Il n’est pas rare qu’après sa reprise, une salariée ne soit pas augmentée, subisse un licenciement sans motif ou soit affectée à un poste de niveau de responsabilité inférieur à celui occupé avant son absence, au motif qu’elle serait moins performante, motivée, mobile ou disponible suite à l’arrivée d’un enfant.
Le Code du travail[1] édicte des mesures de protection pour tenter de garantir une égalité de traitement entre hommes et femmes et l’absence de discrimination et permettre aux salariés de concilier vie familiale et vie professionnelle.
La prohibition des discriminations directes ou indirectes
Les discriminations peuvent résulter de la prise en compte du sexe, de la grossesse et de la situation de famille (art. L 1132-1), notamment en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification et de promotion, de reclassement et de licenciement.
Toute décision discriminatoire est nulle tout comme la violation de la plupart des règles précisées ci-dessous et relatives à la maternité, la paternité, l’adoption et l’éducation des enfants (art.1225-70 et 1225-71).
Peuvent constituer une discrimination indirecte :
- Le calcul en cas de licenciement d’un salarié en congé parental à temps partiel de son indemnité de licenciement et d’une allocation de congé de reclassement sur la base d’un temps partiel (Cass soc, 18.03.2020, no 16-27.825 et 14.04.2021 no 19-21.508).
- Une absence de réintégration dans l’emploi ou dans un emploi similaire à l'issue du congé parental (Cass soc, 14.11.2019, no 18-15.682).
La garantie d'emploi au retour dans l'entreprise
En cas de licenciement nul, le salarié peut demander sa réintégration (et l’employeur devra alors régler les salaires qui auraient été perçus si le contrat n’avait pas été rompu) ou des dommages et intérêts fixés au minimum à 6 mois de salaire, sans plafonnement (art. L 1235-3-1), en plus du paiement du préavis et de l’indemnité de licenciement.
Les salariés bénéficient des garanties d’emploi et de rattrapage salarial à leur retour en entreprise après l’arrivée d’un enfant.
« A l'issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. » (art. L 1225-25)
La salariée doit être réintégrée en priorité dans le précédent emploi (Cass soc, 25.05.2011, n°09-72.556) s’il est disponible ; c’est le cas par exemple s’il est occupé par un salarié intérimaire ou en CDD.
Si ce poste n'est plus disponible, alors un emploi similaire doit être proposé.
Ne correspond pas à un emploi similaire :
- Une modification d’un élément essentiel du contrat (rémunération, durée du travail, fonctions…)
- La réduction du champ professionnel et la privation d’une partie du recrutement (CA Toulouse, 4ème Ch. Soc. 17.11.2017 n°15/05600) ;
- L’affectation à un poste « d’un intérêt grandement réduit [qui] ne correspondait plus à son niveau de compétence » (CA Versailles, 11ème Chambre, 13.12.2018 n°16/04166) ;
- La suppression des fonctions d’encadrement (Cass soc 3.02.2010 n°08-40338)
- La réduction des fonctions (Cass soc 25.05.2011 n°09-67400) ;
Par ailleurs serait discriminatoire le refus d’une promotion en raison de la survenance d'un congé maternité (art. L 1134-1; Cass. soc., 16.12.2008, no 06-45.262).
En cas de litige, le Juge devra analyser les fonctions effectivement occupées avant le congé et depuis son retour par la salariée ; il ne devrait pas se contenter de vérifier le maintien de sa qualification et sa rémunération (Cass soc 18.03.2016 n°12-21491).
L'obligation de réintégration à l'issue du congé de maternité et paternité
Faute de réintégration, la salariée pourrait obtenir :
- Une réintégration en référé et sous astreinte,
- La rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, laquelle produit les effets d’un licenciement nul (Cass soc 18.03.2016, n°14-21491; CA Grenoble 10.09.2020 n°17/05307).
En outre lorsque l'emploi n'est pas similaire, il y a modification du contrat de travail qui peut légitimement être refusée. Un licenciement fondé sur ce refus pourrait être contesté.
L’obligation de réintégration existe également à l'issue du congé de paternité et d'accueil de l'enfant (art. L 1225-36), du congé d’adoption (art. L 1225-43 et L 1225-46), du congé parental d'éducation ou de la période de travail à temps partiel possible à certaines conditions suite à l’arrivée d’un enfant (art. L 1225-47 et L 1225-55).
À la suite de son congé de maternité ou d’adoption, la rémunération du salarié doit être majorée en principe a minima des augmentations générales et de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés relevant de sa catégorie professionnelle ou, à défaut, de la moyenne des augmentations individuelles dans l'entreprise (art. L. 1225-26 et L 1225-44).
L'entretien professionnel au retour de congé maternité
Un entretien professionnel doit systématiquement être proposé au salarié à l’issue d'un congé de maternité (art. L 1225-27) ou d’adoption (art. L 1225-46-1) ou d’un congé parental d’éducation (art. L 1225-57).
Cet entretien est consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle (qualifications, emploi), de compte de formation et de validation des acquis de l'expérience. Un document écrit doit être établi à l'issue de l'entretien, qui pourra démontrer au besoin la réintégration ou non dans les conditions légales.
Plus spécifiquement après un congé parental d’éducation ou une période d’activité à temps partiel, cet entretien doit permettre :
- d’organiser le retour à l'emploi du salarié,
- de déterminer ses besoins de formation et d’examiner les conséquences éventuelles du congé sur sa rémunération, et l'évolution de sa carrière.
A noter que le droit à la formation du salarié est renforcé pendant ces périodes, à son retour ou à l’issue du temps partiel.
Une forte protection contre le licenciement est assurée suite à la reprise (art. L 1225-4 pour la maternité et L 1235-38 pour l’adoption).
En principe un employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les dix semaines suivant le congé maternité ou d’adoption (que le salarié use ou non de ce droit) ou suivant les congés payés pris immédiatement après celui-ci.
Seule une faute grave de la salariée, non liée à l'état de grossesse, ou l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement peuvent justifier un licenciement.
La Cour de Cassation applique cette protection relative selon laquelle tout licenciement n’est pas interdit (Cass soc 1.12.2021 n°20-13339).
Le point de départ des 10 semaines n’est pas reporté en cas d’arrêt maladie à l’issue du congé (Cass soc 8.07.2015 n°14-15979) ou de dispense d’activité avec maintien de salaire (Cass soc 14.09.2016 n°15-15943).
Une protection similaire est accordée aux pères dans les dix semaines suivant la naissance ou l’adoption de son enfant (art. L 1225-4-1).
Enfin n’oubliez pas que :
- Le congé de maternité, le congé de paternité et d'accueil de l'enfant, le congé d’adoption et le congé parental d'éducation entraînent la suspension du contrat de travail ; une visite médicale s’impose donc auprès de la médecine du travail à la reprise.
- Il existe des dispositions spécifiques en cas d’allaitement (art. L 1225-12 et L 1225-13 et art. L 1225-30 à L 1225-33) et une autorisation d’absence rémunérée dans le cadre des examens médicaux obligatoires dans le cadre des suites de l’accouchement (art. L 1225-16).
- Pour élever son enfant, le salarié peut, sous réserve d'en informer son employeur au moins 15 jours à l'avance, rompre son contrat à l'issue du congé de maternité ou d'adoption ou deux mois après la naissance ou l'arrivée au foyer de l'enfant, sans avoir à respecter le délai de préavis. Dans l’année suivant cette rupture, il peut bénéficier d'une priorité de réembauche (art. L 1225-66 et L 1225-67).
- Les avantages accordés aux salariées en congé de maternité liés à la naissance s'appliquent de plein droit aux salariés en congé d'adoption. (art. L 1225-45)
[1] Les articles cités sont tous issus du Code du travail
Dossier très complet et informatif