Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés le 20 février 2024, le 6 mars 2024, le 7 mai 2024 et le 20 septembre 2024, auprès de la 2ème Chambre du tribunal administratif de Lille, Mme YX, demande dans le dernier état de ses écritures :

  • d’annuler l’arrêté du 23 janvier 2024 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a retiré l’attestation de décision favorable sur sa demande de renouvellement de titre de séjour émise le 26 septembre 2023, a rejeté sa demande de titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an ;
  • à titre principal, d’enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de lui délivrer un titre de séjour « étudiant » dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
  • à titre subsidiaire, d’enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de procéder au réexamen de sa situation, dans le même délai et sous la même astreinte ;
  • en tout état de cause, d’enjoindre au préfet du Pas-de-Calais de procéder à l’effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen.

Les points clés de la défense pour demander l'annulation de l'arrêté

La plaignante soutient que :

En ce qui concerne les moyens communs à l’ensemble des décisions

Cet arrêté a été signé par une personne dont il n'est pas établi qu'elle était compétente pour ce faire, il est insuffisamment motivé.

En ce qui concerne la décision de refus de séjour

Elle méconnaît le principe de sécurité juridique dès lors que le préfet du Pas-de-Calais a procédé au retrait de la décision favorable sur sa demande de renouvellement de titre de séjour en date du 26 septembre 2023, pourtant créatrice de droit, sans que ce retrait soit justifié par l’existence de faits nouveaux.

Elle méconnaît les stipulations du titre III du protocole du 22 décembre 1985 annexé à l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et les dispositions de l’article L. 422-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Elle est entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l’article 9 du code civil.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours

Elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2024, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Les pièces du dossier

Mme XY, est née en Algérie, de nationalité algérienne, est entrée en France en 2022, sous couvert d’un visa de type « D » mention « étudiant ». Elle a bénéficié d’un certificat de résidence algérien portant la mention « étudiant » valable d’octobre 2022 à septembre 2023. A la suite de sa demande tendant au renouvellement de ce dernier titre de séjour le 2 août 2023, elle a été destinataire d’une « attestation de décision favorable », l’informant de ce que, le 26 septembre 2023, une décision favorable avait été prise sur sa demande et de ce qu’une carte de séjour temporaire, valable d’octobre 2023 à septembre 2024, devait lui être délivrée.

Par un arrêté du 23 janvier 2024, dont la requérante demande l’annulation, le préfet du Pas-de-Calais a décidé du retrait de cette attestation de décision favorable, a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d’éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d’un an. Sur les conclusions à fin d’annulation :

Aux termes de l’article L. 432-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée par une décision motivée. La décision de retrait ne peut intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration. »

Il ressort des pièces du dossier qu’après avoir obtenu un master de langue anglaise en 2019 en Algérie, Mme XY est entrée en France en septembre 2022 pour y suivre des études et s’est inscrite en première année de master en langue anglaise pour l’année universitaire 2022-2023. Ayant échoué à valider cette année, elle a expressément fait part au préfet du Pas-de-Calais de son souhait de réorientation vers la préparation d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) « cuisine » en alternance dans une lettre qu’elle lui a adressée en août 2023 en soutien à sa demande de renouvellement de titre de séjour « étudiant ». Le 26 septembre 2023, le préfet l’a informée qu’il avait pris une décision, créatrice de droits, favorable à sa demande d’admission au séjour. Si le préfet du Pas-de-Calais a, par la suite, procédé à une nouvelle analyse de la situation de la requérante et a estimé que le manque de cohérence et de progression des études de Mme XY faisait obstacle à ce qu’un titre de séjour lui soit délivré à ce titre, il reste constant qu’aucun élément nouveau n’avait été porté à sa connaissance entre la décision favorable de septembre 2023 et la décision de retrait de janvier 2024 et que la situation de Mme XY, qui n’avait par ailleurs pas obtenu cette décision favorable par fraude, n’avait pas évolué. Par suite, les conditions prévues par les dispositions de l’article L. 432-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’étaient pas remplies et le préfet du Pas-de-Calais ne pouvait, sans commettre d’erreur de droit, prendre la décision contestée sur le fondement desdites dispositions.

Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que Mme XY est fondée à demander l’annulation de la décision du 23 janvier 2024 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a retiré l’attestation de décision favorable sur sa demande de renouvellement de titre de séjour émise le 26 septembre 2023.

Par voie de conséquence, doivent être également annulées les décisions portant rejet de sa demande de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.

Sur les conclusions à fin d’injonction

Le présent jugement implique nécessairement que le préfet du Pas-de-Calais délivre à Mme XY le titre de séjour « étudiant » sollicité. Il y a lieu d’enjoindre audit préfet de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sans qu’il soit besoin dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Le tribunal a, par conséquent, décidé que l’arrêté du 23 janvier 2024 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a retiré l’attestation de décision favorable sur la demande de renouvellement de titre de séjour de Mme XY émise le 26 septembre 2023, a rejeté de sa demande de titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an soit annulé. Il est enjoint au préfet du Pas-de-Calais de délivrer à Mme XY un titre de séjour portant la mention « étudiant » dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Référence : Jugement du tribunal administratif de Lille N° 2401816, décision du 15 octobre 2024

Par Me Fayçal Megherbi, avocat