Rupture conventionnelle collective : définition d'une rupture d'un commun accord
La rupture conventionnelle collective consiste, au même titre que la rupture conventionnelle individuelle, en la rupture, d'un commun accord, du contrat de travail qui lie un salarié et un employeur (1). Le consentement mutuel de l'employeur et du salarié est central dans cette rupture : une RCC ne peut en aucun cas être imposée par l'une ou l'autre partie. C'est en cela, en particulier, qu'elle se distingue du licenciement, décidé par l'employeur, et de la démission, imposée par le salarié.
À la différence de la rupture conventionnelle individuelle, la RCC concerne plusieurs salariés en même temps. Il s'agit en effet d'un mode de départ collectif.
Pourquoi faire une rupture conventionnelle collective ? Avantages, motifs...
La rupture conventionnelle collective permet à une entreprise d'effectuer plusieurs suppressions d'emplois, avec l'accord des salariés (2). Ce mode collectif de rupture se révèle très utile notamment lorsque l'entreprise souhaite réorganiser l'activité et les compétences dont elle dispose. La rupture conventionnelle collective peut en effet être utilisée pour s'adapter aux évolutions économiques et restructurer leurs activités.
Que votre entreprise rencontre ou non des difficultés économiques, la RCC peut vous permettre de revoir à la baisse vos effectifs. Contrairement au licenciement pour motif économique, vous n'avez pas besoin d'un motif économique pour la mettre en place.
Quant aux salariés, la RCC leur donne la possibilité de quitter l'entreprise sur la base du volontariat. Le salarié volontaire a à cet égard tout à fait droit aux indemnités légales de licenciement. Il a également droit aux allocations chômage (sous réserve de répondre aux conditions exigées).
Comment négocier et mettre en place une rupture conventionnelle collective ? Modalités, conditions, accord collectif et validation de l'Administration...
La nécessité d'un accord collectif : élaboration, contenu obligatoire et modalités de négociation
Pour être mise en œuvre, la rupture conventionnelle collective doit obligatoirement faire l'objet d'un accord collectif. Cet accord collectif portant rupture conventionnelle peut être négocié dans toute entreprise, quelle que soit sa taille, selon les modalités qui lui sont propres. À cet égard, différents acteurs jouent un rôle essentiel dans la négociation de cet accord collectif : outre l'employeur, ce sont les syndicats, avec les délégués syndicaux, qui sont chargés de mener cette négociation.
Pour porter ses effets sur la RCC, l'accord collectif doit obligatoirement indiquer certains éléments, listés par le législateur dans le Code du travail. Il doit notamment y figurer :
- les modalités et conditions d'information du comité social et économique (le cas échéant) ;
- le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d'emplois associées, et la durée pendant laquelle des ruptures de contrat de travail peuvent être engagées sur le fondement de l'accord ;
- les conditions que doit remplir chaque salarié pour en bénéficier ;
- les modalités de présentation et d'examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l'accord écrit du salarié au dispositif prévu par l'accord collectif ;
- les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ;
- les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ;
- les mesures visant à faciliter l'accompagnement et le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents, telles que le congé de mobilité, des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ;
- les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l'accord portant rupture conventionnelle collective (4).
L'accord collectif devant faire l'objet d'une validation de l'Administration (DREETS)
Une fois l'accord élaboré, l'employeur doit le soumettre à la validation de l'Administration, en l'occurrence, la DREETS. Pour cela, vous devez transmettre l'accord via le portail RUPCO, en ligne.
L'Administration se prononce sur la demande de validation dans un délai de 15 jours (le point de départ du délai étant la réception de la part de la DREETS). Trois cas de figures peuvent alors survenir : soit l'Administration valide l'accord, soit elle refuse de le valider, soit elle ne donne aucune réponse.
En cas de validation de l'accord : cette validation doit être portée à la connaissance des salariés. Cette information, obligatoire et essentielle, peut se faire par voie d'affichage, ou tout autre moyen permettant de donner une date certaine (intranet, par exemple).
En cas de refus de validation : nulle crainte à avoir, un nouvel accord peut être négocié. Vous devez alors informer le CSE de la reprise des négociations. Le nouvel accord doit tenir compte des éléments de motivation que la DREETS a donné pour justifier le refus.
En l'absence de réponse de l'Administration : le silence de la DREETS au bout de 15 jours vaut validation de l'accord. Ainsi, vous devez porter à la connaissance des salariés une copie de la demande de validation de l'accord collectif et de l'accusé de réception par l'Administration. Cette information se fait dans les mêmes conditions que celle de la validation de l'accord.
Dispositif "transition collective" obligation de revitalisation des territoires : comment les articuler avec la RCC ?
Concernant le dispositif de transition collective : il est tout à fait possible de prévoir dans l'accord collectif portant RCC la mobilisation du dispositif de Transition collective, dit "Transco". L'accord peut en effet prévoir la mise en œuvre du congé mobilité "transco-congé", et établir la liste des catégories d’emploi fragilisées permettant aux salariés d’opter pour ce dispositif de reconversion externe s’ils le souhaitent.
Concernant l'obligation de revitalisation des territoires : les suppressions d'emploi résultant d'une RCC sont soumises à cette obligation. Ainsi, lorsque les suppressions d’emplois résultant de la RCC affectent, par leur ampleur, l'équilibre du bassin d'emploi dans lesquels ils sont implantés, l'employeur est tenu de contribuer à la création d'activités et au développement des emplois.
Comment demander une rupture conventionnelle à son employeur : les salariés peuvent-ils proposer une RCC ?
Non, les salariés n'ont pas la possibilité de proposer une rupture conventionnelle collective à leur employeur, seul l'employeur peut en prendre l'initiative.
La RCC est exclusive du licenciement ou de la démission et ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties.
Elle résulte d'une convention signée par les parties au contrat et permet ainsi de rompre le contrat de travail de plusieurs salariés, de manière amiable et négociée.
Tous les salariés peuvent-ils être candidats à la rupture conventionnelle collective ?
Quels sont les salariés concernés ?
Le Code du travail prévoit de manière explicite que seuls les salariés en CDI peuvent candidater à une RCC. Ainsi, ce dispositif n'est pas ouvert aux salariés en CDD, intérimaires, ou en contrat d'apprentissage.
Au-delà de ce cadre légal, vous êtes libre de décider quelles sont les catégories de salariés concernées par la rupture conventionnelle collective.
Les conditions qui doivent être remplies par les salariés pour être candidats à la RCC sont néanmoins fixées par l'accord portant rupture conventionnelle collective (4).
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Que faire si le nombre de candidatures est supérieur à celui des départs envisagés ?
Si le nombre de salariés candidats à la rupture conventionnelle est supérieur au nombre maximal de départs envisagés, les potentiels candidats au départ sont départagés en fonction des critères fixés dans l'accord portant rupture conventionnelle collective.
Les critères de départage fixés dans l'accord ne doivent pas être discriminants.
Comment le salarié formule-t-il sa candidature ? Acceptation ou refus de l'employeur, droit de rétractation
Le salarié intéressé par la RCC peut proposer sa candidature auprès de son employeur. Cette demande se fait par écrit. Le salarié doit donner son accord écrit, selon les modalités fixées par l'accord collectif.
L'employeur peut tout à fait refuser la candidature du salarié, tant qu'il invoque un motif objectif à cette décision.
Si l'employeur accepte la candidature, cette acceptation entraîne la rupture du contrat de travail. Le salarié doit alors signer une convention individuelle de rupture.
Quelles sont les conséquences de la rupture conventionnelle collective sur le contrat de travail et les indemnités de fin de contrat ?
Quels sont les montants des indemnités de rupture lors d'une RCC ?
Pendant la procédure, le contrat de travail se poursuit dans des conditions normales. Le salarié peut donc prendre des congés payés durant cette période.
En revanche, l'acceptation par l'employeur de la candidature du salarié dans le cadre de la rupture conventionnelle collective emporte rupture du contrat de travail d'un commun accord des parties (6).
L'employeur doit alors verser au salarié une indemnité de rupture qui ne peut être inférieure à l'indemnité légale de licenciement (3).
Les modalités de calcul de cette indemnité doivent être prévues dans l'accord portant rupture conventionnelle collective (3).
En outre, le salarié perçoit l'indemnité compensatrice de congés payés (s'il n'a pas pris la totalité de ses congés).
Mesures de reclassement
Vous devez également faire bénéficier les salariés concernés par la RCC, de mesures visant à faciliter leur reclassement externe sur des emplois équivalents, telles que (3) :
- des actions de formation ;
- des actions de validation des acquis de l'expérience ;
- des actions de reconversion ;
- des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés.
Ces mesures, visant à faciliter le reclassement des salariés concernés, doivent également être prévues par l'accord collectif mettant en place la RCC.
Par contre, dans le cadre de la rupture conventionnelle collective, l'employeur n'a pas à proposer un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) aux salariés ayant accepté une RCC.
Les salariés concernés par la RCC ne bénéficient pas non plus de la priorité de réembauchage qui existe dans le cadre d'un licenciement économique. Vous êtes libre, si votre situation financière s'améliore, d'embaucher de nouveaux salariés, mais n'avez aucune obligation de proposer les postes disponibles aux salariés ayant signé une RCC.
De même, la rupture conventionnelle collective n'étant pas liée à un motif économique, vous n'êtes pas contraint de mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).
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Documents de fin de contrat
Comme pour toute rupture de contrat, l'employeur doit remettre au salarié les documents de fin de contrat :
- certificat de travail ;
- attestation France Travail ;
- solde de tout compte.
Si l'entreprise dispose d'un dispositif lié à l'épargne salariale, vous devez transmettre au salarié un état récapitulatif de l'ensemble des sommes et valeurs mobilières épargnées.
Comment se passe la contestation de la rupture conventionnelle collective ?
Le litige porte sur l'accord de rupture conventionnelle collective (contenu de l'accord, régularité de la procédure)
Les salariés peuvent saisir le juge du tribunal administratif. Mais sachez que vous pouvez également contester la rupture conventionnelle collective devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de validation.
Le tribunal dispose d'un délai de trois mois pour rendre sa décision. En cas d'absence de réponse du tribunal ou d'appel, il faut alors saisir la Cour administrative d'appel, qui dispose également de trois mois pour statuer.
De même, en cas de silence ou en cas de pourvoi, le litige est porté devant le Conseil d'État.
Le litige porte sur la rupture du contrat de travail
Dans le cadre d'une rupture conventionnelle collective, vos salariés peuvent contester spécifiquement la rupture de leur contrat de travail. Dans ce cas, ils peuvent saisir le Conseil des prud'hommes avant l'expiration d'un délai de 12 mois à compter de la date de la rupture du contrat.
(2) Article L1237-19 du Code du travail
(3) CE, 21 mars 2023, n° 459626
(4) Article L1237-19-1 du Code du travail
(5) Article L1237-19-3 du Code du travail
(6) Article L1237-19-2 du Code du travail
Rapport complet et bien expliqué. En tant que CSE et DS, je ne regrette pas mon abonnement