Est-il obligatoire pour l'employeur d'indemniser les coûts liés au télétravail ?
Il existe un flou à ce sujet. En effet, des principes contradictoires existent.
Une ordonnance de 2017 a supprimé l'obligation pour l'employeur de prendre à sa charge les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci (3).
De plus, le "questions/réponses" du Gouvernement indique que "l'employeur n'est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l'entreprise est dotée d'un accord ou d'une charte qui la prévoit".
Cependant, les juges ont considéré que les frais professionnels engagés par le salarié dans l'exécution de son contrat de travail, doivent être supportés par l'employeur (4). Etant donné que les télétravailleurs ont les mêmes droits que les travailleurs sur site, ce principe s'applique également dans le cadre du télétravail.
L'accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020, précise par ailleurs qu'il "appartient à l'entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'entreprise, après validation de l'employeur".
Cet ANI s'applique aux entreprises des secteurs représentés par une des 3 organisations patronales signataires, à savoir la CPME, le MEDEF et l'U2P (beaucoup d'entreprises sont donc concernées).
De plus, les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs (5).
Avec cette multitude d'éléments, il est obligatoire pour l'employeur de prendre en charge les frais de télétravail si un accord collectif ou une charte le prévoit, ou si l'entreprise est soumise à l'ANI télétravail. Dans les autres cas, il est recommandé à l'employeur de prendre en charge ces frais.
Quels sont les frais que l'employeur peut prendre en charge ?
Le télétravailleur peut répercuter sur son employeur les frais fixes et variables liés à l'utilisation de son domicile à des fins professionnelles, ainsi que les frais liés aux consommables utilisés et les frais de télécommunication. Il peut, en outre, demander le remboursement des frais liés à l'adaptation du logement. L'employeur peut également prendre en charge les frais de mise à disposition du matériel informatique.
Catégorie de frais |
Exemples de frais |
Évaluation des frais |
Frais fixes liés à l'utilisation d'un local privé |
Loyer Taxes foncière et d'habitation Assurance multirisque habitation. Charges de copropriété |
Valeur réelle : quote-part des frais au prorata de la superficie totale du local privé |
Frais variables liés à l'utilisation d'un local privé |
Electricité Chauffage Climatisation |
Valeur réelle : quote-part des frais |
Consommables |
Cartouches d'encre Ramettes de papier Fournitures diverses |
Remboursement des frais engagés sur justificatifs Déduction de l'assiette des cotisations sociales |
Télécommunications |
Frais de connexion au réseau téléphonique Frais d'abonnement (téléphonique, internet) |
Remboursement des frais engagés sur justificatifs Déduction de l'assiette des cotisations sociales |
Frais d'adaptation du local |
Modifications liées à la mise en conformité avec la législation du travail Frais de diagnostic de conformité électrique Installation de prises (téléphoniques, électriques, etc.) |
Valeur réelle Déduction de l'assiette des cotisations sociales |
Quel est le montant de l'allocation forfaitaire de télétravail ?
Pour couvrir les frais de télétravail d'un salarié, l'employeur peut lui verser une allocation télétravail.
Lorsque les frais engagés par le salarié en télétravail sont inférieurs à certains montants, l'employeur peut les rembourser sous la forme d'une allocation forfaitaire, automatiquement exonérée de cotisations et de contributions sociales.
Il existe un barème URSSAF télétravail, qui prévoit les limites d'exonération :
- 10 EUR par mois pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine ;
- 20 EUR par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine ;
- 30 EUR par mois pour un salarié effectuant trois jours de télétravail par semaine ;
- 40 EUR par mois pour un salarié effectuant quatre jours de télétravail par semaine ;
- etc.
En revanche, l'employeur peut également décider de rembourser les frais réellement engagés par le salarié. Il pourra par exemple lui verser une allocation égale aux frais réellement supportés (sur présentation de justificatifs), pour chaque jour de télétravail. Dans cette hypothèse, l'allocation versée ne sera exonérée de charges sociales que sur production de justificatifs.
Télétravailleur à domicile, ai-je droit à une indemnité supplémentaire ?
Le salarié a droit à une indemnité d'occupation de son domicile à des fins professionnelles :
- dès lors que le télétravail à domicile a été imposé par l'employeur ;
- et/ou que le salarié n'a pas de local professionnel à disposition (6).
Cette indemnité est une réparation du préjudice lié à la sujétion particulière du salarié travaillant depuis son domicile.
Le salarié en télétravail conserve-t-il d'autres avantages : indemnité repas, transport ?
Qu'il exerce ses fonctions dans les locaux de l'entreprise ou en télétravail, le salarié dispose des mêmes droits (7).
Si l'employeur accorde des titres-restaurants à ses salariés, le télétravailleur continue de les percevoir pour toute journée de travail organisée en deux vacations entrecoupées d'une pause réservée à la prise d'un repas (8).
De la même manière, le salarié conserve le droit au remboursement des frais des titres de transports en commun, à condition qu'il ne soit pas en télétravail de manière continue, sur le mois, ou la semaine (9).
Références :
(1) Article L1222-9 du Code du travail(2) Article L1222-11 du Code du travail
(3) Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail (Article L1222-10 du Code du travail, comparaison entre rédaction antérieure au 24 septembre 2017 et postérieure
(4) Cass. Soc. 9 janvier 2001, 98-44833
(5) Article L4122-2 du Code du travail
(6) Cass. Soc., 4 décembre 2013, n°12-19793
(7) Article L1222-9, III du Code du travail
(8) Document URSSAF du 8 septembre 2015 et Article R3262-7 du Code du travail
(9) Article L3261-2 du Code du travail URSSAF = Unions de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales
Dossier très complet et informatif