Crise agricole en France : quels sont les difficultés et les problèmes rencontrés par les agriculteurs  ? Que demandent-ils ?

Les manifestations et les blocages des agriculteurs intervenus en début d'année en France font écho à ceux observés dans d'autres pays européens, notamment l'Allemagne et la Belgique.

À la source de leur mobilisation, notamment, la contestation de la hausse des coûts de production, entre autres en raison de l'explosion de leurs factures énergétiques, la concurrence considérée comme déloyale, le poids grandissant de leurs obligations administratives et environnementales notamment en raison de la transition écologique, et plus généralement, le manque de considération pour le secteur.

À savoir : un projet de loi prévoit d'apporter des réponses aux difficultés rencontrées par les agriculteurs (1). Il contient des mesures telles que l'objectif de souveraineté alimentaire, former les futurs agriculteurs, faciliter les transmissions et les installations, la création d'un guichet unique d’accueil, d’orientation et d’accompagnement - destiné à toutes les personnes voulant s’engager dans une activité agricole ou céder une exploitation -, une aide au passage de relais pour les agriculteurs en difficulté proches de la retraite, etc.

Son examen avait été interrompu en 2024 par la dissolution de l'Assemblée nationale en juin, puis par la censure du Gouvernement, en décembre. Il a été définitivement adopté le 20 février 2025. Le 24 février 2025, le Conseil constitutionnel a été saisi du projet de loi par plus de soixante députés.

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Lois de finances et de financement de la Sécurité sociale : quelles sont les mesures en faveur du secteur agricole ? 

Dans un communiqué de presse du 31 décembre 2024, le Gouvernement indiquait souhaiter adopter définitivement, dans les lois financières pour 2025, tous les engagements en faveur du monde agricole (2).

Il faut absolument éviter toute conséquence du principe de non-rétroactivité en matière fiscale qui pourrait repousser l’entrée en vigueur de ces dispositions au 1er janvier 2026, et renforcer le sentiment que les agriculteurs sont les otages de l’instabilité parlementaire.

L'objectif était l’application de ces mesures sur l’exercice 2025 dès l’adoption du budget, sans repousser d’une année l’entrée en vigueur de celles-ci. 

Les lois de finances pour 2025 et de financement de la Sécurité sociale ont adopté plusieurs mesures en faveur du secteur agricole, que le Gouvernement s'était engagé à prendre.

📑 Pour faire le point sur tout ce qui change en 2025 : Les changements pour les entreprises en 2025

Prolongation du crédit d'impôt remplacement

Ce crédit d'impôt est destiné aux dépenses engagées par les agriculteurs, en vue d'assurer leur remplacement pour congé, par :

  • l'emploi direct de salariés ;
  • ou le recours à des personnes mises à disposition par un tiers.

Ce crédit peut être accordé :

  • en cas de nécessité d'une présence quotidienne du contribuable sur son exploitation ;
  • et si son remplacement n'est pas pris en charge selon une autre disposition.

Il représente :

  • 60 % des dépenses engagées - dans la limite de 17 jours par an de remplacement pour congé ;
  • ou 80 % de ces dépenses, lorsque les dépenses permettent un remplacement pour congé en raison d'une maladie, d'un accident du travail ou d'une formation professionnelle.

🗓 Le crédit d'impôt remplacement est prolongé jusqu'au 31 décembre 2027 par la loi de finances pour 2025 (3).

Hausse du taux d’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) pour les terres agricoles

La loi de finances pour 2025 porte de 20 à 30 %, le taux d'exonération de TFPNB pour les terres agricoles classées dans l'une des catégories "terres, prés, pâturages, vergers, vignes, bois et landes, lacs, étangs et jardins".

Mesures encourageant l'installation de jeunes agriculteurs

La loi de finances valide des mesures qui ont pour objectif d'encourager la transmission des exploitations agricoles à de jeunes agriculteurs, applicables aux cessions réalisées au cours des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2025.

Exemple : lorsque la cession d'une entreprise agricole est réalisée au profit d'un jeune agriculteur, l'abattement prévu sur les plus-values de cession de titres est désormais fixé à 600 000 euros (au lieu de 500 000 euros). Cet abattement s'applique même si la cession est réalisée dans le cadre d'un contrat de cessions échelonnées (4).

Dispositif d'aide à l'embauche de travailleurs saisonniers agricoles

Le dispositif d'aide à l'embauche de travailleurs en contrats saisonniers agricoles : le TO-DE (travailleurs occasionnels - demandeurs d’emploi) prévoit un allègement des charges sociales qui pèsent sur les chefs d'exploitation pour le recrutement de travailleurs saisonniers (5).

Ce dispositif, qui devait initialement prendre fin au 31 décembre 2025, permet à l'employeur d'être exonéré de cotisations patronales sur ces embauches. Il a été intégré à la Loi de financement de la Sécurité sociale, confirmant la mesure de soutien annoncée en février 2024.

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Les mesures annoncées par le Gouvernement

Annonce du Premier ministre Gabriel Attal  : quelles sont les 14 mesures complémentaires de soutien aux agriculteurs annoncées en avril 2024 ?

Gabriel Attal, alors Premier ministre, a indiqué, le 27 avril 2024, une série de 14 mesures, en plus de celles déjà annoncées et/ou mises en œuvre, afin de soutenir les agriculteurs en France et renforcer la souveraineté alimentaire du pays.

Selon le Gouvernement, au 13 septembre 2024, sur 70 engagements pris :

  • 100% d'entre eux étaient en cours de déploiement ;
  • 86% étaient d’ores et déjà faits ou avancés, soit 60 engagements sur 70 ;
  • 14% étaient engagés avec un planning précis, soit 10 engagements sur 70.

Ces nouvelles mesures, annoncées pour répondre aux mobilisations et aux revendications des agriculteurs et producteurs, sont organisées autour de 7 piliers :

  • préserver la souveraineté agricole et alimentaire de la France : les objectifs fixés par le Gouvernement sont annoncés comme faits.
    Exemples : inscription dans la loi de la souveraineté agricole et alimentaire, définition d'indicateurs et d'objectifs dont il sera rendu compte au Parlement, inscription dans la loi que l'agriculture est d'intérêt général majeur, au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ;
  • mieux reconnaître le métier d’agriculteur avec une amélioration des retraites agricoles à travers la prise en compte dès 2026 des 25 meilleures années : la loi de financement de la Sécurité sociale 2025 a été promulguée.
    Autre exemple de mesure : la loi sur les troubles de voisinage, laquelle comporte certaines mesures protégeant les agricultures contre les plaintes pour trouble anormal de voisinage est entrée en vigueur ;
  • redonner de la valeur à notre alimentation et du revenu aux agriculteurs en complétant les mesures de soutien à la trésorerie grâce à Bpifrance à hauteur d’au moins 100 millions d'euros en accordant directement des prêts de trésorerie pouvant aller jusqu’à 75.000 euros et en garantissant des prêts de banques commerciales allant jusqu’à 200.000 euros pour les exploitations traversant des difficultés. Plusieurs engagements ont été respectés ;
  • un meilleur accompagnement des filières avec la mise en place de plans d'urgence et de soutien : plusieurs mesures ont été concrétisées.
    Exemples : indemnisation des éleveurs touchés par la maladie hémorragique épizootique (MHE), indemnisation des exploitants touchés par les intempéries), soutien à la trésorerie des exploitations agricoles les plus en difficulté (statut avancé) ;
  • protéger contre la concurrence déloyale et renforcer la compétitivité de nos exploitations agricoles grâce à une baisse de la taxe sur le foncier non bâti et une amélioration du fonctionnement de la dotation pour épargne de précaution : plusieurs mesures ont été prises.
    Exemples : mise en place de clauses de sauvegarde dans le cadre commercial adopté en soutien à l'Ukraine ou prise d'une clause de sauvegarde sur les produits agricoles contenant des résidus de thiaclopride ;
  • simplifier la vie quotidienne des agriculteurs : lancement d’un mois de la simplification, dans tous les départements, qui vise, en partant de l’expérience de l’usager ou du demandeur d’aide, à interroger la pertinence des normes et sa proportionnalité et, à l’issue, de compléter, pour les dispositions législatives, le projet de loi agricole ;
  • et enfin, assurer le renouvellement des générations en agriculture en lançant d’une part un plan d’accompagnement de l’agriculture méditerranéenne pour soutenir les exploitations qui connaissent des difficultés notamment face aux impacts du changement climatique et d’autre part en élaborant des plans et des contrats d’avenir territoriaux : plusieurs engagements ont été respectés.
    Exemples : inscription dans la loi de finances de mesures fiscales ambitieuses pour favoriser la transmission des exploitations aux jeunes ou mobilisation de prêts garantis par la puissance publique pour les nouveaux installés.

Quelles sont les mesures et les actions précédemment annoncées par le Gouvernement ?

Les 14 nouvelles mesures annoncées fin avril 2024 sont venues compléter la soixantaine qui a vu le jour depuis le début de l'année.

En réponse aux revendications, le Gouvernement avait fait part de son intention de renforcer et de faire respecter les lois Egalim qui, pour mémoire, visent à protéger la rémunération des agriculteurs et à équilibrer davantage les relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire.

Au titre de ces mesures, figurent notamment l'obligation de conclure un contrat écrit pour la vente d'un produit agricole, sous réserve d'exceptions, et la mise en place d'un mécanisme de révision automatique des prix fixes.

Dans cette optique, Gabriel Attal avait annoncé la prochaine sanction d'entreprises coupables de manquements en la matière et la réutilisation des amendes ainsi payées pour soutenir le milieu agricole.

Dans le même sens, une augmentation des contrôles sur le respect de l'origine des produits avait été annoncée, avec de fortes sanctions en cas de non-respect.

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De façon plus générale, les engagements du Gouvernement étaient les suivants :

  • simplifier, de manière massive et rapide, les normes applicables au secteur agricole, avec le lancement d'un "mois de la simplification" pendant lequel les usagers ou les demandeurs d'aides seront interrogés sur la pertinence de certaines normes, avec en ligne de mire, le projet de loi agricole ;
  • intensifier les contrôles, notamment pour lutter contre les pratiques de "francisation", qui visent à faire passer des légumes étrangers pour des légumes français, afin de favoriser leur commercialisation ;
  • faire respecter l'achat de produits durables et de qualité par la restauration collective, la commande publique et la restauration hors domicile ;
  • renforcer le dispositif fiscal applicable à l'élevage, pour aider à contrer l'inflation ;
  • inscrire, dans la loi, le principe de souveraineté agricole et alimentaire (ce qui a été fait, même si le projet de loi d'orientation agricole n'a pas encore été adopté) ;
  • mettre en pause le plan visant à réduire l'usage des pesticides (plan Ecophyto), qui avait pour objectif de réduire de 50 %, d'ici à 2025, l'utilisation des pesticides en France, et empêcher l'importation de fruits et légumes traités avec le pesticide thiaclopride (qui permet de lutter contre certains insectes, et qui est interdit en Europe), dans le but de lutter contre la concurrence déloyale ;
  • dans le même objectif, s'opposer à ce que la France signe le traité actuel UE-Mercosur qui, pour mémoire, est un accord de libre-échange dont plusieurs pays d'Amérique du Sud sont signataires (le 6 décembre 2024, l’Union européenne et le Mercosur sont parvenus à un accord politique sur leur partenariat en vue d’un renforcement de leur coopération géopolitique et économique) ;
  • mettre en place une législation européenne, ayant trait à la dénomination de la viande de synthèse ;
  • assouplir la réglementation instaurant l'obligation, pour les agriculteurs, de maintenir des surfaces en prairies.

Un soutien fiscal et social aux éleveurs d'un montant de 150 millions d'euros a été également promis. Un travail avec la filière devrait permettre d'en définir les modalités.

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Quelles sont les aides d'urgence qui ont été créés pour soutenir les agriculteurs directement après les blocages et manifestations ? Où en est leur application ?

Dès janvier 2024, pour répondre aux mobilisations, le Premier ministre, avait déjà annoncé la mise en place de diverses mesures immédiates, dont certaines ont déjà fait, depuis, l'objet de décrets d'application. Parmi ces mesures, figurent celles portant sur (6) :

  • la hausse progressive de la taxe sur gazole non routier (GNR) d'ici à 2030, prévue dans la Loi de finances pour 2024, qu'il a finalement décidé d'abandonner (7).
    Dans le même temps, le Gouvernement avait annoncé le versement d'une avance au titre de 2024, correspondant à 50 % des sommes qui ont été remboursées sur la base des achats réalisés en 2023, dans un délai de 15 jours. Cette avance a été proposée automatiquement au moment du dépôt de la demande de remboursement annuelle classique. Le montant de l'avance sera ensuite déduit du remboursement partiel octroyé en 2025 (8) ;
  • la création d'un fonds d'urgence de 50 millions d'euros pour aider les exploitations touchées par la maladie hémorragique épizootique (MHE) (9), devant permettre leur indemnisation à hauteur de 90 % et la prise en charge des frais vétérinaires via un guichet spécifique ouvert depuis le 5 février 2024. Au 7 août 2024 : 10 138 dossiers traités (dont 7 663 dossiers d’aide économique et 2 475 dossiers d’aide sanitaire) (10) ;
  • une aide d'urgence pour la filière bio, à hauteur de 90 millions d'euros : les paiements sont intervenus pour 5 992 dossiers ;
  • le versement de l'intégralité des aides de la Politique agricole commune (PAC), directement sur les comptes bancaires des exploitants : le règlement du Parlement européen et du Conseil sur la PAC est entré en vigueur mi-mai 2024 et permet, à compter de la campagne PAC 2024, de ne plus imposer de part minimale de la surface en terre arable en infrastructures agroécologiques et/ou terres arables ;
  • le doublement du fonds d'urgence pour les agriculteurs bretons touchés par la tempête Ciaran.
    Nombre de dossiers traités à fin août 2024 :
    - fonds d’urgence inondations : 1 029 ;
    - fonds d’urgence tempêtes : 1 064 pour l’aide d’urgence ;
    - aide à la reconstruction (tempêtes/inondations) : 344 dossiers validés ;
  • l'ouverture d'un fonds d'urgence pour soutenir le milieu viticole, spécialement en Occitanie. Depuis, il a été précisé que des mesures d’urgence sont mises en place à hauteur de 80 millions d'euros sur l'ensemble du territoire, puis des mesures structurelles pour recalibrer le potentiel de production (restructuration différée avec arrachage temporaire ou arrachage sans replantation) seront mises en place à hauteur de 150 millions sur 2 ans pour 2024 et 2025 en complément des financements européens de la PAC. 
    Des échanges ont eu lieu avec la Commission européenne depuis avril 2024. Le statut de la mesure était au stade avancé, en septembre 2024.

📑  Sur la question des aides apportées au secteur agricole, consultez aussi notre actualité sur le projet de loi de finances pour 2025 : Budget 2025 : quels sont les changements prévus par la LF pour les entreprises et les particuliers ?

Références :

(1) Projet de loi d'orientation pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture
(2) Loi n°2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 
(3) Article 67 de la loi n°2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 et Article 200 undecies du Code générale des impôts

(4) Article 70 de la loi n°2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 et article 150-0 D ter du Code général des impôts
(5) Loi n°2025-199 du 28 février 2025 de financement de la sécurité sociale pour 2025
(6) Compte-rendu de la Déclaration de politique générale du Premier ministre devant l'Assemblée nationale en date du 30 janvier 2024, communication du Gouvernement sur les mesures d'urgence en faveur du monde agricole, Conférence de presse du Premier ministre français le 1ᵉʳ février 2024
(7) Communiqué de presse du Ministère de l'Économie et des Finances, n°1525, du 1er février 2024
(8) Décret n°2024-76 du 2 février 2024 prévoyant une avance sur le remboursement partiel d'accise sur les produits énergétiques utilisés pour la réalisation de travaux agricoles ou forestiers
(9) Décret n°2024-81 du 3 février 2024 portant création d'un dispositif d'aide visant à compenser les coûts et les pertes subis par les agriculteurs en raison de la maladie hémorragique épizootique affectant les bovins et les ovins
(10) Ministère de l'Agriculture, "Suivi des mesures en faveur des agriculteurs", 27 avril 2024