Les dispositions de l'article L. 435-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) permettent déjà la régularisation par le travail des ressortissants étrangers sans droit au séjour sur le territoire national. Par cette procédure qui demeure inchangée, les ressortissants étrangers peuvent solliciter un titre de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire » en fonction du contrat de travail détenu, sous une double condition d'antériorité du séjour et d'activité salariée, sans avoir l'obligation de produire un visa d'entrée. Elle nécessite toutefois la production par l'étranger de preuves de son investissement professionnel - notamment un formulaire CERFA rempli par son employeur - et de bulletins de salaire, conditionnant de facto l'aboutissement de la procédure de régularisation à intervention de l'employeur.
Pour rappel, l'admission exceptionnelle au séjour au titre des métiers en tension est un dispositif dont la loi prévoit une application jusqu'au 31 décembre 2026.
I. La réception et l'instruction des dossiers
Les principes de réception des dossiers, de vérification de leur qualité formelle, de leur enregistrement et de réexamen des situations individuelles sont identiques à ceux applicables à la procédure d'admission exceptionnelle au séjour explicitée dans la circulaire du 28 novembre 2012 (n° NOR INTK1229185C),
En ce sens, les services préfectoraux réceptionneront systématiquement les demandes d'admission exceptionnelle au séjour formulées au motif d'un emploi dans un métier en tension par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, y compris lorsque leur situation au regard du droit au séjour a donné lieu à une décision de refus de séjour suivie, le cas échéant, d'une obligation de quitter le territoire (OQTF).
Les demandes d'admission exceptionnelle au séjour au titre d'un emploi dans un métier en tension doivent être individuelles, les dépôts groupés étant exclus.
Si le dossier déposé est complet, un récépissé autorisant à travailler sera délivré au demandeur.
II. Principes d'éligibilité à l'admission exceptionnelle au séjour au titre d'un emploi dans un métier en tension
2.1. Les critères d'expérience professionnelle dans d'emploi dans un métier en tension
L'article L. 435-4 du CESEDA conditionne l'admission exceptionnelle au séjour à la preuve d'une expérience professionnelle salariée dans un métier en tension d'au moins douze mois, consécutifs ou non, au cours des vingt-quatre derniers mois et à la justification, au jour de la décision de la préfecture, d’un emploi relevant de la liste des métiers en tension.
Il revient au ressortissant étranger de démontrer la réalité et la durée de son activité professionnelle antérieure. Les bulletins de salaire constituent une preuve certaine d'activité salariée dès lors qu'ils attestent d'une activité au moins égale à un mi-temps mensuel.
Par ailleurs, il appartient au ressortissant étranger de justifier occuper au jour de la décision préfectorale, un emploi dans un métier en tension par tout moyen, dont le contrat de travail.
Pour les activités professionnelles exercées en intérim, les préfectures sont priées de demander les contrats démission temporaire qui permettront d'identifier le métier de la mission et son lieu d'exercice. En l'absence de ces documents, elles peuvent qualifier le métier sur la base des bulletins de salaire et la localisation géographique, à partir de l'adresse de l'agence d'intérim du demandeur.
Il a été rappelé que la loi exclut la prise en compte des expériences professionnelles exercées sous couvert des titres de séjour « travailleur saisonnier » et « étudiant » ainsi que celles sous couvert d'une attestation de demandeur d'asile.
La loi prévoit que l'admission exceptionnelle au séjour au titre des métiers en tension bénéficie aux personnes ayant exercé une activité professionnelle salariée, Par conséquent, les activités professionnelles exercées sous le statut d'autoentrepreneur seront écartées, sauf si une décision juridictionnelle a requalifié la relation de travail visée en salariat. Enfin, sont exclues les activités relevant de l’entrepreneuriat et de l'activité libérale.
2.2 Le critère de résidence
L'accès à l'admission exceptionnelle au séjour au titre d'un emploi dans un métier en tension est conditionné à une durée de résidence significative et ininterrompue d'au moins trois ans en France.
2.3 Le critère de l'intégration
L'accès à l'admission exceptionnelle au séjour au titre d’un emploi dans un métier en tension est conditionné à l'insertion sociale et familiale, au respect de l'ordre public, à l'intégration à la société française et à l'adhésion aux modes de vie et aux valeurs de celle-ci ainsi qu'aux principes de la République mentionnée à l'article L. 412-7, introduit par la loi CIAI, du demandeur.
S'agissant de la prévention de la menace à l'ordre public, celui-ci sera vérifié dans le cadre de la réserve liée à l'ordre public prévu à l'article L. 412-5 du CESEDA.
2.4. Le critère du casier judiciaire
L'accès à l'admission exceptionnelle au séjour au titre d'un emploi dans un métier en tension est conditionné à l'absence de mention d'une condamnation, d'une incapacité ou d'une déchéance au bulletin n°2 du casier judiciaire {B2). La vérification de cette condition impliquera donc la consultation systématique par les services préfectoraux du casier judiciaire du demandeur.
III. Délivrance de l'autorisation de travail
Dans l'attente de la création d’un module spécifiquement dédié à l'admission exceptionnelle au séjour dans le système d'information dédié aux autorisations de travail, les PFMOE accorderont une autorisation de travail d'une durée égale à la durée de validité du titre de séjour délivré au titre de l'admission exceptionnelle au séjour sous la forme d'un document sécurisé.
Si l'étranger change d'employeur ou conclut un nouveau contrat de travail, l'autorisation de travail délivrée, qui de manière exceptionnelle est liée au titre de séjour, reste valable pendant toute la durée de validité du titre uniquement pour l'exercice d'un métier figurant sur la liste des métiers en tension.
Dans l’hypothèse dans laquelle l'étranger souhaiterait obtenir un contrat de travail auprès d’un employeur pour une activité professionnelle ne figurant pas dans la liste des métiers en tension, ce dernier devra obligatoirement solliciter une autorisation de travail avant la signature du contrat de travail.
IV. Cas spécifiques : ressortissants algériens, tunisiens et marocains
4.1 Les ressortissants algériens
Nonobstant le fait que les ressortissants algériens ne peuvent se prévaloir des dispositions du CESEDA fixant les conditions d'admission exceptionnelle au séjour et qu'ils ne rempliraient pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour au regard des stipulations de de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 {c/ CE avis, 22 mars 2010, n° 333679, M, D), les préfets peuvent, en application de leur pouvoir général d'appréciation, décider d'admettre exceptionnellement au séjour ces ressortissants.
4.2 Les ressortissants tunisiens et marocains
De même, nonobstant les stipulations de l'accord franco-marocain du 09 octobre 1987 et de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, les ressortissant marocains et les ressortissants tunisiens peuvent se voir délivrer une carte de séjour temporaire "salarié" ou "travailleur temporaire" dans les conditions prévues par la présente circulaire, en application du pouvoir discrétionnaire d'appréciation du préfet (CE, avis, 2 mars 2012 n° 355208, M.L.)
Par Fayçal Megherbi, avocat
Dossier complet répondant à mes questions