Taux d'absentéisme maladie en hausse : les derniers chiffres connus
Le recours aux arrêts maladie élevé mais a diminué en 2023
Le taux d'absentéisme désigne, selon le rapport WTW, le nombre de jours passés en arrêt maladie sur une période donnée rapportée au nombre total de jours calendaires sur la période.
Selon WTW, en 2023, le taux d’absentéisme a reculé depuis l'année précédente et cette baisse s'expliquerait par le recul du nombre de salariés qui s’arrêtent au moins une fois dans l’année : 34% des travailleurs français se sont arrêtés au moins 1jour au cours de l’année, contre 43% en 2022, soit une diminution de -21%. De même, la part des salariés en arrêt 2 fois ou plus au cours de l’année est passé de 28,5% à 22% (1).
Selon une étude de la Drees (Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques) et de la Caisse nationale de l’assurance maladie, le nombre d’arrêts maladie a reculé de 12,5% en 2023 par rapport à l’année 2022.
Selon le rapport annuel de l'Assurance maladie, les données de sinistralité publiées en 2024 pour l’année 2023, font apparaître, par rapport à l’année 2022, en nombre de sinistres réglés avec arrêt et/ou incapacité (2) :
- pour les accidents de travail (AT) : une diminution de 1,5 % ;
- pour les accidents de trajet : une augmentation de 5,1 % ;
- pour les maladies prrofessionnelles (MP), une augmentation de 7,1 %.
Les catégories les plus touchées : les femmes
Selon le rapport de l'Assurance maladie, si les hommes sont plus nombreux que les femmes dans l’emploi salarié (53 % contre 47 %), cette répartition est différente de celle des sinistres selon la nature du risque.
Dans les accidents de trajet et dans la survenue des maladies professionnelles (troubles musculosquelettiques), les femmes sont majoritaires (respectivement 53 % et 54 %).
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À noter : le rapport souligne l'importance de mettre pour partie en relation ces conclusions avec les spécificités d’emploi des hommes et des femmes : "Même si l’on peut utiliser l’information sur le sexe de la victime pour appréhender une partie de l’accidentologie, les différences de sinistralité femmes-hommes sont pour partie en lien avec les secteurs différents dans lesquels chacun travaille", précise ledit rapport, et "même à secteur d’activité identique, les missions des femmes ne sont pas forcément les mêmes que celles des hommes, ce qui impacte également la sinistralité femmes-hommes".
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Enfin, l'étude remarque que :
- l'augmentation est plus forte pour les femmes - et à tous les âges ;
- la durée moyenne des arrêts est plus élevée parmi les salariés âgés : ils font davantage l'objet d'arrêts maladie longue durée ;
- les arrêts maladie sont plus longs que la moyenne pour les salariés travaillant dans l’industrie extractive, la santé humaine et l’action sociale, la construction et les activités immobilières.
À noter : selon WTW, la nature du contrat de travail a une grande importance sur le taux d’absentéisme des salariés : il est de 2,1% chez les travailleurs en contrat à durée déterminée (CDD), soit plus de 2 fois moindre que chez ceux en contrat à durée indéterminée (CDI) (5%).
Comment l'absentéisme maladie affecte-t-il le travail et le fonctionnement des entreprises en France ?
Quelles sont les conséquences de cet absentéisme pour les salariés présents dans l'enteprise ?
Les conséquences de cet absentéisme pour les salariés sont significatives et peuvent avoir un impact considérable sur leur vie professionnelle et leur bien-être. Parmi celles-ci figurent notamment :
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l'impact sur la charge de travail et la pression sur les salariés présents : lorsqu'un grand nombre de collègues a recours à l’arrêt maladie, les employés sur site peuvent se retrouver avec une charge de travail accrue. Ils doivent souvent assumer des responsabilités supplémentaires liées à des tâches et des projets non exécutés par l'absent. Cette situation peut entraîner une surcharge de travail, une augmentation du stress et une pression supplémentaire sur les salariés présents ;
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les répercussions sur la qualité de vie au travail : une charge de travail excessive et des attentes élevées peuvent entraîner une détérioration de la santé mentale, telle que le stress, l'anxiété et l'épuisement professionnel (risque de burn-out). Ces conditions peuvent également affecter la satisfaction professionnelle des employés, diminuant leur motivation et leur engagement au travail ;
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la possibilité d'une détérioration des relations professionnelles : les salariés présents peuvent ressentir de la frustration, de l'irritation ou un sentiment d'injustice en raison de la charge de travail supplémentaire qu'ils doivent assumer. De plus, le manque de stabilité causé par les arrêts de travail fréquents peut créer un sentiment d'insécurité quant à l'avenir de l'équipe ou de l'organisation.
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Pourquoi les arrêts de travail augmentent-t-ils les risques pour l'employeur ?
Les conséquences de l'absentéisme pour les dirigents d'entreprise sont également significatives et peuvent avoir un impact sur différents aspects de leur activité, notamment :
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une perte de productivité due à l'absence fréquente des salariés : lorsque les salariés sont absents de manière récurrente, cela entraîne une diminution de la productivité globale de l'entreprise. Les tâches et les projets peuvent prendre plus de temps à être accomplis, les délais peuvent être manqués et les performances générales de l'entreprise peuvent en souffrir ;
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des coûts financiers liés au versement d'indemnités complémentaires à celles versées par la Sécurité sociale (indemnités journalières) et à la gestion des remplacements. La nécessité de trouver des remplaçants temporaires ou de redistribuer les tâches en attendant la reprise d'activité du salarié peut entraîner des coûts supplémentaires liés à la gestion des ressources humaines ;
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des défis de planification et de réorganisation du travail pour compenser les absences : l'absentéisme au travail pose des défis en termes de planification et de réorganisation du travail. Les employeurs doivent trouver des solutions pour assurer la continuité des activités et maintenir la qualité des services malgré les absences. Cela peut nécessiter des efforts supplémentaires pour réaffecter les tâches, redistribuer la charge de travail et organiser des remplacements, ce qui peut être source de complexité et de perturbations dans l'organisation ;
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un impact sur la réputation de l'entreprise en termes d'image et de qualité de service : si l'absentéisme conduit à une diminution de la qualité des services ou à des retards dans les livraisons, cela peut nuire à la satisfaction des clients et à l'image de l'entreprise. Une mauvaise réputation peut avoir des conséquences à long terme sur la fidélisation des clients et la perception du public vis-à-vis de l'entreprise.
Il est essentiel pour les employeurs de mettre en place des mesures pour gérer et réduire la fréquence selon laquelle leurs salariés font l'objet d'un arrêt de travail au sein de leur organisation.
Cela peut impliquer la promotion de politiques favorables à la santé et au bien-être des salariés, la mise en place de programmes de prévention des maladies, l'encouragement d'une culture de travail équilibrée et le soutien aux salariés en matière de gestion du stress.
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Prévention et régulation de l'absentéisme maladie : comment faire face à ce défi ?
Selon l'étude de Malakoff Humanis, dans plus de 8 cas sur 10, les salariés ont ressenti des signes avant-coureurs au cours des 2 années précédant leur arrêt long, tels qu'une fatigue excessive ou une surcharge de travail. Il est donc essentiel de mettre en place des mesures préventives pour réduire l'absentéisme (3). Moins de la moitié des salariés estiment que leur entreprise a mis en place des actions de prévention, ce qui souligne l'importance d'améliorer les initiatives dans ce domaine.
Les dirigeants sont de plus en plus nombreux à reconnaître l'importance de la prévention et de l'accompagnement des arrêts maladie, avec 79 % d'entre eux déclarant avoir mis en place au moins un dispositif de prévention. Cependant, il reste encore du chemin à parcourir pour impliquer davantage les salariés dans la prévention de l'absentéisme.
Le directeur général de la CNAM a invité l’État et les partenaires sociaux à "se remettre autour de la table", tout en impliquant les médecins et l’Assurance maladie : "Il faut réfléchir à un nouveau système d'indemnisation des arrêts de travail plus soutenable financièrement mais aussi plus juste. Est-il normal qu'aujourd'hui un salarié soit moins bien couvert parce qu'il n'a pas six mois d'ancienneté ? Est-il normal que les jours de carence soient la plupart du temps couverts pour les salariés dans les grandes entreprises mais pas dans les petites ?", s’est-il interrogé.
À noter :
- la Sécurité sociale a pris pusieurs mesures pour limiter les arrêts de travail de complaisance ;
- la loi interdit désormais, sauf exceptions, de prescrire un arrêt de travail de plus de 3 jours par télémédecine.
Faire évoluer l'organisation du travail : une piste à explorer ?
Selon les salariés, l'évolution de l'organisation du travail est considérée comme le principal levier de prévention de l'absentéisme. Les dirigeants, quant à eux, mettent l'accent sur la sensibilisation et la formation des salariés et des managers aux problèmes liés à l'absentéisme.
Ces deux approches complémentaires soulignent l'importance d'une culture d'entreprise axée sur la santé et le bien-être, ainsi que sur la responsabilisation des salariés dans la gestion de leur propre santé.
Favoriser le dialogue, les échanges informels et récréatifs....
Les médecins du travail et les médecins traitants mettent également en avant l'importance d'un meilleur dialogue entre toutes les parties prenantes. Ils insistent sur l'importance de l'accompagnement des fragilités sociales, la prévention santé, ainsi que l'amélioration de la coordination médicale et de l'accès aux soins pour une prise en charge plus rapide des patients.
De plus, 60 % des médecins du travail proposent le temps partiel thérapeutique ou "mi-temps thérapeutique" comme solution pour faciliter un retour durable au travail et prévenir le risque de désinsertion professionnelle.
Développement de moments de convivialités entre collaborateurs, formation des managers à la gestion des absence, communication sur la santé (sommeil, alimentation...), ergonomie des postes de travail, services de santé et bien être au travail (kiné, ostéo, sophro...) et sensibilisation des collaborateurs sont autant de solutions proposées par le rapport de WTW (4).
En mettant en place ces mesures préventives, les entreprises peuvent réduire le taux d'absentéisme, renforcer l'attachement des employés à l'entreprise et favoriser leur bien-être et leur santé.
Bon à savoir : la lutte contre la dégradation de l'absentéisme sera donc un enjeu majeur des entreprises dans les mois et années à venir. Les dirigeants d'entreprise vont devoir trouver des solutions afin de fidéliser les nouvelles générations (partage de la valeur, équilibre entre la vie professionnelle et vie professionnelle, etc.), mais aussi rassurer les plus anciennes face au contexte économique, relève WTW (réforme des retraites, inflations, etc.).
Nombre d'accidents mortels au travail : des chiffres en hausse
Les chiffres 2022/2023 et les secteurs les plus touchés
Si le nombre d’accidents du travail graves et mortels a diminué ces dernières années, la sinistralité reste encore trop importante.
En 2023, se sont encore 661 personnes qui sont décédées au travail en France, selon les chiffres de l’Organisation internationale du travail (OIT) : les accidents du travail ont coûté la vie à 2 personnes par jour.
En 2023, on dénombre 759 décès parmi les AT reconnus et survenus avant consolidation, soit 21 de plus qu’en 2022. Avec 432 cas (contre 421 en 2022), les malaises restent la cause de plus de la moitié d’entre eux. Cependant, les décès dus à une cause externe identifiée poursuivent leur progression, passant de 176 cas en 2022 à 193 cas en 2023.
Les décès par accident de travail parmi les travailleurs de moins de 25 ans sont au nombre de 32. À ces nombres viennent s’ajouter, en 2023, 332 décès consécutifs à des accidents de trajet (46 cas supplémentaires par rapport à 2022), dont 240 d’origine routière.
Le plan pour la prévention des accidents du travail graves et mortels 2022-2025 lancé par le ministère en charge du travail axe l’effort de prévention en direction des publics les plus exposés : les jeunes et nouveaux embauchés, les travailleurs intérimaires, les travailleurs indépendants et détachés, et les TPE-PME.
Selon l'Assurance maladie, les hommes représentent ici deux fois plus de risque que les femmes dans les AT (64 % contre 36 %).
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Selon le rapport de l'Assurance-maladie, les accidents de travail (mortels et non mortels) surviennent en grande majorité au sein des activités relatives :
- à la santé, au nettoyage et au travail temporaire (29 %) ;
- à l'alimentation (17 %) ;
- au transport (15 %) ;
- et au BTP (14 %).
D'après l'étude menée par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), en lien avec l'Insee et le Ministère en charge du Travail (5), les salariés employés par des entreprises sous-traitantes sont davantage exposés aux risques professionnels, accidents de travail inclus.
En effet, selon le rapport, le recours à la sous-traitance peut être utilisé comme un moyen d'extérioriser les risques professionnels, et "sous-traiter, par là même, les risques associés au travail".
Outre l'exposition accrue à des situations à risques, l'étude souligne les postures pénibles et la manipulation de charges lourdes qui, selon elle, concernent 2 fois plus d'entreprises sous-traitantes que celles donneuses d'ordre.
Parmi les facteurs aggravant les risques pesant sur les salariés des entreprises sous-traitantes figurent notamment les contraintes de temps, l'exigence de rendements élevés mais aussi le manque d'information des salariés, dont certains sont sans-papiers et dans une position de vulnérabilité vis-à-vis de leur employeur, en particulier lorsqu'ils ne maîtrisent pas la langue.
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Cas spécifique des entreprises du BTP
Le rapport établi par l’Assurance maladie fait état de près de 79 000 accidents de travail sur l’année 2022 (6).
L’Institut de recherche et d’innovation sur la santé et la sécurité au travail (IRIS-ST) quant à lui révèle 32 629 cas d’accidents de travail ayant nécessité un arrêt en 2021. Ces chiffres représentent une hausse de 2% par rapport à 2019. Au sein des accidents de travail ayant été recensé, 44 ont été mortels.
Ces chiffres plutôt alarmants laissent perplexe quant à l’efficacité des différentes mesures de prévention existantes.
Le respect des dispositions relatives à l'obligation de sécurité de l'employeur (prévention des risques professionnels) demeure la seule manière de faire baisser la sinistralité (7).
Références :
(1) Baromètre Absentéisme Privé : rapport 2024 - Résultats du Baromètre Absentéisme Privé 2024
(2) Rapport annuel 2023 de l’Assurance Maladie - Risques professionnels Éléments statistiques et financiers
(3) Malakoff Humanis
(4) WTW : étude menée sur une période de 4 ans (panel de 633 entreprises, soit 343.775 salariés)
(5) Conditions de travail et préventions des risques professionnels dans le travail en sous-traitance : une étude quantitative, août 2022 - Dares
(6) Rapport annuel 2022 de l'Assurance Maladie - Risques professionnels, du 20 décembre 2023
(7) Article L4121-1 du Code du travail
document officiel très complet