Qu'est-ce que l'insuffisance (incompétence) professionnelle ?
L'insuffisance professionnelle est l'inaptitude du salarié à exécuter son travail de façon satisfaisante. Elle se caractérise par l'incapacité du salarié à accomplir correctement le travail qui lui est confié, conformément à ce que l'employeur est en droit d'attendre de lui et impactant le fonctionnement de l'entreprise.
En cela, elle se différencie de l'insuffisance de résultat qui se définit par l'incapacité du salarié à remplir les objectifs fixés par l'employeur, mais ne qui ne remet pas en cause sa compétence.
Des échecs, des erreurs répétitives ou encore des négligences sont autant d'éléments qui permettent d'identifier l'incompétence d'un salarié.
L'insuffisance professionnelle peut résulter de plusieurs facteurs.
Quelle sanction doit être prise contre un salarié en situation d'insuffisance professionnelle ?
L'insuffisance professionnelle peut faire l'objet d'un licenciement, mais pas pour faute.
En effet, elle n'est en aucun cas constitutive d'une faute, le licenciement pour insuffisance professionnelle n'est donc pas une sanction disciplinaire.
Ainsi, un employeur ne peut pas licencier pour faute le salarié à l'encontre duquel l'insuffisance professionnelle a été retenue.
En revanche, l'insuffisance professionnelle est une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Comment l'employeur peut-il justifier une insuffisance professionnelle ?
Avant de licencier un salarié pour insuffisance professionnelle, quelques précautions sont à observer.
Le respect des obligations de l'employeur envers son salarié
L'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation de ses salariés à leur poste de travail. Il doit veiller au maintien de leur capacité à occuper leur emploi, au regard des évolutions des emplois, des technologies et des organisations.
À ce titre, l'employeur doit donc leur proposer des formations adéquates qui participent au développement de leurs compétences, y compris numériques. Il doit aussi mettre les moyens nécessaires pour permettre à ses salariés de bénéficier d'un temps de formation correct et leur laisser le temps suffisant pour s'adapter à de nouvelles fonctions ou à un nouveau matériel (1).
Par ailleurs, l'employeur doit être en mesure de prouver la réalité de l'insuffisance professionnelle de son salarié en s'appuyant sur des faits concrets et des preuves tangibles.
L'appréciation de l'insuffisance professionnelle d'un salarié relève du pouvoir de direction de l'employeur. La charge de la preuve repose ainsi sur ce dernier. En effet, l'employeur doit démontrer que le salarié est dans l'incapacité de remplir les missions pour lesquelles il a été embauché de manière satisfaisante. Les faits invoqués doivent être objectifs, précis et vérifiables.
Enfin, avant d'engager une procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle, l'employeur doit avertir le salarié des erreurs commises et lui donner une chance de se rattraper.
Exemples de motifs ne justifiant pas un licenciement pour insuffisance professionnelle
En effet, existe des cas où il n'est pas possible de licencier un salarié pour insuffisance professionnelle, c'est le cas par exemple :
- de l'employeur qui fournit une tâche de travail trop importante à son salarié ;
- de l'employeur qui ne respecte pas son obligation de formation continue envers son salarié (2) ;
- du salarié qui s'est vu attribuer des missions n'apparaissant pas sur sa fiche de poste (3) ;
- du salarié qui ne possède pas les diplômes nouvellement requis pour occuper son poste.
Comment se défendre face à un licenciement pour insuffisance professionnelle ?
La contestation d'un licenciement pour insuffisance professionnelle est possible, tant sur le fond que sur la forme.
Prouver qu'il n'y a pas d'insuffisance professionnelle
L'insuffisance professionnelle est caractérisée lorsque le salarié n'arrive pas à exécuter son travail de façon satisfaisante. Elle se traduit par des échecs, des erreurs et des négligences involontaires, mais elle n'est pas fautive (4).
L'insuffisance n'est pas fautive, mais elle peut déboucher sur un licenciement.
Néanmoins, pour licencier pour insuffisance, l'employeur doit apporter des preuves tangibles et des faits concrets. Les juges prennent en compte l'ensemble de l'activité. C'est sur ces points-là que le salarié peut contester, si l'on remarque que les arguments avancés par l'employeur sont trop maigres compte tenu de la sanction.
Par exemple, une défaillance passagère ne peut pas suffire à justifier une insuffisance professionnelle (5).
Les reproches qui sont adressés au salarié doivent être suffisamment pertinents pour pouvoir justifier son licenciement pour insuffisance professionnelle. Si ce n'est pas le cas, il pourra contester le licenciement.
Apporter la preuve que votre employeur n'a pas permis l'adaptation à votre poste de travail
L'employeur ne peut pas licencier un salarié subitement sous prétexte qu'il est incapable de tenir son poste.
En effet, ce dernier doit s'assurer de l'adaptation au poste de travail. Cette obligation lui incombe, même en l'absence d'évolution dans l'emploi (6).
L'employeur ne peut invoquer l'insuffisance professionnelle du salarié s'il ne lui a pas donné les moyens en temps et en formation pour qu'il puisse faire ses preuves.
Prouver que la procédure de licenciement pour insuffisance n'a pas été respectée : convocation à l'entretien préalable, lettre de licenciement…
Comme énoncé plus tôt, le manque de compétences professionnelles et l'incapacité du salarié à accomplir ses fonctions, n'est pas un motif permettant à l'employeur d'utiliser son pouvoir disciplinaire (9).
À ce titre, l'employeur ne peut pas prononcer à l'encontre du salarié un licenciement pour faute.
S'il le fait quand même, le juge peut le requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse (10). L'employeur peut alors être contraint de verser des dommages et intérêts pour licenciement abusif.
L'employeur doit donc respecter la procédure de licenciement pour motif personnel (et non pour motif disciplinaire) (11) :
- convocation à un entretien préalable au licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge ;
- entretien préalable au licenciement au cours duquel le salarié peut être assisté par un représentant du personnel ;
- délai de notification du licenciement ;
- envoi d'une lettre de licenciement.
Quels sont les droits du salarié licencié pour insuffisance professionnelle ?
Une fois le contrat de travail rompu, le salarié peut jouir du bénéfice de certaines indemnités. En plus de cela, le salarié a la possibilité de contester la décision devant le conseil de prud'hommes en cas de manquement dans la procédure ou de manque de preuves justifiant le licenciement.
Quelles indemnités en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle ?
L'employeur doit verser au salarié qu'il licencie pour insuffisance professionnelle les indemnités suivantes :
- une indemnité légale de licenciement sous conditions ;
- une indemnité compensatrice de préavis lorsqu'il n'est pas effectué à la demande de l'employeur ;
- une indemnité compensatrice de congés payés.
Le salarié a-t-il droit au bénéfice de l'assurance chômage ?
Comme pour tous les motifs de licenciement, le salarié qui fait l'objet d'un licenciement pour insuffisance professionnelle peut avoir le bénéfice de l'assurance chômage, à condition bien évidemment qu'il respecte les conditions d'obtention.
Quel est le délai pour contester devant le conseil de prud'hommes ?
La contestation du licenciement pour insuffisance professionnelle doit être faite dans un délai de 12 mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail du salarié. Dans ce cas précis, le délai part au moment de la réception (ou de la première présentation) de la lettre de licenciement au domicile du salarié.
Références :
(1) Article L6321-1 du Code du travail et Cass. Soc. 20 mai 2009, n°07-42945
(2) Cass. Soc. 20 mai 2009, n°07-42945
(3) Cass. Soc., 5 janv. 1999, n° 96-45568
(4) Cass. Soc., 11 décembre 1986, n°84-42757 et Cass. Soc, 17 décembre 2003, n°01-45172
(5) Cass. Soc., 21 mai 1986, n°83-41230
(6) Cass. Soc., 28 septembre 2011, n°09-43339
(7) Cass. Soc., 29 novembre 2007, n°05-42004
(8) Article L1235-3 du Code du travail
(9) Cass. Soc., 18 septembre 2013, n°12-17784
(10) Cass. Soc., 31 mars 2010, n°08-70277
(11) Articles L1232-2 à L1232-6, L1235-2, R1232-1 à R1232-3 du Code du travail
(12) Cass. Soc., 17 janvier 2024, n°22-14114
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