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Actualité :

Le salarié protégé peut-il refuser une mise à pied disciplinaire prononcée par son employeur ? C'est sur cette question qu'est intervenu le juge le 11 décembre 2024. Détail, et réponse, au sein de cet article !

Est-il possible de sanctionner un salarié représentant du personnel ?

Rappel sur la protection de certains salariés

Avant toute chose, il est bon de rappeler qu'en raison de leur fonction, les représentants du personnel bénéficient d'une protection particulière contre d'éventuelles sanctions abusives de la part de leurs employeurs, notamment celles ayant un impact sur leur contrat de travail (dont le licenciement).

Sont par exemple concernés par cette protection (1) :

  • le délégué syndical ;
  • le membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique (CSE) ;
  • le représentant syndical au CSE ;
  • etc.

La possibilité de sanctionner un salarié protégé

Cette protection n'est en revanche pas synonyme d'immunité.

Ainsi, comme tout salarié, si un salarié protégé (exemple : un membre du CSE d'entreprise) commet une faute ou manque à ses obligations professionnelles, il est tout à fait possible d'engager une procédure disciplinaire à son encontre, en vue de l'application d'une sanction

Vous pouvez prononcer une sanction disciplinaire à l'égard d'un élu représentant du personnel pour sauvegarder les intérêts de votre entreprise. Cette sanction peut aller du simple avertissement au licenciement pour faute grave ou faute lourde.

🔍 Pour tout savoir sur la procédure disciplinaire (sanctions prévues par le règlement intérieur, prescription des faits, etc.) : Comment sanctionner un salarié fautif ?

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Puis-je sanctionner un salarié protégé qui commet une faute dans le cadre de l'exécution du contrat de travail ?

Le mandat représentatif n'autorise pas un salarié protégé à adopter un comportement fautif, à ne pas respecter les règles prévues par le règlement intérieur de l'entreprise, ou plus généralement, à ne pas respecter ses obligations en tant que salarié

Comme tout salarié, le salarié protégé reste donc soumis, pendant l'exécution de son contrat de travail, au pouvoir disciplinaire de l'employeur. En effet, ce dernier doit veiller à protéger les intérêts de l'entreprise et à sanctionner d'éventuels manquements.

En présence d'un fait fautif (harcèlement sexuel, harcèlement moral, racisme au travail à l'égard des collègues ou de tiers, consommation d'alcool au bureau, etc.) l'employeur doit enclencher la procédure de sanction disciplinaire comme il le ferait pour n'importe quel salarié.

Puis-je sanctionner un salarié protégé pour une faute commise dans l'exercice de son mandat représentatif ?

Veiller à ne commettre aucune discrimination

En premier lieu, en tant qu'employeur, vous ne devez pas commettre d'abus dans le cadre de la sanction des salariés protégés.

Concrètement, vous avez l'interdiction de prendre une sanction pour un motif discriminatoire à l'égard de l'un d'eux, notamment (2) :

  • en raison de leurs opinions politiques ;
  • de leurs activités syndicales ;
  • de l'exercice d'un mandat électif.

Si vous songez à sanctionner le salarié, le motif doit uniquement reposer sur son comportement fautif.

Le vaste sujet de la faute commise dans le cadre de l'exercice du mandat représentatif

En second lieu, il est possible qu'un employeur souhaite sanctionner un salarié, non pas pour une faute commise dans l'exécution de son contrat de travail, mais pour une faute commise dans l'exercice du mandat représentatif. Cette question est plus épineuse.

En effet, vous ne pouvez pas engager une action disciplinaire à l'encontre d'un représentant du personnel si le comportement fautif de celui-ci n'a consisté qu'en une simple irrégularité dans l'exercice de son mandat (retard à une réunion CSE par exemple (3)).

En principe, lorsqu'il est dans le cadre de l'exercice de son mandat, le membre du CSE n'est en effet pas sous la subordination de son employeur.

Par exception toutefois, le juge a pu admettre que si le salarié abuse de ses prérogatives de représentant du personnel, l'employeur pourra prononcer une sanction disciplinaire pour ce motif. Cependant, il devra prouver la véracité de la faute commise, et démontrer la gravité de cet abus (utilisation du crédit d'heures de délégation d'un collègue, perte de confiance, répercussions sur l'entreprise et ses intérêts, sur la santé et sécurité des salariés, etc.).

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Quelles sont les sanctions disciplinaires possibles à l'égard du salarié protégé ?

Quelle est l'échelle des sanctions à appliquer au salarié protégé ?

Aucune échelle des sanctions spécifique n'est prévue à l'égard des salariés protégés. Ils sont soumis aux mêmes sanctions disciplinaires que les autres salariés de votre entreprise (et prévues par votre règlement intérieur).

Les sanctions légères (exemples : avertissement, blâme…)

Pour les sanctions légères, c'est-à-dire celles qui sont sans incidence sur les conditions ou le contrat de travail du salarié, vous n'avez pas de procédure spécifique à respecter.

Dès lors, vous pouvez prononcer un avertissement, un blâme, un rappel à l'ordre à l'encontre d'un salarié protégé responsable de manquements à ses obligations professionnelles, sans avoir à respecter une procédure particulière.

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Rappel :

Le Code du travail interdit toute sanction pécuniaire à l'encontre des salariés. Attention à ne pas confondre sanction pécuniaire et retenue pour temps non travaillé effectuée sur le salaire d'un salarié ayant choisi d'exercer, par exemple, son droit de grève.

Les sanctions lourdes (mutation, rétrogradation)

Principe : l'accord du salarié en cas de modification du contrat ou des conditions de travail

Pour rappel, on parle de "sanction lourde" pour désigner toute sanction qui a une incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. C'est le cas, par exemple, de la mutation disciplinaire ou de la rétrogradation.

Dans le cas de l'application d'une sanction lourde, et comme pour n'importe quel salarié, l'employeur est tenu au respect d'une procédure disciplinaire plus stricte, qui comprend notamment la tenue d'un entretien préalable.

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, aucune modification du contrat de travail ou changement des conditions de travail de celui-ci ne peut être imposée au salarié protégé (4).

Il doit donc être informé de cette faculté, et a la capacité de refuser la sanction.

Respect de la procédure : l'entretien préalable, autorisation administrative, etc.

Au vu des dispositions ci-dessus, la Cour de cassation estime en conséquence, que pour toutes sanctions qui touchent aux conditions de travail ou au contrat de travail (comme une mutation disciplinaire, rétrogradation disciplinaire) d'un salarié protégé, vous serez dans l'obligation, en tant qu'employeur (5) :

  • de convoquer le salarié à un entretien préalable ;
  • de veiller au bon déroulement de l'entretien, notamment en ce qui concerne la possible assistance du salarié par une personne de l'entreprise ;
  • d'informer le salarié de son droit d'accepter ou de refuser la modification des conditions ou du contrat de travail qu'entraîne la sanction disciplinaire ;
  • d'obtenir son accord pour cette modification, ce qui devra donner lieu à la signature d'un accord écrit signé par le salarié et vous ;
  • de lui notifier la sanction retenue.

En cas de refus du représentant du personnel, il vous faudra soit renoncer à la sanction, soit envisager le licenciement du salarié protégé, en respectant la procédure spécifique prévue dans ce cas.

 Attention ! L'acceptation par un salarié protégé de la modification de son contrat de travail ou de ses conditions de travail ne peut résulter (6) :

  • ni de son absence de protestation ;
  • ni de la poursuite de son travail.

Dès lors, le seul fait qu'un salarié protégé se soit rendu sur son nouveau lieu de travail à la suite de sa mutation disciplinaire n'équivaut pas à un consentement de sa part.

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Puis-je prononcer une mise à pied disciplinaire à l'encontre du salarié protégé ?

Généralement considérée comme une sanction lourde, la mise à pied disciplinaire permet à l'employeur de suspendre le contrat de travail d'un salarié, et de ce fait, sa rémunération, sur une période limitée.

Si elle peut être prononcée à l'égard du salarié protégé, quelques précisions apportées par le juge méritent néanmoins une attention particulière.

En pratique une question se pose régulièrement : puisque la mise à pied disciplinaire suspend le contrat de travail et la rémunération du salarié protégé, celui-ci peut-il refuser cette sanction ? Si oui, cela signifie-t-il que l'employeur doit obligatoirement informer le salarié fautif de cette faculté ?

Dans un arrêt du 11 décembre 2024, la Cour de cassation a apporté une réponse sans équivoque. Selon elle, la mise à pied disciplinaire du salarié protégé n'est pas subordonnée à l'accord du salarié car (7) : 

  • elle n'a pas pour effet de suspendre l'exécution du mandat de représentant du personnel :
  • et n'emporte ni modification de son contrat de travail ni changement de ses conditions de travail.

Le salarié protégé ne peut donc pas contester la sanction pour irrégularité de la procédure si son employeur ne l'a pas informé de la faculté de refuser la mise à pied disciplinaire, car son accord n'est pas requis. 

En revanche, le salarié protégé peut demander l'annulation de la sanction pour d'autres raisons : non-respect du règlement intérieur, sanction disproportionnée, faute non avérée, etc.

🔍 Cet article pourrait également vous intéresser : Comment choisir entre mise à pied conservatoire et disciplinaire ?

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Bon à savoir : 

Il est par ailleurs possible de prononcer une mise à pied conservatoire à l'encontre d'un salarié protégé. Rappelons toutefois que cette mesure n'est pas une sanction disciplinaire, mais une mesure d'attente, permettant à l'employeur de suspendre le contrat de travail du salarié fautif le temps de la procédure disciplinaire.

Notez que si la mise à pied conservatoire que vous avez prise à l'encontre d'un salarié protégé est annulée, la Cour de cassation considère que vous êtes alors tenu, en tant qu'employeur, de verser l'intégralité des salaires correspondant à la période de mise à pied, et ce, même si votre salarié a été mis en arrêt maladie sur cet intervalle et qu'il a perçu des indemnités journalières à ce titre (8).

Le licenciement pour faute d'un salarié protégé est-il possible ? La consultation du CSE est-elle requise ?

Si la faute commise par le salarié protégé rend son maintien dans l'entreprise impossible, il est possible d'envisager son licenciement pour faute (faute simple, faute grave, faute lourde). Dans ce cas, sa protection implique certaines règles procédurales à respecter.

Si vous souhaitez licencier un représentant du personnel comme un membre du CSE ou un délégué syndical, vous êtes tenu de suivre une procédure spécifique comprenant notamment :

  • la convocation à l'entretien préalable à licenciement du salarié protégé ;
  • veiller au bon déroulement de l'entretien ;
  • la consultation obligatoire du comité social et économique (CSE) s'il existe dans l'entreprise ;
  • la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail ;
  • la notification du licenciement au salarié protégé.
L'autorisation de l'inspecteur du travail est nécessaire pour vérifier que le licenciement n'a pas de lien avec le mandat du délégué du personnel au CSE.

Pour vérifier ce point, il procède à une enquête contradictoire et donne son accord ou son refus dans les 2 mois qui suivent la demande d'autorisation. À défaut de réponse de l'inspecteur dans ce délai, l'autorisation de licenciement est réputée rejetée (9).

En cas de non-respect de la procédure de licenciement, le salarié protégé pourra saisir le conseil de prud'hommes, pour faire annuler la sanction, voire obtenir la réparation du préjudice subi. Notons, une nouvelle fois, qu'il est indispensable que le licenciement ou la sanction n'ait aucun lien avec le statut de représentant du personnel.

💡 À retenir : le licenciement disciplinaire du salarié protégé est la sanction la plus lourde pouvant être prononcée à son encontre. C'est principalement sur celle-ci que sa protection va jouer : s'il obéit à la procédure classique, applicable à tout salarié, il faut toutefois y ajouter l'avis obligatoire du CSE s'il en existe un, et la demande d'autorisation à l'Inspecteur du travail. 

Références :

(1) Article L2411-1 du Code du travail
(2) Article L1132-1 du Code du travail
(3) Cass. Soc. 30 juin 2010, n°09-66792
(4) Cass. Soc. 25 novembre 1997, n°94-42727
(5) Article L1332-2 du Code du travail
(6) Cass. Soc. 15 février 2023, n°21-20572
(7) Cass. Soc. 11 décembre 2024, n°23-13332
(8) Cass. Soc. 29 mars 2023, n°21-25259
(9) Articles R2421-1 à R2421-16 du Code du travail