Quelle est la réglementation pour fixer la période de prise de congés payés ?
Définition de la période de prise des congés payés
La période de prise des congés payés est celle pendant laquelle les salariés peuvent demander à prendre leurs congés.
C'est aussi pendant cette période que l'employeur peut décider de fermer temporairement l'entreprise.
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Détermination de la période de prise des congés payés
1er mai - 31 octobre Période légale de prise des congés payés
La période de prise des congés payés doit être prévue (1) :
- par un accord d'entreprise ou d'établissement ;
- ou à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Sans précisions ou en l'absence de convention ou d'accord, il revient à l'employeur de définir la période de prise des congés (2).
Elle peut s'étendre sur l'année mais doit obligatoirement comprendre la période du 1er mai au 31 octobre (3).
Pensez à consulter le Comité social et économique (CSE) : il doit rendre un avis consultatif en la matière.
💡 Découvrez notre article dédié : Information consultation du CSE sur l'ordre des départs en congés
Information des salariés
Les salariés doivent être informés de la période de prise de leurs congés au moins 2 mois avant son ouverture (4).
À noter : il ne faut pas confondre la période de prise des congés payés avec la période de référence qui est celle pendant laquelle le salarié doit accomplir le temps requis de travail pour acquérir des congés payés. À défaut d'accord, le point de départ de la période prise en compte pour le calcul du droit au congé est généralement fixé au 1er juin (5).
Combien de jours de congés payés (CP) sont acquis par mois et par an ?
Par mois
Le salarié a droit à un congé de 2 jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
2,5/mois ou 30/anJours ouvrables
Par an
La durée totale du congé exigible ne peut excéder 30 jours ouvrables, soit 5 semaines de vacances par an.
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Quelles sont les périodes assimilées à du travail effectif pour l'acquisition de congés payés ?
Certaines périodes sont assimilées à du travail effectif et permettent au salarié d'acquérir des congés payés, même s'il n'est pas présent au sein de l'entreprise (voir notre dossier consacré aux congés payés).
Exemple : les congés de maternité, de paternité & d'accueil de l'enfant et d'adoption.
À noter : des dispositions conventionnelles peuvent prévoir le contraire. Pensez à vérifier votre convention collective !
Ce que prévoit le droit de l'Union européenne
Le droit de l'Union européenne considère qu'un salarié en maladie (ordinaire ou non) doit acquérir des congés payés (au moins 4 semaines par an) (6).
Dans une décision du 13 septembre 2023, la Cour de cassation s'est conformé aux dispositions de l'Union, en reconnaissant aux salariés en arrêt maladie - quelle qu'en soit l'origine - le droit d'acquérir des congés payés (7).
Face à ce revirement jurisprudentiel, le Conseil constitutionnel a été saisi de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) (8). Il devait répondre aux questions suivantes :
- "le Code du travail porte-t-il atteinte au droit à la santé et au repos ?" ;
- "quid du principe d'égalité, garanti par la Constitution ?".
Dans une décision du 8 février 2024, il a décidé que les dispositions du Code du travail étaient conformes à la Constitution. Cette décision ne remet cependant pas en cause les arrêts du 13 septembre 2023, le Droit français, même conforme à la Constitution, restant contraire au Droit européen.
Le régime retenu par le législateur : nouvelles dispositions du Code du travail
La position du Législateur était fermement attendue, notamment par les entreprises qui sont dans l'attente de savoir quelles seront concrètement les conséquences pour elles.
Dans le cadre de la loi d’adaptation au droit de l’UE, suite à l'avis du Conseil d'État rendant compte de sa position sur l'acquisition de congés payés pendant l'arrêt maladie, le Code du travail est modifié pour se conformer à la position européenne.
Le texte, entré en vigueur le 22 avril prévoit donc que (9) :
- les salariés en arrêt pour maladie ordinaire (non professionnelle) pourront acquérir 2 jours de congés par mois, soit 24 jours ouvrables par an ou 4 semaines (le minimum prévu par la législation de l'Union européenne) ;
- les salariés en arrêt pour maladie d'origine professionnelle ou accident de travail pourront continuer à acquérir des congés payés, dans la limite de 5 semaines par an.
Demande de congés annuels : comment définir l'ordre des départs ?
Une fois la période de prise des congés déterminée, vous devez définir l'ordre des départs en congés de vos collaborateurs.
Si l'entreprise ne ferme pas totalement, les congés sont accordés par roulement, afin de maintenir votre activité tout au long de l'année.
En principe, l'ordre des départs en congés est fixé par accord collectif.
En l'absence d'accord, il appartient à l'employeur de définir l'ordre des départs pendant cette période (10). L'avis du CSE doit alors être recueilli.
À défaut de stipulation dans la convention ou l'accord, l'ordre des départs en congés doit être défini en fonction de :
- la situation de famille de vos collaborateurs : les possibilités de congé, dans le secteur privé ou la fonction publique, du conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) ainsi que la présence dans leur foyer d'un ou plusieurs enfants, d'un adulte handicapé ou d'une personne âgée en perte d'autonomie ;
- l'ancienneté de vos collaborateurs ;
- l'exercice d'une activité auprès d'un ou plusieurs autres employeurs.
Les conjoints et partenaires liés par un PACS, travaillant tous les deux dans la même entreprise ont le droit d'avoir leur congé en même temps (congé simultané) (11).
Bon à savoir : la communication de l'ordre des congés 1 mois avant le départ des salariés est une disposition d'ordre public à laquelle l'employeur ne peut pas être dérogé (12).
Organiser la fermeture de l'entreprise : l'employeur peut-il imposer des congés ?
En cas de fermeture de l'entreprise, les congés ne sont pas accordés par roulement mais simultanément. L'employeur peut alors imposer aux salariés de prendre des jours de congés pendant cette période.
La décision de fermeture de l'entreprise appartient au chef d'entreprise, en raison de son pouvoir de direction.
À ce sujet, la Cour de cassation a récemment rappelé que la fermeture totale de l'entreprise sur décision unilatérale de l'employeur ne peut se faire, le cas échéant, que dans les strictes limites prévues par la Convention collective applicable. En l'espèce, selon les termes de l'ancienne convention collective des bureaux d'études techniques (Syntec), l'employeur pouvait :
- soit procéder à la fermeture totale de l'entreprise dans une période située entre le 1er mai et le 31 octobre ;
- soit établir les congés par roulement après consultation du comité d'entreprise (ou à défaut des délégués du personnel) sur le principe de cette alternative.
Selon la Cour, il découlait de ces dispositions que la fermeture totale de l'entreprise ou de l'établissement n'était donc permise que pendant la période du 1er mai au 31 octobre. Dès lors, l'employeur ne pouvait pas imposer, par décision unilatérale, la prise de la 5ème semaine de congés payés du 24 au 31 décembre de l'année (13).
Si vous décidez de fermer votre entreprise pendant une durée supérieure à 24 jours ouvrables consécutifs, vous devez verser à vos salariés une indemnité qui ne peut être inférieure à un montant déterminé par la loi (14).
Si un salarié n'a pas acquis suffisamment de jours de congés pour couvrir la période de fermeture de l'entreprise, vous pouvez lui proposer de prendre des congés par anticipation ou des congés sans solde.
France Travail (ex-Pôle emploi) peut aussi lui verser, sous certaines conditions, une aide financière pour congés non payés.
==> Découvrez notre article sur la prise de congés par anticipation.
Fractionnement des congés et calcul du nombre de jours de congés supplémentaires pour fractionnement
Fractionnement des congés : comment ça marche ?
Le fractionnement des congés permet aux salariés prenant une partie de leur congé principal en dehors de la période de prise des congés de bénéficier de jours de congés supplémentaires pour fractionnement.
Les salariés peuvent prendre la totalité de leur congé principal (soit 24 jours) pendant la période de prise de congé (généralement du 1er mai au 31 octobre) en une ou plusieurs fois. Dans ce cas, ils n'ont pas le droit à des jours de fractionnement.
Quoi qu'il en soit, les salariés ne peuvent pas prendre plus de 24 jours ouvrables en une seule fois (congé principal), sauf exceptions (15). Les jours restants (la 5ème semaine) peuvent être pris dans cette même période ou en dehors de celle-ci.
Notez que lorsque le congé ne dépasse pas 12 jours ouvrable, il doit impérativement être continu (16).
A défaut de dispositions conventionnelles particulières, la fraction continue d'au moins 12 jours ouvrables est attribuée pendant la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année (17).
Jours de congés supplémentaires pour fractionnement
Lorsqu'ils décident de fractionner leur congé principal et d'en prendre une partie en dehors de la période de prise de congé, les salariés peuvent bénéficier de jours de congés supplémentaires pour fractionnement.
À défaut de dispositions particulières prévues dans une convention ou un accord, le salarié peut en effet prétendre à des congés supplémentaires, appelés jours de fractionnement, si les jours sont pris en dehors de la période (17) :
- 2 jours ouvrables si le nombre de congés pris en dehors de la période de prise des congés payés est au moins égal à 6 ;
- 1 jour ouvrable lorsque le nombre de congés pris en dehors de la période de prise des congés payés est compris entre 3 et 5 jours ouvrables.
Exemple :
Jean souhaite partir en congés du 9 au 22 juin 2024. Il prévoit de nouveaux congés du 8 au 14 septembre 2024. Il aura pris 12 jours ouvrables consécutifs en juin et 6 jours en septembre. Ainsi, il ne pourra pas prétendre à des jours de fractionnement.
En revanche, s'il prend ses 12 jours consécutifs en juin puis part 6 jours en décembre 2024, soit hors de la période de prise des congés payés, il aura droit à 2 jours de congés supplémentaires pour fractionnement.
Toutefois, vous pouvez éviter d'accorder des jours de fractionnement. Il vous suffit d'obtenir l'accord écrit du salarié. La renonciation au fractionnement ne se présume pas, elle doit être expresse (18). Autrement dit, un écrit est nécessaire.
L'employeur peut-il modifier les dates de congé validées ?
Un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention collective ou un accord de branche peut fixer les règles et délais que doit respecter l'employeur s'il entend modifier l'ordre et les dates de départs en congés (19).
À défaut de stipulation dans la convention ou l'accord, l'employeur doit respecter les dispositions prévues par le Code du travail. Ainsi, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, il ne peut modifier l'ordre et les dates de départ moins de 1 mois avant la date de départ prévue.
Prescription d'une demande d'indemnité de congés payés
Le paiement des indemnités dues pour les congés payés est soumis aux règles applicables pour le paiement des salaires. À ce titre, l'action en paiement du salaire se prescrit par 3 ans (20).
Attention : l'employeur ne doit pas confondre indemnité de congés payés et indemnité compensatrice de congés payés !
Dans un autre arrêt du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a apporté des précisions concernant le point de départ de la prescription d’une demande d’indemnité de congés payés (21).
En l'espèce, la Cour de cassation indique que, si en droit interne, le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés est fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris, le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l'UE.
Ce faisant, elle confirme la position de la Cour de justice de l'UE (CJUE) selon laquelle "la perte du droit au congé annuel payé à la fin d'une période de référence ou d'une période de report ne peut intervenir qu'à la condition que le travailleur concerné ait effectivement eu la possibilité d'exercer ce droit en temps utile [et qu'] il ne saurait être admis (...) que l'employeur puisse invoquer sa propre défaillance, à savoir avoir omis de mettre le travailleur en mesure d'exercer effectivement son droit au congé annuel payé, pour en tirer bénéfice (...)".
La Cour de cassation en conclut que le délai de prescription d'une demande d'indemnité de congés payés ne peut commencer à courir que lorsque l'employeur a effectivement mis le travailleur en mesure d'exercer ce droit.
Sur ce point, la loi d'adaptation au droit de l'UE prévoit de nouvelles mesures :
- celui-ci devra informer le salarié de retour d'arrêt maladie du nombre de congés payés et du délai dont il dispose pour les prendre. L'employeur aura 10 jours pour remplir cette obligation ;
- les congés acquis pendant l'arrêt du salarié pourront être pris dans un délai maximum de 15 mois après sa reprise du travail dès lors que l'employeur aura rempli son obligation d'information.
Sur la rétroactivité de la loi, une fois entrée en vigueur :
- les salariés encore dans l'entreprise concernée pourront faire valoir leurs droits relatifs au défaut d'acquisition de congés pendant des arrêts maladie intervenus après le 1er décembre 2009 pendant un délai de 2 ans ;
- les salariés ne travaillant plus dans l'entreprise pourront réclamer les sommes correspondant aux congés payés acquis dans une limite de 3 ans, soit 12 semaines de congés maximum.
(1) Article L3141-15 du Code du travail
(2) Article L3141-16 du Code du travail
(3) Article L3141-13 du Code du travail
(4) Article D3141-5 du Code du travail
(5) Article R3141-4 du Code du travail
(6) Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail
(7) Cass. Soc. 13 septembre 2023, n°22-17340
(8) Conseil constitutionnel, décision n°2023-1079 du 8 février 2024
(9) Loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole
(10) Article L3141-16 du Code du travail
(11) Article L3141-14 du Code du travail
(12) Article D3141-6 du Code du travail
(13) Cass. Soc., 13 mars 2024, n°22-16677
(14) Article L3141-31 du Code du travail
(15) Article L3141-17 du Code du travail
(16) Article L3141-18 du Code du travail
(17) Article L3141-23 du Code du travail
(18) Cass. Soc. 10 juillet 1986, n°83-45402
(19) Article L3141-16 du Code du travail
(20) Articles D3141-7 et L3245-1 du Code du travail
(21) Cass. Soc. 13 septembre 2023, n°22-10529
Dossier très complet et informatif