Code du travail : que prévoit la loi et comment faire respecter le droit à la déconnexion en entreprise ?
La loi El Khomri, dont les mesures sont devenues effectives le 1er janvier 2017 (1), introduit, pour la première fois, la notion de droit à la déconnexion dans le Code du travail, sans en donner une définition précise.
Pourquoi mettre en place le droit à la déconnexion ? Qui est concerné ?
La mise en application du droit à la déconnexion concerne tout employeur, en ce qu'elle est liée à son obligation :
- de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des salariés (prévention des risques psychosociaux (RPS) tels que le burn-out) ;
- de respect du temps de travail habituel du salarié (et de ses temps de repos et congé).
Négociation d'un accord dans certaines entreprises
Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives (généralement celles qui comptent au moins 50 salariés), la négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur la qualité de vie au travail doit porter, notamment, sur les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l'entreprise de dispositifs de régulation de l'utilisation des outils numériques (2).
L'objectif est d'assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale du salarié.
Faute d'accord, élaboration d'une charte
Dans ces entreprises, à défaut d'accord (les négociations n'aboutissement pas ou l'entreprise est dépourvue de délégué syndical pour négocier), l'employeur doit élaborer une charte sur le droit à la déconnexion, après avis du comité social et économique (CSE) (2) :
- qui définit les modalités de l'exercice du droit à la déconnexion ;
- et prévoit la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d'encadrement et de direction, d'actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques.
Les entreprises dans lesquelles l'employeur n'est pas tenu de négocier sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail n'ont pas l'obligation d'élaborer une charte.
Néanmoins, elles doivent toutes veiller au respect du droit à la déconnexion. Pour en garantir l'effectivité et prouver leur bonne foi en cas de litige, toute entreprise peut élaborer une charte.
À noter : le fait d'annexer la charte au règlement intérieur de l'entreprise la rend opposable au personnel.
L'obligation de rester joignable au-delà des horaires peut être requalifiée en astreinte
Lorsque l'employeur impose à ses salariés de rester joignables en permanence, il ne respecte pas leur droit à la déconnexion. Dans quelles conditions l'hyper-connectivité du salarié peut-elle être requalifiée en période d'astreinte ?
Le droit du travail définit l'astreinte comme une période pendant laquelle le salarié, sans être ni sur son lieu de travail ni à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise (3).
Elle confère au salarié le bénéfice d'une compensation soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
La jurisprudence a eu l'occasion d'illustrer la requalification de cette obligation de rester joignable comme un temps d'astreinte.
Depuis sa promotion en tant que directeur d'agence, un salarié d'une entreprise spécialisée dans les services d'hygiène était obligé de se soumettre à un dispositif de gestion des appels d'urgence. Celui-ci lui imposait de devoir rester joignable à tout moment en dehors des horaires de travail et, en cas d'appel, de prendre les mesures adéquates.
L'employeur a été condamné à verser une certaine somme à titre de rappels d'indemnité d'astreinte à son salarié car la Cour de cassation a jugé que ces périodes pendant lesquelles le salarié avait l'obligation de tenir une permanence téléphonique à son domicile ou à proximité constituaient de réelles périodes d'astreinte, pour lesquelles il n'avait pas été justement rémunéré (5).
Le droit à la déconnexion et les cadres en convention de forfaits
L'application du droit à la déconnexion suppose que tous les salariés (même les cadres ou les managers) ne soient pas en permanence disponibles pour répondre à des appels téléphoniques ou à des e-mails. Tous les salariés doivent bénéficier de temps de repos effectifs.
Si le salarié ayant signé une convention de forfait jours n'est pas soumis aux durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail, la loi prévoit néanmoins que l'accord autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours doit déterminer les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.
À défaut, lesdites modalités peuvent être déterminées par décision unilatérale de l'employeur (4).
Attention ! Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, ces modalités doivent être conformes à la charte.
Sanctions en cas de non-respect du droit à la déconnexion ou d'absence de négociation
Le législateur ne prévoit pas de sanction spécifique en cas de violation du droit à la déconnexion par un employeur.
Pourtant, celles-ci peuvent être multiples :
- dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de sécurité ;
- sanctions pénales pour harcèlement moral ;
- rappel de salaires pour requalification du temps de connexion du travailleur en astreinte ;
- dommages et intérêts pour violation pure et simple du droit à la déconnexion (6).
Par ailleurs, les entreprises d'au moins 50 salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur en l'absence d'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à l'issue de la négociation ou, à défaut d'accord, par un plan d'action (7).
En outre, dans les entreprises concernées, le fait pour un employeur de ne pas avoir engagé des négociations sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail, incluant le droit à la déconnexion, peut être puni de 1 an d'emprisonnement et d'une amende de 3.750 euros (8).
Quelles bonnes pratiques pouvez-vous adopter ? (Limitation des messages, mails...)
Pour respecter ses obligations, l'employeur peut mettre en place des bonnes pratiques, qui peuvent être recensées dans la charte.
Il appartient à l'employeur d'en définir les contours, en fonction de l'activité exercée.
Exemples :
- bloquer l'accès à la messagerie professionnelle après une heure donnée ou le week-end ;
- définir des plages horaires individuelles (pour les cadres) ou collectives, sur lesquelles les salariés peuvent être joints ;
- mettre en place un entretien annuel visant à faire le point sur la charge de travail du salarié et son ressenti quant à l'effectivité de ses possibilités de déconnexion ;
- etc.
Références :
(1) Article 55 de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels
(2) Article L2242-17 du Code du Travail
(3) Article L3121-9 du Code du Travail
(4) Article L3121-65 du Code du travail
(5) Cass. Soc., 12 juillet 2018, n°17-13029
(6) CA de Montpellier - 1re chambre sociale, 19 avril 2023, n°20/01182
(7) Article L2242-8 du Code du travail
(8) Article L2243-2 du Code du travail
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