Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 juillet et 9 août 2023, Mme ML demande au tribunal d’une part, d’annuler l’arrêté du 30 juin 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière ; et d’autre part, d’enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer sa demande dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous une astreinte de 200 euros par jour de retard.
Mme ML soutient que la décision portant refus de titre de séjour est entachée d’un défaut de motivation d’examen sérieux de sa situation, d’erreurs de fait et d’erreur de droit et méconnait les articles L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile 12 de la déclaration universelle des droits de l’homme et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Enfin, elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation quant à sa situation personnelle.
L'obligation de quitter le territoire est illégale
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, elle est illégale par voie de conséquence de l’illégalité de la décision portant refus de titre de séjour et elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 juillet 2023, la préfète du Val-de-Marne conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par Mme ML ne sont pas fondés.
Mme ML ressortissante ivoirienne, est entrée en France en 2015 munie d’un visa touristique C. En octobre 2022, elle a sollicité la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Par un arrêté du 30 juin 2023, la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière. Par la présente requête, Mme Evora demande l’annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d’annulation
Aux termes des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».
Pour contester l’arrêté attaqué, Mme ML soutient qu’elle a le centre de ses intérêts privés et familiaux sur le territoire français où elle réside depuis décembre 2016. Il ressort des pièces du dossier que Mme ML entretient de fortes relations avec sa fille, son gendre et ses petites-filles et sa sœur, de nationalité française, qui vivent en France. Il en ressort également que l’intéressée est hébergée par sa fille depuis son arrivée sur le territoire français, qu’elle fait partie intégrante de la famille de sa fille et constitue un soutien moral pour celle-ci et ses filles et qu’elle est prise en charge moralement et matériellement par sa fille et son époux.
Par ailleurs, elle démontre un investissement réel dans la vie associative puisqu’elle s’est investie, depuis septembre 2017, dans les activités organisées par l’association secours catholique de Valenton au sein de l’activité « Accueil démarches ».
Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme ML, âgée de 66 ans à la date de l’arrêté attaqué, aurait toujours des attaches intenses en Côte d’Ivoire, alors que ses parents et son frère sont décédés et que son autre sœur, âgée de 73 ans, est invalide en raison d’un accident vasculaire cérébral survenu en 2001 et est aujourd’hui prise en charge par ses enfants en Côte d’Ivoire.
Dans ces conditions, eu égard à l’intensité des liens familiaux dont elle justifie en France, de sa durée de présence, et de son insertion dans la vie associative, Mme ML est fondée à soutenir qu’en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète du Val-de-Marne a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par sa décision et a ainsi méconnu les stipulations précitées de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme ML est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du 30 juin 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière.
Sur les conclusions à fin d’injonction
Eu égard au motif d’annulation retenu, le présent jugement implique qu’il soit enjoint au préfet du Val-de-Marne, ou à tout autre préfet territorialement compétent, en application des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer à Mme ML un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
L’arrêté du 30 juin 2023 par lequel la préfète du Val-de-Marne a rejeté la demande de titre de séjour de Mme ML, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de sa reconduite à la frontière est annulé. Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » à Mme ML, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Par Me Fayçal Megherbi, avocat
Sources :
- Jugement de la 8ème Chambre du tribunal administratif de Melun ns°2307642
- Articles L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
- Article 12 de la déclaration universelle des droits de l’homme
- Article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
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