Qu'est-ce qu'une sanction disciplinaire ?
Définition légale
La sanction disciplinaire trouve sa définition au sein du Code du travail.
Selon le texte, une sanction disciplinaire est une mesure, autre que des observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré comme fautif. Cette mesure peut être de nature à affecter, immédiatement ou non (1) :
- la présence du salarié dans l'entreprise ;
- sa fonction ;
- sa carrière ;
- ou sa rémunération.
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Avertissement, blâme, mise à pied... Quels sont les types de sanctions possibles au travail ?
Constituent, par exemple, des sanctions disciplinaires :
- un avertissement, qui constitue la plus faible des sanctions disciplinaires ;
- un blâme, qui permet d'informer le salarié de votre désapprobation à l'égard de son comportement. La portée de cette sanction est plus forte qu'une simple observation ou qu'un avertissement ;
- une rétrogradation, qui constitue en un changement de poste, conduisant au recul du salarié dans la hiérarchie de l'entreprise ;
- une mutation disciplinaire, qui constitue en un changement de lieu de travail ;
- une mise à pied à titre disciplinaire de plusieurs jours (à ne pas confondre avec la mise à pied conservatoire) ;
- et, dans les cas les plus graves, lorsque le maintien du salarié au sein de l'entreprise est impossible, un licenciement pour faute simple, grave ou lourde.
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Limites du pouvoir disciplinaire : quelles sont les sanctions et les motifs interdits ?
Le pouvoir disciplinaire de l'employeur n'est pas sans limites. De ce fait, certaines sanctions ne peuvent pas être prononcées à l'encontre d'un salarié fautif, notamment :
- les sanctions pécuniaires (2) : par exemple, il est interdit d'infliger une amende au salarié, ou encore de retenir une partie du salaire du collaborateur qui n'effectue pas le travail demandé (3) ;
- les sanctions discriminatoires, ou reposant sur un motif discriminatoire (4) : par exemple, il est interdit de prévoir une augmentation de l'ensemble du personnel, à l'exception des salariés ayant eu un comportement reprochable (5), ou plus généralement, de sanctionner un salarié en raison de ses opinions politiques, son orientation sexuelle, sa situation de famille, son état de santé, etc. ;
- les sanctions à l'encontre d'un salarié exerçant ses droits : par exemple lorsqu'ils sont exercés dans le respect des règles en vigueur, il n'est pas possible de sanctionner le salarié usant de son droit de grève (6), ou usant de son droit retrait et d'alerte en cas de danger grave et imminent (7) ;
- etc.
Comment savoir quelles sont les sanctions, et leur échelle, à appliquer au sein de l'entreprise ?
Vérifier et appliquer son règlement intérieur
C'est le règlement intérieur, obligatoire dans les entreprises d'au moins 50 salariés (8), qui doit fixer les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l'employeur (9).
L'échelle des sanctions peut aller de la plus légère (un avertissement ou un blâme, par exemple) à la plus lourde (une mise à pied disciplinaire, par exemple).
💡 Bon à savoir : contrairement à ce qui est prévu dans la fonction publique (10), le Code du travail ne prévoit pas d'échelle des sanctions disciplinaires.
Puisque c'est le règlement intérieur qui définit l'étendue de votre pouvoir, cela implique 2 points essentiels à connaître (11) :
- vous ne pouvez, en aucun cas, prendre une sanction à l'encontre de votre salarié, plus sévère que celle prévue dans le règlement intérieur ;
- vous ne pouvez pas non plus prononcer une sanction qui n'y serait pas inscrite. Vous êtes en effet tenu de vous conformer aux dispositions du règlement intérieur en la matière.
Comment faire quand une entreprise n'a pas de règlement intérieur ?
Dans les entreprises de 50 salariés ou plus, mais dépourvues de règlement intérieur (ou dans lequel l'échelle des sanctions n'est pas prévue), l'employeur ne peut pas appliquer une sanction autre que le licenciement (12).
Dans les entreprises de moins de 50 salariés, les sanctions sont possibles, mais l'employeur, en cas de litige, devra prouver qu'il n'était pas soumis à l'obligation d'établir un règlement intérieur (13).
Rappelons que le règlement intérieur peut être mis volontairement en place dans ces entreprises de moins de 50 salariés, en respectant les conditions légales. Dans ce cas, elles devront le respecter scrupuleusement en cas de procédure disciplinaire.
Vérifier sa convention collective
Une fois votre règlement intérieur vérifié, vous devez également consulter la convention collective applicable à votre entreprise, car celle-ci peut comporter des dispositions relatives aux sanctions (procédure, échelle, etc.).
Attention ! Si vous prenez une mesure disciplinaire à l'encontre d'un salarié sans respecter les dispositions du règlement intérieur ou de votre convention collective, les juges sont susceptibles de l'annuler.
Soyez donc vigilant et n'allez pas trop vite : la vérification de ces deux documents est un préalable indispensable à l'exercice de votre pouvoir disciplinaire d'employeur.
Comment évaluer la faute de votre salarié ?
Rester neutre et objectif
Lorsque vous exercez votre pouvoir disciplinaire, il est important, en tant qu'employeur, de rester neutre et objectif. Vous devez prendre en compte les explications et faits qui vous sont rapportés, avec du recul. Assurez-vous que les faits que vous reprochez à votre collaborateur constituent bien une faute ou un manquement à ses obligations contractuelles.
La loi ne donne pas de définition d'un fait fautif. C'est donc à vous d'apprécier le comportement de vos collaborateurs, en fonction du contexte, pour savoir s'il s'agit ou non d'une faute. Vous devez, dans un premier temps, réfléchir à la qualification que vous souhaitez donner aux agissements commis par votre salarié.
💡 Bon à savoir : il est impossible de sanctionner un salarié 2 fois pour les mêmes faits. Si tel est le cas, le salarié pourra saisir le conseil de prud'hommes (CPH) compétent, pour engager votre responsabilité.
Respecter les droits et libertés fondamentaux des salariés
Il est parfois difficile de trouver un équilibre entre les droits et libertés des salariés et l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur. Malgré tout, vous devez rester vigilant, car si certains comportements de votre salarié peuvent vous déplaire, ils ne sont pas forcément susceptibles d'être sanctionnés.
Cela est généralement le cas lorsqu'il est question des propos tenus par le salarié (critiques de l'entreprise, insultes envers un collègue, injures, etc.) : la frontière entre l'exercice de la liberté d'expression des salariés (liberté fondamentale) et un comportement fautif peut parfois s'avérer ténue, et l'application d'une sanction disciplinaire, dans une telle situation, périlleuse.
Exemple : dans quels cas les propos du salarié peuvent-ils être sanctionnés ? Est-ce qu'une simple critique sur l'entreprise peut faire l'objet d'une sanction ? Une insulte proférée sur une discussion privée envoyée depuis l'ordinateur professionnel est-elle sanctionnable ? Est-ce que les propos tenus violent l'obligation de discrétion du salarié ? etc.
Nous dédions une fiche explicative sur la question au sein de notre dossier dédié. Enfin, en cas de doute, et avant toute initiative, n'hésitez pas à prendre conseil.
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Comment choisir une sanction adaptée à la situation ?
La sanction que vous allez prononcer à l'encontre de votre salarié dépendra de la gravité de la faute commise (non-respect des règles applicables dans l'entreprise, violence physique ou morale à l'égard d'un autre salarié, harcèlement, comportement inapproprié, etc.).
Effectivement, toute sanction prononcée par l'employeur doit nécessairement être proportionnée à la faute commise. C'est pourquoi vous devez prendre en compte les faits reprochés, mais également tout le contexte qui les entoure, afin de choisir la sanction adéquate.
Avant d'exercer votre pouvoir disciplinaire, il convient donc de vous poser les questions suivantes :
- la faute est-elle avérée ? ;
- est-elle isolée ou répétée ? ;
- quelle est l'ancienneté de mon salarié dans l'entreprise ? ;
- le collaborateur a-t-il eu, jusqu'alors, un comportement irréprochable ou a-t-il déjà été sanctionné pour des faits similaires ? A-t-il fait l'objet d'une sanction récente ou d'un rappel à l'ordre pour ces mêmes faits ou pour d'autres événements ? ;
- quelle est la nature de ses fonctions dans l'entreprise ? ;
- des raisons objectives peuvent-elles expliquer son comportement ?
Gardez à l'esprit que, selon les cas, il peut y avoir des circonstances atténuantes (bonne foi, situation de famille, divorce en cours, décès d'un proche, maladie...) ou des critères objectifs (ancienneté, sérieux dans l'accomplissement des tâches habituelles...), qui peuvent amoindrir la sanction envisagée.
Au contraire, certaines circonstances (injures devant un client, dysfonctionnements graves entraînés par la faute) ou critères objectifs (position hiérarchique, passé disciplinaire) peuvent constituer des facteurs aggravants.
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Combien d'avertissements un salarié doit-il recevoir avant de faire l'objet d'un licenciement ?
Contrairement aux idées reçues, il n'existe pas d'obligation légale, pour un employeur, d'avoir fait parvenir un ou plusieurs avertissements à un salarié qu'il envisage de licencier pour faute.
Par principe, un salarié peut faire l'objet d'un licenciement sans avoir reçu aucune sanction par le passé de la part de son employeur, si sa faute le justifie.
Pour autant, il est possible que le nombre d'avertissements préalables reçus par le salarié ait un impact sur la sanction mise en place par l'employeur (14).
Exemple : la persistance du comportement fautif, malgré des avertissements, peut être prise en considération par le juge pour apprécier si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.
En outre, d'éventuelles dispositions du règlement intérieur ou conventionnelles peuvent prévoir certaines spécificités en la matière. N'oubliez pas de les consulter !
🔍 Pour aller plus loin : Nombre d'avertissements à prononcer avant le licenciement d'un salarié
Procédure : l'entretien préalable est-il obligatoire pour prononcer une mesure disciplinaire ?
Une fois que vous avez qualifié les faits commis par votre salarié et choisi la sanction disciplinaire qui convient, vous devez respecter, en tant qu'employeur, les délais et la procédure relative à la sanction retenue (convocation à entretien préalable si nécessaire selon la sanction, notification, accord du salarié, etc).
Chaque sanction obéit à un formalisme qui lui est propre, et qui doit être rigoureusement respecté.
La convocation à l'entretien préalable
Lorsque l'employeur envisage d'user de son pouvoir de sanction, il doit convoquer le salarié à un entretien préalable, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature, c'est-à-dire n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié (15).
La lettre de convocation à l'entretien préalable doit contenir des mentions obligatoires, sous peine d'entacher la procédure d'irrégularité.
La tenue de l'entretien préalable
Au cours de l'entretien, l'employeur doit indiquer le motif de la sanction envisagée au salarié et recueillir ses explications.
Le salarié est en droit de se faire assister. En revanche, il ne peut l'être que par une personne appartenant au personnel de l'entreprise (exemple : un représentant du personnel).
Une nouvelle fois, pensez à vérifier votre règlement intérieur et votre convention collective, lesquelles peuvent prévoir des dispositions spécifiques en la matière.
Notez qu'il existe des délais spécifiques à respecter dans le cadre d'une procédure de sanction disciplinaire. Par exemple, vous devez veiller à respecter le délai de prescription des faits fautifs fixé à 2 mois maximum par la loi.
Pour en savoir plus, consultez notre article dédié : Quel délai avez-vous pour prononcer une sanction disciplinaire pour sanctionner un salarié ?
💡 Bon à savoir : le délai écoulé entre la révélation des faits et la mise en œuvre de la procédure de licenciement peut enlever tout caractère de gravité à la faute, si l'employeur tarde à engager la procédure disciplinaire malgré la connaissance des faits fautifs. Cette position du juge est valable même dans la situation où le salarié a été placé en arrêt de travail au cours de cette période (16).
Est-il obligatoire de prononcer la sanction par une lettre de notification ?
Contenu de la lettre
La sanction doit être notifiée par écrit et doit être motivée, et ce, même en cas de sanction légère (17).
Exemple : pour un avertissement, une lettre d'avertissement doit être transmise au salarié fautif.
Dans votre lettre de notification de la sanction, vous devez indiquer avec précision :
- la date des faits fautifs ;
- la nature des faits fautifs qui ont été commis par le salarié, mais aussi leurs répercussions sur l'entreprise.
Il est important de faire ressortir dans votre courrier les raisons qui motivent la sanction, pour ne pas laisser d'ouvertures à une possible contestation. Précisez la présence de témoins, précisez si vous disposez d'images de vidéo surveillance, d'un rapport informatique d'incident, etc.
Le salarié doit en effet être en mesure de connaître la nature des faits qui lui sont reprochés et qui sont sanctionnés afin de pouvoir se défendre.
Forme de la lettre
La lettre de notification est importante car c'est à partir de celle-ci que les juges vont, en cas de litige, décider si la sanction est justifiée ou non (18). Le défaut de motivation prive la sanction de justification (19).
Envoyez votre lettre de notification de la sanction par écrit, soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par lettre remise en main propre contre décharge (20), pour avoir une preuve de votre envoi.
Dans tous les cas, gardez en tête que la validité de la sanction prononcée va notamment dépendre de la régularité de la procédure disciplinaire engagée (délais impartis pour agir, délai décompté en jours ouvrables, remise en main propre ou avec accusé de réception). Nous vous détaillons ces procédures au sein de notre dossier dédié.
Que se passe-t-il en cas de refus de la sanction disciplinaire par le salarié ? Peut-il refuser malgré sa faute ?
En principe, le salarié ne peut pas refuser une sanction disciplinaire. Il est en revanche libre de la contester devant le conseil de prud'hommes s'il considère qu'il est innocent, qu'elle n'est pas proportionnée, ou que la procédure n'a pas été respectée (voir ci-après).
En revanche, si la sanction disciplinaire a pour effet de modifier le contrat de travail du salarié (exemple : une rétrogradation disciplinaire), l'accord préalable de ce dernier est nécessaire.
Exemple : l'accord du salarié est requis si la sanction est une mutation disciplinaire et que le salarié n'a signé aucune clause de mobilité. Dans ce cas, il est en droit de la refuser, sans que son refus constitue un nouveau motif de sanction.
En cas de refus de la modification du contrat de travail, l'employeur peut prononcer une sanction de substitution, mais celle-ci doit être proportionnée aux faits commis et ne doit reposer sur le seul refus du salarié.
💡 Bon à savoir : lorsque le salarié refuse une mesure disciplinaire emportant une modification de son contrat de travail, notifiée après un entretien préalable, l'employeur qui y substitue une sanction disciplinaire, autre qu'un licenciement, n'est pas tenu de convoquer l'intéressé à un nouvel entretien préalable (21).
🔍 Pour aller plus loin : Sanction disciplinaire à l'encontre d'un salarié protégé (élu CSE, DS) : est-ce possible ? & Licenciement pour faute lourde : définition, procédure, indemnités...
Quels sont les risques de condamnations pour l'employeur en cas de sanction irrégulière ?
Le salarié peut-il contester sa sanction devant le conseil de prud'hommes ?
Oui : le salarié peut contester sa sanction disciplinaire devant le conseil de prud'hommes. Dans le cas d'une contestation, le juge a alors la possibilité d'annuler la sanction. Ceci peut être ordonné :
- car les faits n'étaient pas constitutifs d'une faute justifiant la sanction (donc en cas de sanction injustifiée ou disproportionnée) ;
- ou en cas de manquement de la part de l'employeur sur la procédure à respecter (donc en cas de sanction irrégulière).
Quels sont les risques pour l'employeur ?
Dans ce cas, le salarié est remis dans la même situation que s'il n'avait jamais été sanctionné. À ce titre, vous pouvez être condamné, par exemple, à des rappels de salaire.
Vous pouvez également être condamné au versement de dommages-intérêts, en cas de préjudice subi par le salarié.
Dans le cas spécifique du licenciement, le juge n'a pas toujours la faculté de l'annuler et de demander la réintégration du salarié à son poste initial.
🔍 Vous êtes salarié ? Notre dossier dédié peut vous intéresser : Éviter ou contester la sanction disciplinaire : avertissement, rétrogradation, mise à pied...
Références :
(1) Article L1331-1 du Code du travail
(2) Article L1331-2 du Code du travail
(3) Cass. Soc. 7 février 2008, n°06-45208
(4) Notamment article L1132-1 du Code du travail
(5) Cass. Soc. 19 juillet 1995, n°91-45401
(6) Article L2511-1 du Code du travail
(7) Article L4131-1 du Code du travail
(8) Articles L1311-1 et s. du Code du travail
(9) Article L1321-1 du Code du travail
(10) Article L533-1 du Code de la fonction publique
(11) Cass. Soc. 13 octobre 1993, n°92-40474 ; Cass. Soc. 26 octobre 2010, n°09-42740 et Cass. Soc. 23 mars 2017, n°15-23090
(12) Cass. Soc. 23 mars 2017, n°15-23090
(13) Cass. Soc. 6 janvier 2021, n°19-14440
(14) Cass. Soc. 26 mai 2010, n°09-40272
(15) Article L1332-2 du Code du travail
(16) Cass. Soc. 20 mars 2024, n°23-13876
(17) Article L1332-1 du Code du travail
(18) Cass. Soc. 5 mars 1987, n°85-41607
(19) Cass. Soc. 7 novembre 2007, n°06-42988
(20) Article R1332-2 du Code du travail
(21) Cass. Soc. 25 mars 2020, n°18-11433
Rapport complet et bien expliqué. En tant que CSE et DS, je ne regrette pas mon abonnement