Quels sont les salariés du BTP pour lesquels l'employeur peut proposer un forfait en jours en 2024 ?
Un contrat cadre au forfait jour ne peut être instauré que si un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche le prévoit (1).
Dans le secteur du BTP, les entreprises ont la possibilité de proposer une convention individuelle de forfait en jours aux ETAM (employés, techniciens et agents de maîtrise) à partir de la position F, ainsi qu'aux cadres :
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qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
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dont la durée du travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et de la réelle autonomie dont ils disposent dans l'organisation de leur emploi du temps.
Bon à savoir : suite à l'arrêté du 5 juin 2020, les entreprises relevant de la convention collective nationale des cadres des travaux publics du 20 novembre 2015 ne peuvent plus conclure, depuis le 1er octobre 2021, des conventions individuelles de forfait jours qu'avec les cadres relevant au minimum de la position B de la classification des cadres des travaux publics (2).
Comment mettre en place la convention de forfait jours avec le salarié ? Comment cela fonctionne ?
Sans l'accord écrit du salarié, l'employeur ne peut pas appliquer la forfaitisation.
La mise en place d'un forfait en jours requiert l'accord du salarié et donne lieu à la conclusion d'une convention individuelle de forfait qui doit être établie par écrit (3) :
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soit en intégrant une clause au contrat de travail et donc en faisant signer un avenant au salarié concerné, car c'est une modification du contrat de travail ;
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soit en rédigeant une convention à part entière.
La convention ou l'avenant signé par l'ETAM ou le cadre doit préciser :
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les caractéristiques de la fonction qui justifient l'autonomie dont il dispose pour l'exercice de ses fonctions ;
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le nombre de jours sur la base duquel le forfait est défini ;
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la répartition initiale des jours compris dans le forfait, qui doit tenir compte des périodes de présence nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise et de l'autonomie du salarié, ainsi que les modalités de prise des jours de repos, en journées ou demi-journées.
À retenir : le refus du salarié d'accepter une convention individuelle de forfait annuel en jours ne saurait justifier la rupture de son contrat de travail.
Combien de jours travaillés par année pour les ETAM et cadres du BTP au forfait jours ?
Les salariés qui ont accepté de signer une convention individuelle de forfait en jours, sont tenus de travailler un certain nombre de jours dans l'année.
La convention collective nationale des cadres du bâtiment du 1er juin 2004 (4), la convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 (5) et la convention collective nationale des cadres des travaux publics du 20 novembre 2015 (6) prévoient le nombre de jours maximum qui doivent être travaillés sur l'année.
Le nombre de jours travaillés par les salariés au forfait jours varie en fonction de leur ancienneté et ne peut pas excéder :
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218 jours pour les ETAM et les cadres qui ont entre 0 et 5 ans d'ancienneté dans l'entreprise ;
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216 jours pour les ETAM et les cadres ayant plus de 5 ans et moins de 10 ans de présence dans l'entreprise, ou ayant plus de 10 ans mais moins de 20 ans de présence dans une ou plusieurs entreprises relevant d'une caisse de congés payés du BTP ;
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215 jours pour les ETAM et les cadres ayant plus de 10 ans de présence dans l'entreprise ou ayant plus de 20 ans de présence dans une ou plusieurs entreprises relevant d'une caisse de congés payés du BTP.
Bon à savoir : pour les ETAM et les cadres ne bénéficiant pas d'un congé annuel complet, le nombre de jours de travail est augmenté à concurrence du nombre de jours de congés légaux auxquels ils ne peuvent prétendre.
À lire : Convention de forfait jours : votre convention collective est-elle à jour ?
Quel salaire l'employeur doit-il verser aux ETAM et cadres du bâtiment au forfait jours ?
Les conventions collectives nationales prévoient que le salaire minimum conventionnel correspondant au niveau et à la position de l'ETAM ou du cadre ayant conclu une convention de forfait en jours doit être majoré de :
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10 % pour les cadres du bâtiment relevant de la convention collective du 1er juin 2004 ;
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15 % pour les ETAM du bâtiment relevant de la convention collective du 12 juillet 2006 ;
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15 % pour les cadres des travaux publics relevant de la convention collective du 20 novembre 2015.
Les salariés en forfait jours sont rémunérés sur la base d'un nombre de jours travaillés annuellement, sans décompte du temps de travail.
Par conséquent, aucune déduction de la rémunération pour une période inférieure à une journée ou à une demi-journée n'est possible.
La valeur d'une journée entière de travail est calculée en divisant la rémunération mensuelle forfaitaire par 22.
En quoi l'employeur est-il obligé à l'égard des salariés du bâtiment au forfait jours ?
Le respect des temps de repos
L'employeur doit veiller à ce que l'amplitude des journées d'activité des ETAM et des cadres au forfait jours, respecte des limites raisonnables et leur permette de concilier activité professionnelle et vie personnelle et familiale.
En effet, ils ont droit au respect de leur temps de repos et de leur vie privée.
La prise des jours de repos issus du forfait en jours doit être effective.
À ce titre, ils bénéficient d'ailleurs d'un temps de repos quotidien d'au moins 11 heures consécutives et d'un temps de repos hebdomadaire de 35 heures consécutives, sauf dérogations.
C'est pourquoi, un document individuel de suivi des périodes d'activité, des jours de repos et des jours de congés doit être tenu par l'employeur ou par le salarié sous la responsabilité de l'employeur.
Ce document individuel de suivi permet un point régulier et cumulé des jours de travail et des jours de repos, afin de favoriser la prise de l'ensemble des jours de repos dans le courant de l'exercice.
Le contrôle annuel de l'amplitude et de la charge de travail
Par ailleurs, l'employeur doit s'assurer que la charge de travail des ETAM et cadres au forfait jours ne soit pas disproportionnée.
Ainsi, l'organisation du travail des salariés au forfait jours doit faire l'objet d'un suivi régulier par la hiérarchie qui veille, notamment, aux éventuelles surcharges de travail (7).
La situation de l'ETAM ou du cadre ayant conclu une convention individuelle de forfait en jours doit, quoi qu'il en soit, être examinée lors d'un entretien annuel avec son supérieur hiérarchique (8).
Cet entretien porte sur la charge de travail du cadre et l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que la rémunération du salarié.
Jurisprudences :
Dans deux décisions du 10 janvier 2024, la Cour de cassation est venue apporter des précisions, sur l'appréhension, par l'employeur, de la charge de travail du salarié au forfait.
Elle a d'abord précisé, que dès lors qu’il avait été constaté que le repos hebdomadaire du salarié n’avait pas été respecté à plusieurs reprises, les motifs tirés de contraintes internes à l'entreprise et de la récupération ou du paiement des jours de dépassement du forfait, invoqués par l’employeur pour justifier ces non-respects, étaient inopérants (9).
Ensuite, la Cour de cassation a indiqué qu'en cas de manquement de l'employeur à l'une des obligations relatives au contrôle de la charge de travail, la convention individuelle de forfait en jours conclue, alors que l'accord collectif ouvrant le recours au forfait en jours ne répondait pas aux exigences supplétives légales, était nulle (10).
NB : les informations contenues dans cet article s'appliquent aux entreprises, à condition qu'elles adhèrent à une organisation signataire de ladite convention collective lorsque celle-ci n'est pas étendue (c'est le cas de la convention collective nationale des cadres du bâtiment du 1er juin 2004).
Références :
(1) Article L3121-63 du Code du travail(2) Avenant n°2 du 17 juin 2021 à la convention collective du 20 novembre 2015 relatif au forfait jours
(3) Article L3121-55 du Code du travail
(4) Convention collective nationale des cadres du bâtiment du 1er juin 2004, IDCC n°2420
(5) Convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006, IDCC n°2609, étendue par arrêté du 5 juin 2007
(6) Convention collective nationale des cadres des travaux publics du 20 novembre 2015, IDCC n°3212, étendue par arrêté du 5 juin 2020
(7) Cass. Soc., 25 janvier 2023, n°21-20912
(8) Article L3121-65 du Code du travail
(9) Cass. Soc., 10 janvier 2024, n°22-15782
(10) Cass. Soc., 10 janvier 2024, n°22-13200
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