Procédure de redressement judiciaire : quelques rappels...

Lorsqu'une entreprise, confrontée à des difficultés financières, se trouve en état de cessation des paiements, elle doit demander, sauf exception, l'ouverture d'une procédure collective (redressement judiciaire ou liquidation judiciaire) (1).

Pour mémoire, on parle d'état de "cessation des paiements" pour désigner la situation dans laquelle une entreprise se trouve dans l'impossibilité de faire face à ses dettes immédiatement exigibles avec ses liquidités disponibles.

La mise en oeuvre d'une procédure de redressement judiciaire a vocation à s'ouvrir dans l'hypothèse où la situation de l'entreprise n'est pas irrémédiablement compromise. Dans ce cas, un plan de redressement dont l'objectif est de faciliter la réorganisation de l'entreprise est mis en place. Concrètement, cette procédure vise à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi de son personnel et l'apurement de ses dettes.

Elle se décompose en plusieurs phases, parmi lesquelles :

  • l'ouverture d'une période d'observation (d'une durée maximale prévue par la loi), pendant laquelle la situation fait l'objet d'un état des lieux approfondi ;
  • la mise en place d'un plan de redressement judiciaire (qui ne peut, en principe, excéder 10 ans), déterminant les mesures à adopter pour relever la situation : calendrier de règlement des dettes, mise en place des licenciements économiques éventuels, etc.

Entre autres conséquences, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire donne lieu à la désignation des organes de la procédure, parmi lesquels figurent le mandataire judiciaire, dont l'une des missions est de s'assurer du versement des salaires aux salariés.

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Le rôle du mandataire judiciaire dans le paiement des salaires

Dans le cadre de la procédure collective, le mandataire judiciaire a pour mission de représenter et de défendre les intérêts des créanciers et de préserver les droits des salariés.

La procédure de redressement judiciaire donne une place particulière au salarié, en ce sens que celui-ci n'a pas, contrairement aux autres créanciers, à déclarer sa créance (2).

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L'établissement du relevé de créances salariales

Il incombe en effet au mandataire judiciaire, chargé de la procédure, d'établir le relevé des créances salariales sur lequel il doit inscrire l'ensemble des sommes dues aux salariés au titre de leur contrat de travail (3).

Plus précisément, il s'agit des :

  • salaires ;
  • appointements ;
  • commissions ;
  • accessoires ;
  • indemnités de fin de contrat (notamment les soldes de tout compte) ;
  • etc.

Une fois ce relevé effectué, le mandataire judiciaire, entre autres diligences, le présente au représentant des salariés, le soumet au juge-commissaire et le dépose au greffe du Tribunal compétent. Il veille à sa publication, dans les délais, via un support habilité à recevoir les annonces légales.

Il est aussi tenu de le transmettre, le cas échéant, à l'Association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salariés (plus communément appelée "AGS").

La contestation du relevé de créances salariales 

Chaque salarié est informé de la nature et du montant des créances admises ou rejetées, ainsi que de la date de dépôt au greffe du relevé des créances salariales. Il peut contester ce relevé devant le Conseil de Prud'hommes (CPH) dans un délai très court (4). Pour plus de détails, consultez notre dossier dédié !

Le rôle de l'assurance de garantie des salaires (AGS)

Qu'est-ce que l'AGS ? 

L'assurance de garantie des salaires, gérée par l'AGS, a pour vocation de garantir le paiement de l'ensemble des sommes dues aux salariés dont l'entreprise est en procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) (5). L'AGS est financée par le biais d'une cotisation patronale, Chaque employeur est tenu d'assurer ses salariés, y compris ceux détachés à l’étranger ou expatriés, contre le risque de salaires impayés (6).

En principe, l'AGS bénéficie à tous les salariés de l'entreprise, dès lors qu'ils sont liés à celle-ci par le biais d'un contrat de travail. Cependant, les juges de la Cour de cassation refusaient d'appliquer cette garantie aux salariés qui avaient pris acte de la rupture du contrat de travail ou demandé la résiliation judiciaire de leur contrat de travail quand l'employeur faisait l'objet d'une procédure collective. Cependant, le 08 janvier 2025, les hauts magistrats ont opéré un revirement de jurisprudence en décidant que l'AGS doit couvrir aussi les créances impayées résultant de la rupture d’un contrat de travail, lorsque le salarié a pris acte de la rupture de celui-ci ou lorsque celui-ci a saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire pour faute grave de son employeur (7).

Comment fonctionne l'AGS ? 

Pour que l'AGS intervienne, 2 conditions doivent être remplies :

  • l'employeur doit faire l'objet d'une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) ;
  • il ne doit pas disposer des fonds nécessaires pour régler les salariés.

En pratique, l'AGS est saisie par le mandataire judiciaire. Ce dernier doit d'abord vérifier qu'aucun autre dispositif ne peut assurer la prise en charge du paiement des salaires.

Pour activer cette garantie, le mandataire judiciaire doit saisir l'AGS :

  • en démontrant l'insuffisance de fonds dans l'entreprise pour pouvoir procéder au paiement des salaires ;
  • en lui fournissant le relevé des créances salariales qu'il a établi.

Dûment saisie, l'AGS avance les sommes dans un délai de 5 jours suivant la réception du relevé de créances salariales, et c'est au mandataire qu'il incombe de répartir les sommes entre les salariés.

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Bon à savoir : 

Le salarié, dont l'employeur fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, n'a pas de démarche à effectuer pour obtenir le paiement de son salaire : c'est le mandataire judiciaire qui se charge de saisir l'AGS.

Quelles sommes sont prises en charge par l'AGS ? 

L'AGS prend en charge différentes sommes, parmi lesquelles :

  • les salaires dus à la date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire. Ceux dus après cette date restent à la charge de l'employeur ;
  • les indemnités liées aux ruptures de contrats de travail intervenant, selon la situation rencontrée, pendant la période d'observation, dans le mois suivant le jugement arrêtant le plan de redressement, etc. ;
  • les mesures d'accompagnement résultant d'unplan de sauvegarde de l'emploi(PSE) ;
  • etc.

📌 À noter : la garantie de l'AGS n'est toutefois pas illimitée et un plafond existe en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise (8) :

Ancienneté du salarié au jour de l'ouverture de la procédure de redressement

Montant maximum

Plus de 2 ans d'ancienneté

94.200 euros

Entre 6 mois et 2 ans d'ancienneté

78.500 euros

Moins de 6 mois d'ancienneté

62.800 euros

En cas de contestation de la somme versée par l'AGS, le salarié doit alors saisir le CPH (8).

Paiement des salaires : le rôle du représentant des salariés

Le CSE doit être réuni dans les 10 jours de l'ouverture de la procédure.

Dès l'ouverture de la procédure de redressement, le Tribunal demande au Comité social et économique (CSE) ou, à défaut aux salariés, d'élire dans les 10 jours un représentant qui fera office d'intermédiaire (8). Il est élu au scrutin uninominal à un tour.

Son rôle est notamment :

  • de vérifier le relevé de créances salariales ;
  • d'assister ou de représenter le salarié qui conteste les créances devant le CPH.

Références : 

(1) Articles L631-1 et s. du Code de commerce

(2) Articles L622-24 et L631-14 du Code de commerce

(3) Articles L625-1 et s. et L 631-18 du Code de commerce

(4) Article R625-3 et L 631-18 du Code de commerce

(5) Articles L3253-1 et D3253-1 et s. du Code du travail

(6) Article L3253-6 du Code du travail

(7) Cass. Soc. 8 janvier 2025, n°20-18484 et 23-11417

(8) Articles L3253-17 et D3253-5 du Code du travail

(9) Article L625-4 et L 631-18 du Code de commerce

(10) Articles L621-4 et R621-14 du Code de commerce et articles L631-9 et R631-7 du Code de commerce