Définition du devoir de vigilance des entreprises : en quoi consiste-t-il ?
Le devoir de vigilance, ou devoir de diligence, est l'obligation des entreprises d'assurer une activité de production respectueuse :
- des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- de la sécurité et de la santé au travail ;
- et de l'environnement.
Que doit comporter un plan de vigilance ?
Un plan de vigilance doit comprendre plusieurs mesures.
Exemples :
- des procédures d'évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, au regard de la cartographie des risques ;
- des actions adaptées d'atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ;
- un mécanisme d'alerte et de recueil des signalements relatifs à l'existence ou à la réalisation des risques, établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans ladite société.
À noter : le comité social et économique (CSE) dispose d'un droit d'alerte en cas d'atteinte aux droits des personnes et à l'environnement ; - un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre et d'évaluation de leur efficacité.
Le plan doit être élaboré en association avec les parties prenantes de la société.
Le plan de vigilance et le compte rendu de sa mise en œuvre effective sont rendus publics et doivent être inclus dans le rapport de gestion.
Droit interne (en France) : quelles entreprises sont - pour l'instant - concernées par le devoir de vigilance ?
Les entreprises dont le siège social est fixé en France ou à l'étranger, selon le nombre de salariés employés
La France, pionnière dans ce processus de responsabilisation des entreprises, prévoit, depuis 2017, que toute grande société, dès lors qu'elle franchit certains seuils, doit établir et mettre en œuvre, de manière effective, un plan de vigilance (1).
Exemple : l'entreprise emploie, à la clôture de 2 exercices consécutifs, au moins 5 000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français.
À noter : les filiales ou sociétés contrôlées qui dépassent lesdits seuils sont réputées satisfaire à cette obligation, dès lors que la société qui les contrôle, établit et met en œuvre un plan de vigilance relatif à l'activité de la société et de l'ensemble des filiales ou sociétés qu'elle contrôle.
Les activités des entreprises sous-traitantes ou des fournisseurs
Oui, un plan de vigilance doit comporter des mesures de vigilance raisonnables propres à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l'environnement, résultant (2) :
- des activités de la société et de celles des sociétés qu'elle contrôle directement ou indirectement ;
- ainsi que des activités des sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels est entretenue une relation commerciale établie, lorsque ces activités sont rattachées à cette relation.
Les grandes entreprises doivent donc entamer des vérifications éthiques et environnementales, avant de négocier avec un fournisseur et de conclure un contrat avec une petite ou moyenne entreprise.
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Droit de l'UE : quelles entreprises seront bientôt concernées par le devoir de vigilance ?
Adoption d'un texte par le Parlement européen en 2024 - malgré les réticences de l'Allemagne
Lors d'un communiqué de presse du 24 avril 2024, le Parlement européen a annoncé avoir approuvé de nouvelles règles pour les entreprises de l'Union européenne (UE), en matière de devoir de vigilance (3).
Le texte, Corporate Sustainability Due Diligence Directive (CSDD), exige des entreprises et de leurs partenaires, de prévenir, stopper ou atténuer leur impact négatif sur les droits humains et l’environnement.
La démarche doit passer aux niveaux de l’approvisionnement, de la production et de la distribution et vise à endiguer les situations relevant de l’esclavage, du travail des enfants, de l’exploitation par le travail, de l’érosion de la biodiversité, de la pollution ou de la destruction du patrimoine naturel.
De nouvelles responsabilités pour les entreprises ciblées
Les entreprises visées par le texte devront :
- intégrer le devoir de vigilance dans leurs politiques ;
- réaliser les investissements nécessaires ;
- améliorer leur plan de gestion ou apporter leur soutien aux PME (petites et moyennes entreprises) partenaires afin de s’assurer qu’elles se conforment aux nouvelles obligations ;
- adopter un plan de transition écologique pour rendre leur modèle économique compatible avec la limite de 1,5 °C de réchauffement climatique fixée par l’Accord de Paris (4) ;
- obtenir des garanties contractuelles de la part de leurs partenaires.
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Élargissement du spectre d'entreprises concernées par l'obligation de vigilance !
La directive devrait s’appliquer à environ 5 300 entreprises au sein de l’UE.
Les règles impactant les relations des entreprises avec les sous-traitants et les fournisseurs et s'appliquant, sous conditions, aux entreprises étrangères, leur impact devrait retentir au-delà du seul continent européen.
PME : exclusion relative du champ d'application de la directive
Le texte prévoit que la future directive sera applicable :
- aux entreprises européennes (ou à la société mère d’un groupe) employant plus de 1 000 salariés et ayant réalisé un chiffre d’affaires net de plus de 450 millions d’euros au niveau mondial ;
- et aux entreprises étrangères (ou la société mère d’un groupe) ayant réalisé un chiffre d’affaires de plus de 450 millions d’euros dans l’UE.
Impact indirect pour les PME : vers une RSE forcée ?
À première vue, les règles de la future directive ne semblent pas directement concerner les PME, eu égard au nombre de salariés devant être employés ou au chiffre d'affaires requis pour "entrer dans les clous".
Des PME qui entrent dans la chaîne de valeur des grandes
Toutefois, le texte enjoint les grandes entreprises à améliorer leur plan de gestion ou - et c'est en cela que l'on comprend que les PME sont aussi concernées -, à apporter leur soutien aux PME partenaires afin de s’assurer qu’elles se conforment aux nouvelles obligations.
Les grandes entreprises concernées par la future directive devront obtenir des garanties contractuelles de leurs entreprises partenaires.
Les PME sont donc concernées de manière indirecte dès lors qu'elles seront impliquées dans les chaînes de valeur des entreprises ciblées.
Ainsi, si le texte a revu à la hausse les seuils - et donc à la baisse, le nombre d'entreprises visées par rapport aux prémices du projet (environ 15 000, initialement) - et supprimé le fait de rendre obligatoire le devoir de vigilance dans certains secteurs, il réussit à impacter indirectement nos PME, attribuant aux grandes entreprises, un rôle de soutien.
Si les PME veulent continuer à entretenir des relations commerciales avec les grandes entreprises, elles devront se conformer aux règles relatives au devoir de vigilance.
En ce sens, le texte confère finalement la possibilité aux PME d'y trouver leur compte : les grandes entreprises remplissent leurs obligations et s'assurent des garanties de leurs partenaires dans les relations qu'elles établissent, en même temps que les PME peuvent profiter de leur soutien pour envisager une transition éthique et écologique.
RSE : la marche à suivre par toutes les entreprises
En tout état de cause, et malgré les efforts de mise en conformité que cela pourrait impliquer pour les PME, elles risquent de devoir, à terme, suivre la tendance dégagée par la future directive, qu'elles soient ou non impliquées dans la chaîne de valeur des grandes entreprises. Si ces dernières entament bien une marche vers un modèle plus écologique et respectueux des droits humains, les PME auront aussi intérêt à apprendre à gérer les risques socio-environnementaux.
Avantages ? L'adoption d'une démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), de transparence & de développement durable, en plus de permettre des économies d'échelle en réduisant la consommation d'énergie et de ressources, valorise aussi l'image qu'ont d'une entreprise, consommateurs, fournisseurs et - futurs - salariés.
Sanctions prévues par la législation européenne en cas de manquement des entreprises à leur devoir de vigilance
Les États membres devront créer (ou désigner) une autorité de surveillance, chargée d’enquêter et d’imposer des sanctions aux entreprises qui ne respectent pas leurs obligations.
Celles-ci pourront se voir infliger des amendes pouvant aller jusqu'à 5 % de leur chiffre d'affaires net mondial. Elles seront responsables des dommages causés par le non-respect de leurs obligations en matière de devoir de vigilance et devront indemniser intégralement leurs victimes.
Entrée en vigueur de la directive européenne
La directive doit être approuvée par le Conseil de l'Union européenne et signée avant d’être publiée au Journal Officiel de l’UE.
Elle entrera en vigueur 20 jours plus tard. Les États membres auront alors 2 ans pour la transposer en droit interne.
Les règles s’appliqueront en 3 temps :
- 2027 : les entreprises de plus de 5 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires mondial de plus de 1 500 millions d’euros ;
- 2028 : les entreprises de plus de 3 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires mondial de plus de 900 millions d’euros ;
- 2029 : les autres entreprises relevant du champ d’application de la directive (y compris celles de plus de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 millions d’euros) (1).
(2) Article L225-102-4 du Code de commerce
(3) Communiqué de presse du Parlement européen à la suite de l’Assemblée plénière menant à l’adoption de la directive sur le devoir de vigilance, 24 avril 2024
(4) Accord de Paris du 4 novembre 2016
Dossier complet répondant à mes questions