre (A. R. Bertrand, Droit d’auteur, Dalloz Action, 2010, n° 207.27).
II. L’exception de "courte citation" prévue à l’article L122-5-3-a du Code la propriété intellectuelle
A. Condition de l’exception de courte citation
Certaines conditions de l’exception de courte citation peuvent être mises en ½uvre facilement :
S’agissant de la divulgation de l’½uvre citée, ce critère est rempli si celle-ci a par exemple fait l’objet d’une première publication par un éditeur ;
S’agissant de la mention du nom de l’auteur et de la source, cette condition a notamment vocation à permettre d’identifier la citation comme telle, et de respecter le droit moral de l’auteur. Il faut donc veiller à citer le nom de l’auteur, le titre de l’oeuvre, et le cas échéant, le nom de l’éditeur, la date d’édition, voire la page de l’extrait. Il faut ensuite isoler la citation de manière visible pour le lecteur, en utilisant des guillemets, des notes de bas de page ou en fin de chapitre.
L’exception de courte citation implique également de respecter d’autres conditions, plus complexes :
S’agissant du critère tenant à la brièveté : il s’apprécie par rapport à la longueur de l'½uvre dans laquelle la citation est insérée, mais aussi par rapport à l'½uvre dont la citation est extraite. Cette appréciation est délivrée au cas par cas en jurisprudence : il n’existe pas en effet de pourcentage ou autre échelle précise à partir desquels la citation ne peut être considérée comme courte. Néanmoins, en toutes hypothèses, l’exception de courte citation ne peut permettre de reproduire intégralement l’½uvre citée ou de la reproduire dans une mesure substantielle. L’½uvre citante doit ainsi pouvoir exister malgré le retrait des citations qu’elle contient.
La courte citation doit être justifiée par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’½uvre qui l’incorpore. A défaut, l’exception de courte citation ne s’applique pas. Il faut préciser d’ailleurs que selon les termes de l’article L122-5-3-a, la citation doit être incorporée dans une ½uvre « seconde » : la citation doit ainsi permettre d’illustrer en principe une discussion ou une argumentation formant la matière principale de cette seconde oeuvre.
Enfin, le respect du droit moral de l’auteur forme la dernière condition à une courte citation licite. Il ne s’agit pas expressément d’une condition de l’article L122-5 précité, mais d’une condition qui s’applique à toute exploitation d’une ½uvre de l’esprit, et donc aux citations. Il convient de veiller en particulier à ne pas porter atteinte au respect de l’½uvre, en déformant par exemple la pensée de son auteur.
Il faut souligner que l’exception de courte citation n’est pas limitée au domaine littéraire, et qu’elle peut s’appliquer au domaine musical ou audiovisuel, avec quelques adaptations. Elle ne s’applique toutefois pas en principe aux ½uvres graphiques, plastiques ou photographiques, car celles-ci sont considérées comme indivisibles.
L’exception de courte citation peut donc être ardue à mettre en ½uvre, en raison des conditions précitées qui donnent prise à une certaine part de subjectivité. En conséquence, si vous avez un doute quant à la licéité de vos citations, il est conseillé de demander à l’auteur ou à ses ayant droits une autorisation expresse et écrite, ou de solliciter l’analyse d’un avocat compétent en droit de la propriété intellectuelle.
B. La licéité de la citation justifiée par son caractère d’information
Le recours à l’exception de courte citation est conditionné par le respect de ces prérogatives de l’auteur. C’est ce que vérifie la Cour de cassation en confrontant le principe et son exception pour finalement retenir que la divulgation défait l’interdiction de citer l’½uvre, d’autant plus lorsque cette citation est justifiée « par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’½uvre » à laquelle elle est incorporée.
Est bien entendu rappelée l’obligation de mentionner l’auteur de l’½uvre ainsi que sa source. D’une certaine façon, elle procède à une mise en balance des intérêts en jeu : d’un côté, celui de l’auteur qui revendique la protection légitime de son droit moral et, de l’autre, celui qui utilise la citation à des fins informationnelles ou analytiques et donc tournées vers une finalité très générale et pas vraiment personnelle. Partant de ces considérations, la citation en cause est licite.
En effet, l’exception visée par le troisième alinéa de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle traite de l’analyse et de la courte citation. En réalité, la première est souvent caractérisée corrélativement à la seconde (M. Vivant et J.-M. Bruguière, Droit d’auteur et droits voisins, 4e éd., Dalloz, 2019, p. 656, n° 651). Le cas d’espèce est particulièrement illustratif de cette appréciation puisque la Cour de cassation évoque l’analyse et l’aspect pédagogique de l’ouvrage comme justification de la citation effectuée en énonçant que « chacune des citations était nécessaire à l’analyse critique de la chanson ». Pourtant, l’analyse et la citation répondent à des situations bel et bien distinctes. L’analyse consiste en l’exposé d’un point de vue alors que la citation reproduit de façon strictement identique l’extrait d’une ½uvre.
C’est finalement l’opposition entre protection du droit d’auteur et exercice de la liberté d’expression justifiant l’exception de citation qui se trouve illustrée dans cette solution. L’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle vise explicitement en son troisième alinéa « les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’½uvre ». En d’autres termes, il y a citation licite dès lors que la reprise de l’½uvre d’origine poursuit une finalité d’instruction, qu’elle est courte et ne porte pas atteinte au droit moral de l’auteur.
Les conditions relatives à la mise en ½uvre de cette citation tiennent comme son nom l’indique à la longueur de la citation : elle doit être courte selon le Code de la propriété intellectuelle, « quelque chose de bref est nécessairement court » (J.-M. Bruguière, « Les courtes citations », in J.-M. Bruguière [dir.], Les standards de la propriété intellectuelle, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2018, p. 44). Ainsi, la brièveté exclut de reprendre intégralement l’½uvre.
La difficulté en l’espèce ne reposait pas sur la taille des citations, mais plutôt sur le fait que l’ouvrage était constitué de citations de cet artiste-interprète. Mais prises individuellement, les citations correspondaient bien à cette limite de taille.
Par ailleurs, la Cour de cassation retient également dans sa motivation que les citations étaient nécessaires « à l’analyse critique de la chanson » et « ne s’inscrivaient pas dans une démarche commerciale ou publicitaire, mais étaient justifiées par le caractère pédagogique et d’information de l’ouvrage », lequel était dédié à l’½uvre de l’artiste-interprète et présentait une finalité documentaire. En plus de rappeler la brièveté de la citation, elle insiste également sur sa nécessité.
En d’autres termes, la citation est licite puisque l’½uvre a été divulguée, qu’elle présente les caractères de l’article L. 122-5, 3°, du code de la propriété intellectuelle puisque l’auteur de l’ouvrage avait précisément démontré pourquoi leur présence était nécessaire à l’analyse critique de la chanson visée. Cette solution est donc justifiée à la fois au regard des critères légaux, mais on peut également y voir l’exercice de libertés bien particulières qui est celui de la liberté d’expression et de la liberté d’information. En effet, cette solution est justifiée par un impératif d’information du public puisque la démarche allait bien au-delà d’une simple finalité commerciale ou publicitaire.
Sources :
Kamilia Bentaïeb, Docteure en droit privé et ATER à l’Université Toulouse Capitole
Article L121-1 - Code de la propriété intellectuelle - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Article L122-5 - Code de la propriété intellectuelle - Légifrance (legifrance.gouv.fr)
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