La Loi pour "contrôler l'immigration, améliorer l'intégration" comprend différents volets, ayant trait notamment au travail, à l'intégration, à l'éloignement, à l'asile et au contentieux des étrangers (2).
Loi immigration : que contient le texte ? Quels sont les points qui intéressent les entreprises (métiers en tension, secteur médical, etc.) en France ?
Certaines mesures prévues par la Loi "immigration" intéressent les entreprises, notamment celles exerçant leur activité dans certains secteurs faisant face à des difficultés de recrutement en raison d'un manque de main d'œuvre.
Délivrance à titre exceptionnel d'un titre de séjour temporaire
L'une des mesures phare de la Loi "immigration" est la délivrance à titre exceptionnel, (à la discrétion du préfet), d'un titre de séjour temporaire d'un an pour les travailleurs sans-papiers évoluant dans les métiers dits "en tension".
En effet, à titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2026, les travailleurs étrangers sans-papiers qui exerçent dans des métiers en tension, peuvent se voir délivrer à titre exceptionnel, une carte de séjour portant la mention "travailleur temporaire" ou "salarié", sans avoir l'obligation de produire un visa d'entrée.
Création d'une nouvelle carte de séjour pluriannuelle "talent-professions médicales et de la pharmacie"
La Loi "immigration" a instauré également une nouvelle carte de séjour pluriannuelle "talent-professions médicales et de la pharmacie", délivrée aux praticiens (médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et pharmaciens) diplômés hors de l'Union européenne (PADHUE).
L'objectif est de répondre aux forts besoins de recrutement dans les hôpitaux et les établissements médico-sociaux.
Cette carte est délivrée pour une durée de 4 ans.
Obligation de respecter les principes de la République
Tout étranger qui demande la délivrance d'un titre de séjour doit s'engager à respecter les principes de la République via la signature d'un contrat d'intégration républicain.
Parmi les principes de la République, on note, la liberté personnelle, la liberté d'expression et de conscience, l'égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de la personne humaine ou encore la devise et le symbole de la République.
Lutte contre le travail illégal des travailleurs dits "de plateformes"
La Loi "immigation a conditionné aussi l’accès au statut d’auto-entrepreneur à la détention d’une carte autorisant à travailler afin de lutter contre le travail illégal des travailleurs dits "des plateformes".
Renforcement des sanctions contre les entreprises employant des travailleurs irréguliers
La Loi "immigration" a prévu des sanctions renforcées contre les entreprises qui ont recours à l'embauche de travailleurs étrangers sans-papiers.
Elle a effectivement créé une amende administrative d'un montant maximal de 20 750 euros par travailleur étranger, applicable aux employeurs ayant recours à l'emploi d'un travailleur étranger non autorisé à travaillé.
Contenu des autres mesures prévues par la Loi "immigation"
D'autres mesures ont été prévues par la Loi "immigration". Parmi celles-ci, figurent notamment :
- la possibilité d'expulser un étranger en situation régulière sur le territoire qui a été condamné pour un crime ou un délit puni d'au moins 3 ou 5 ans d'emprisonnement selon les cas, et qui constitue une menace grave pour l'ordre public ;
- l'obligation de quitter le territoire français (OQTF) pour les étrangers arrivés en France avant l'âge de 13 ans ou mariés à une personne française, ou parents d'un enfant français, dès lors qu'ils constituent une menace grave pour l'ordre public (jusqu'à l'entrée en vigueur de la Loi immigration, ils ne pouvaient pas être sous le coup d'une telle obligation) ;
- etc.
Quelles sont les principales mesures de la Loi immigration censurées par le Conseil Constitutionnel ?
Pour rappel, le 26 décembre 2023, l'Exécutif avait saisi le Conseil Constitutionnel pour une relecture et un examen des mesures prévues au sein de la Loi "immigration" afin de déterminer si celles-ci étaient conformes à la Constitution. Il disposait d'un mois pour statuer.
Celui-ci a rendu sa décision le jeudi 25 janvier 2024 (3).
Il a ainsi censuré sur le fond, totalement ou partiellement, 3 articles de la Loi "immigration", et censuré pour motif de procédure, 32 des 86 articles de la Loi qui étaient des "cavaliers législatifs" (c'est-à-dire, sans lien suffisant avec le texte).
En tout, les Sages ont retoqué 35 articles, soit 40% du texte.
📌 Exemples :
Ont été censurées, les mesures suivantes :
- l'exigence d'une durée de séjour régulier imposé aux étrangers pour l'accès à certaines prestations sociales (APL, allocations familiales, etc.) ;
- le durcissement des critères du regroupement familial, qui ne sera pas soumis à la maîtrise de la langue française, ni à une vérification de ressources par les maires.
- les conditions d'accès à la nationalité française obligeant les jeunes nés de parents étrangers à manifester leur volonté d'obtenir la nationalité française entre 16 et 18 ans ;
- etc.
Déroulement de la procédure d'admission exceptionnelle au séjour par le travail : les précisions de la circulaire du 5 février 2024
Les demandes d'admission exceptionnelle au séjour (AES) des ressortissants étrangers en situation irrégulière qui justifient d'un emploi dans un métier "en tension", doivent faire l’objet d'un examen approfondi, objectif et individualisé.
Les principes et critères qui régissent les modalités d'instruction ont été précisés dans une ciruculaire du 5 février 2024 adressée par les Ministères de Intérieur et des Outre-mer et du Travail, de la Santé et des Solidarités, aux préfets (4).
1 anDurée de la carte de séjour temporaire
Cette circulaire prévoit que la délivrance d'une carte de séjour portant la mention "travailleur temporaire" ou "salarié" est valable pour 1 an.
Principes d'éligibilité à l'admission exceptionnelle au séjour : les critères qui doivent être retenus par les préfets
Pour délivrer une telle carte de séjour, le préfet doit prendre en compte, outre la réalité et la nature des activités professionnelles de l'étranger, son insertion sociale et familiale, son respect de l'ordre public, son intégration à la société française et son adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci ainsi qu'aux principes de la République.
La circulaire précise ainsi aux préfets qu'ils doivent retenir, pour accorder ou non, la demande d'admission qui leur est présentée en vue d'obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention “ travailleur temporaire ” ou “ salarié ” d'une durée d'1 an, les critères suivants :
- justifier d'une expérience professionnelle et d'emploi dans un métier en tension ; avoir exercé un emploi "en tension" durant au moins 12 mois (consécutifs ou non) au cours des 24 derniers mois et occuper toujours un tel emploi au moment de la demande ;
- justifier d'un critère de résidence : résider de manière ininterrompue en France depuis 3 ans ;
- justifier de leur intégration ;
- justifier d'un casier judiciaire conforme (absence de mention d'une condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance au bulletin n°2 du casier judiciaire).
Instruction des demandes d'admission exceptionnelle au séjour
La circulaire enjoint les préfets à vérifier la réalité de l'emploi allégué par le demandeur ainsi que du contrat, par tout moyen (notamment contrat à durée indéterminée (CDI), contrat à durée déterminée (CDD), contrat d'intérim}, en se fondant notamment, sur les documents suivants :
- contrat de travail ;
- bulletins de salaire ;
- éléments de la déclaration sociale nominative (DSN) ;
- attestations d'activités professionnelles ou d'emploi ;
- attestation de conformité aux déclarations en ligne du contrat de travail dans le cadre d'un employeur particulier (CESU ou organisme de déclaration).
Il s'agit de se constituer un faisceau d'indices suffisamment concordant et probant.
Délivrance de l'autorisation de travail
Une autorisation de travail peut être accordée pour une durée égale à la durée de validité du titre de séjour délivré au titre de l'admission exceptionnelle au séjour sous la forme d'un document sécurisé.
La carte de séjour vaut autorisation de travail en elle-même, l'employeur n'a pas de démarches à effectuer.
Conditions de validité de l'autorisation de travail
Si le travailleur étranger change d'employeur ou conclut un nouveau contrat de travail, l'autorisation de travail délivrée (qui de manière exceptionnelle est liée au titre de séjour) reste valable pendant toute la durée de validité du titre mais uniquement pour l'exercice d'un métier figurant sur la liste des métiers en tension.
Vendredi 21 février 2025, le Gouvernement a adressé aux partenaires sociaux la liste de plusieurs dizaines de professions qui sont en tension en France. Les organisations syndicales doivent en débattre. La liste des métiers en tension devrait être mise à jour prochainement après publication au Journal officiel d'un nouvel arrêté.
Cas spécifiques : ressortissants algériens, tunisiens et marocains
Les ressortissants algériens, tunisiens ou marocains ne peuvent se prévaloir des dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile fixant les conditions d'admission exceptionnelle au sejour.
En effet, ils ne remplissent pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour au regard des stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de l'accord franco-marocain du 09 octobre 1987 et de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988.
Néanmoins, les préfets peuvent, en application de leur pouvoir général d'appréciation, décider d'admettre exceptionnellement au séjour ces ressortissants en s'inspirant des critères rappelés dans la circulaire du 5 février 2024.
Circulaire Retailleau du 23 janvier 2025 : durcissement des conditions de régularisation des sans-papiers par le Ministre de l'intérieur
La circulaire Retailleau du 23 janvier 2025, adressée par le Ministre de l'intérieur aux préfets, appelle ceux-ci à resserrer les critères d'octroi de titres de séjour à des étrangers sans-papiers.
Cette circulaire vient abroger la circulaire Valls qui enjoingnait les préfets à "une juste prise en compte des réalités humaines", listant une série de critères professionnels et familiaux sur la base desquels les préfets pouvaient accorder un titre de séjour de manière discrétionnaire.
La voie de l’admission exceptionnelle au séjour n’est pas la voie normale d’immigration et d’accès au séjour. Visant des étrangers en situation irrégulière elle doit demeurer une voie exceptionnelle.
Circulaire Retailleau du 23 janvier 2025
La circulaire Retailleau fixe un nouveau cadre au pouvoir discrétionnaire dont disposent les préfets pour régulariser, de manière exceptionnelle, certains étrangers en situation irrégulière. Le ministre de l'intérieur enjoint ainsi les préfets à recentrer les régularisations accordées aux étrangers sans-papiers au titre des métiers sous tension.
Quant à l'admission exceptionnelle au séjour pour motif familial, la circulaire Retailleau exige désormais une présence minimale de 7 ans en France (contre 5 ans auparavant).
Références :
(1) Circulaire du 23 janvier 2025 relative aux orientations générales relatives à l’admission exceptionnelle au séjour prévue aux articles L.435-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
(2) Loi n°2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration
(3) Décision n°2023-863 DC du 25 janvier 2024
(4) Circulaire du 5 février 2024 relative à l'Admission au séjour des ressortissants étrangers justifiant d'une expérience professionnelle
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