Future loi Pacte II : quels sont les résultats de la consultation publique menée à la fin de l'année 2023 ?
Quel est le contexte dans lequel a été initié ce nouveau projet ? Qu'est-ce qui change ?
La création et la vie des très petites et moyennes entreprises (TPE-PME) est rythmée, quelle que soit la nature de l'activité qu'elles exercent, par l'accomplissement de nombreuses démarches administratives, souvent dénoncées par les chefs d'entreprises comme un obstacle entravant l'exercice de leur activité et de leur développement.
Dans une optique de simplification drastique de la vie des entreprises, les 2 Gouvernements précédents avaient envisagé l'élaboration ainsi que la publication d'une nouvelle loi Pacte, intitulée "loi Pacte II".
L'ambition avec cette dernière, était avant tout de : changer la perception des administrations, afin que celles-ci soient davantage assimilées, par les entreprises, à des entités de soutien plutôt qu'à des organismes de contrôle.
Quels sont les résultats de la consultation publique et les objectifs/les avantages de la future loi ?
Pour recueillir les doléances des chefs d'entreprises et des agriculteurs, mais aussi et surtout afin de nourrir la réflexion à mener dans le cadre de cette loi, l'ex-Gouvernement Borne avait organisé une large consultation publique sur le sujet entre le 15 novembre et le 29 décembre 2023 (1).
Son but ? Permettre aux chefs d'entreprises ainsi qu'au reste des citoyens, de donner leur avis et de proposer des pistes d'amélioration de la vie des TPE-PME.
La consultation publique a rencontré un large succès, avec environ 33.000 participants et plus de 730.000 votes enregistrés, auxquels s'ajoutent plus de 1.000 propositions reçues par une cinquantaine de fédérations professionnelles.
D'un point de vue global, 23 idées principales ont été plébiscitées (2).
D'abord, une simplification des procédures à suivre par les entreprises, notamment via :
- la simplification globale des démarches et des procédures pour faciliter la gestion d'entreprise (création d'entreprise, gestion de la paie et gestion fiscale, etc.) ;
- la simplification de l'accès aux aides (par exemple aux aides à la création/à la reprise d'entreprise) et aux subventions, notamment en vue d'accélérer les délais de versement ;
- la facilitation des modifications d'informations relatives à l'entreprise (type de société, dépôt des comptes annuels, etc.) ;
- la fluidification et l'accélération des procédures auprès des greffes des Tribunaux de commerce, en vue de réduire les délais de réponse et de traitement des démarches, mais aussi de pouvoir les contacter plus facilement ;
- l'accès réel et effectif des PME et des productions locales à la commande publique et aux appels d'offres (notamment à travers le changement des modalités de celles-ci dans les marchés publics, en vue de favoriser le "Fabriqué en France", et les entreprises ayant pris des engagements ayant trait à la responsabilité sociétale des entreprises (démarche RSE)) ;
- la facilitation des démarches de transmission d'entreprise ou de cessation d'activité.
Ensuite, une simplification du quotidien des entreprises, au travers de :
- la simplification des modalités de calcul et de déclaration des charges, en vue de permettre aux entreprises de mieux maîtriser la gestion de leur fiscalité ;
- la consolidation du droit à l'erreur et des communications préalables des sanctions prononcées par l'Administration ;
- la garantie des délais de paiement d'un prestataire, notamment de la part des pouvoirs publics, identifiés comme des "mauvais payeurs" ;
- la simplification de l'édition et une meilleure lisibilité des bulletins de paie.
🔍 Pour en savoir plus sur la simplification du bulletin de paie, consultez notre article : Quelles sont les mentions obligatoires à faire apparaître sur le bulletin de paie ?
Par ailleurs, l'adaptation de l'Administration aux usagers, via :
- le renforcement des modalités de contact avec l'Administration (vers plus de téléphonie), notamment au travers de la conservation des échanges oraux ;
- l'unification du nombre de sites officiels et de leurs contenus ;
- la poursuite de la mise en place de guichets uniques ;
- l'application du principe "dites-le nous 1 fois", avec une meilleure synchronisation de la communication des informations entre administrations ;
- le renforcement de la posture d'accompagnement des administrations, vers plus d'accompagnement et de pédagogie ;
- l'adoption d'un langage plus aisé à comprendre dans tous les supports, notamment en ce qui concerne les lois ;
- la simplification des relations via la fusion des services au contact des entreprises, en vue de réduire le mille-feuille administratif aujourd'hui présent ;
- la généralisation des expériences d'immersion des fonctionnaires et des décideurs dans le quotidien des entreprises, afin de mieux comprendre leur fonctionnement ;
En outre, la rationalisation et la suppression de normes :
- en veillant à limiter l'empilement des nouvelles normes et règles ;
- en adaptant les normes en fonction de la taille de l'entreprise, en distinguant les TPE-PME et les grandes entreprises ;
Enfin, en ce qui concerne les droits sociaux :
- l'assurance d'une meilleure protection sociale aux entrepreneurs, notamment en matière de chômage et de retraite ;
- la valorisation et le soutien des dispositifs de formations professionnelles ;
- un meilleur contrôle de la délivrance des arrêts maladies aux salariés, en vue d'éviter les abus.
Projet de loi de simplification de la vie économique de 2024 : quelles sont les principales mesures prévues par le texte et quel but poursuivent-elles ?
Dans la lignée de la consultation publique, un rapport parlementaire daté de février 2024 a fait état d'un certain nombre de mesures pour simplifier la vie des entreprises en vue de "rendre des heures aux Français". Il donne ainsi des pistes concrètes quant au contenu de la future loi Pacte II (3).
S'inspirant de ce rapport, le projet de loi de simplification de la vie économique prévoit finalement 26 mesures diverses organisées autour de plusieurs objectifs distincts.
Pour vous aider à y voir clair, voici un aperçu (non-exhaustif) des principales mesures du projet, après son examen par le Sénat en juin 2024 (4).
Objectif 1 : la simplification des démarches administratives des entreprises
Parmi les mesures phares du projet figurent diverses dispositions obéissant à un mot d'ordre commun : la simplification de la vie des entreprises.
En effet, ces dernières doivent avant tout concentrer leur énergie au développement de leur activité plutôt qu'à l'accomplissement de démarches administratives toujours plus contraignantes.
Pour ce faire, le projet de loi de simplification de la vie économique prévoit notamment la généralisation du recours à la médiation en cas de litiges avec l'Administration, en vue de favoriser un traitement amiable des différends. Notez à ce sujet, que l'ouverture d'une procédure de médiation devrait interrompre les délais de recours contentieux.
👓 Rappel et précisions : les sénateurs ont supprimé diverses dispositions pourtant mises en avant lors de la présentation du projet de loi. Parmi celles-ci figurent les habilitations du Gouvernement à procéder par voie d'ordonnances pour simplifier les démarches des entreprises, notamment en vue d'élargir la pratique des rescrits administratifs (permettant à toute entreprise d'obtenir une prise de position formelle et opposable de l'Administration de manière dématérialisée sur sa situation ou sur l'application d'une norme).
Objectif 2 : faciliter l'accès de toutes les entreprises à la commande publique
Le projet de loi de simplification de la vie économique entend également améliorer l'accès des entreprises à la commande publique.
À cette fin, il prévoit que d'ici 2028, l'ensemble des marchés publics de l'État, de ses opérateurs, des hôpitaux et des organismes de Sécurité sociale, transiteront par une plateforme en ligne unique dénommée "Place".
Objectif 3 : permettre d'évaluer l'impact des textes de loi sur les PME
Pour mémoire, le projet de loi de simplification de la vie économique initial prévoyait la création d'un "test PME" au moment de l'élaboration de projets de lois, destiné à évaluer l'impact de ceux-ci sur les petites et moyennes entreprises (PME).
Les sénateurs ont précisé cette disposition, en prévoyant la création d'un Haut Conseil à la simplification pour les entreprises, qui sera chargé d'évaluer les normes applicables aux entreprises.
Celui-ci devra rendre un avis sur les projets de lois, les projets de textes réglementaires, ainsi que sur les projets d'actes de l'Union européenne ayant un impact technique, administratif ou financier sur les entreprises. Cet avis devra comporter une analyse de l’impact attendu des normes concernées sur les petites et moyennes entreprises (PME), appelée “Test PME”.
Ce Haut conseil devra en outre être informé des actions de simplification que conduisent les administrations, et pourra solliciter leurs concours pour ses travaux (ou le concours de toute personne pouvant éclairer ses débats).
Objectif 4 (abandonné) : mesure de simplification des bulletins de paie
Comme précédemment annoncé, le projet de loi de simplification de la vie économique prévoyait initialement la simplification prochaine de la présentation des bulletins de paie.
L'objectif était le suivant : à compter du 1er janvier 2027 au plus tard, l'employeur devait transmettre, de manière dématérialisée, un bulletin de salaire simplifié à ses salariés.
Cette mesure qui aurait normalement dû faire l'objet de précisions par décret, a finalement été supprimée par les sénateurs, car jugée trop complexe et coûteuse à mettre en place par les entreprises.
Objectif 5 : aligner les droits des très petites entreprises (TPE) sur ceux des particuliers
Les très petites entreprises (TPE) peuvent, en particulier, être mises en difficulté par le poids des charges financières et administratives pesant sur les épaules de leurs dirigeants.
Pour leur permettre d'avoir une plus grande visibilité, notamment financière, le projet de loi de simplification de la vie économique prévoit de rapprocher leur traitement de celui des particuliers à l'égard des banques et des assureurs.
Cela se traduit entres autres par :
- la gratuité de toute clôture de comptes bancaires détenus par des professionnels ;
- l'encadrement des délais d'indemnisation des assurés (limités à 4 mois à compter de la déclaration de sinistre si un expert est désigné, à 1 mois dans le cas contraire (après amendements des sénateurs) - sauf cas particuliers) ;
- la légalisation du droit, pour les TPE, de résilier, à tout moment et sous conditions, leur assurance dommage, une fois le 1er anniversaire du contrat passé.
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👓 Rappel et précisions : les sénateurs ont supprimé diverses dispositions pourtant mises en avant lors de la présentation du projet de loi. Parmi celles-ci figure l'obligation, pour les établissements bancaires, d'adresser gratuitement à leurs TPE clientes, un relevé annuel de frais de gestion de compte (comme cela est déjà le cas pour les particuliers et les associations).
Objectif 6 : inscription dans la loi de la mensualisation des loyers dans les baux commerciaux et du plafonnement des dépôts de garantie
Le projet de loi de simplification de la vie économique prévoit :
- la généralisation du principe de paiement mensuel du loyer pour tout locataire commercial qui le réclame, étant entendu que sa demande prend effet à compter de la prochaine échéance de paiement de loyer prévue par le bail commercial. Attention, ce droit ne peut être exercé qu'à la condition que le locataire ne fasse pas l'objet d'une action du bailleur en paiement d'un arriéré de loyer (amendement du Sénat) ;
- le plafonnement des dépôts de garantie à 3 mois de loyer.
Elle vise à faciliter le quotidien des commerçants qui sont contraints de sortir d’importantes sommes pour les loyers (aujourd'hui généralement réglé par paiement trimestriel d’avance), et ce, en plus du dépôt de garantie en début de projet alors que leur activité n’est encore pas lancée.
Objectif 7 : faciliter l'essor de projets industriels et d'infrastructures, et accélérer la transition énergétique et écologique de notre économie
Le projet de loi de simplification de la vie économique prévoit aussi de soutenir l'implantation d'usines et de projets de transition énergétique, notamment via :
- l'installation d'éoliennes et d'antennes-relais ;
- la compensation des atteintes à la biodiversité des projets d'aménagements industriels ;
- etc.
Notez enfin que ce projet de loi entend réformer le Code minier, en vue de réduire le délai d'instruction des permis exclusifs de recherche miniers.
Future loi Pacte II : quel est son calendrier législatif ? Qu'en est-il en 2025 ?
Initialement, il était prévu que cette loi Pacte II aille de pair avec la réforme du marché du travail acte 2 prévue après l'été et la Loi Macron II, voulues par Emmanuel Macron.
Le 24 avril 2024, le projet de loi de simplification de la vie économique a été présenté en Conseil des ministres par Bruno Le Maire, alors ministre de l'Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (5).
Le texte devait ensuite être voté au Sénat le 11 juin 2024. Cependant, du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale, et de la pause observée par le Sénat suite aux événements, le texte a finalement été adopté le 22 octobre 2024.
Il est maintenant étudié en séance publique devant l'Assemblée nationale jusqu'au 30 avril 2025. Un vote solennel devrait avoir lieu le 6 mai 2025.
Affaire à suivre, donc...
Sources :
(1) Communiqué de presse du Ministère de l'Économie et des finances du 29 décembre 2023 n°1487
(2) Actualité du Ministère de l'Économie du 24 janvier 2024 - 23 idées plébiscitées pour simplifier la vie des chefs d'entreprise
(3) Rapport parlementaire rendu le 15 février 2014 - Rendre des heures aux Français 14 mesures pour simplifier la vie des entreprises
(4) Projet de loi de simplification de la vie économique - Dossier législatif - Sénat
(5) Communiqué de presse du Ministère chargé des entreprises, du tourisme et de la consommation du 4 avril 2024, n°1727
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