En quoi mettre en place une convention de forfait est-il avantageux ?
En tant qu'employeur, vous avez la possibilité, pour certains salariés et types de postes, d'instaurer une convention de forfait.
Il s'agit d'un contrat par lequel vous pouvez prévoir que votre salarié effectuera une durée de travail différente de la durée légale ou conventionnelle.
Sa mise en place, utile tant pour un motif économique qu'organisationnel, permet de laisser une large autonomie à votre salarié concernant son temps de travail.
Cette durée de travail peut être forfaitisée en heures, mais aussi en jours.
Le forfait en heures peut être modelé de plusieurs façons, en effet, il peut être :
- hebdomadaire ;
- mensuel ;
- annuel.
Le forfait en jours, quant à lui, est organisé de manière annuelle.
Ces forfaits remettent en cause les règles relatives aux durées de travail, ils vous permettent de mettre en place un horaire individualisé et de simplifier la gestion administrative de la paie. Il vous permet également d'intégrer dans la durée de travail de votre salarié un certain nombre d'heures supplémentaires qu'il accomplit régulièrement.
Les modalités de suivi du salarié s'en trouvent, de la même manière, modifiées.
Quels salariés peuvent bénéficier du forfait heures ou du forfait jours ?
Vous pouvez conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois avec tous les salariés (1).
Forfait en heures
Toutefois, seules 2 catégories de salariés, du fait du type de poste occupé, sont éligibles à un forfait en heures sur l'année :
- vos salariés cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
- vos salariés non-cadres disposant d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
Forfait en jours
La convention individuelle de forfait en jours sur l'année peut être conclue avec (2) :
- vos salariés cadres qui disposent d'une autonomie, une grande liberté dans l'organisation de leur emploi du temps, et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
- vos salariés non-cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée, et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
IMPORTANT : Les conventions de forfait annuel en jours ou en heures ne peuvent être mises en place que si un accord collectif d'entreprise ou d'établissement, ou à défaut, une convention collective ou un accord de branche le prévoit (3).
En l'absence d'accord collectif, votre salarié pourrait demander la nullité de la convention individuelle (4).
À lire : Convention de forfait jours : votre convention collective est-elle à jour ?
Comment mettre en place une convention individuelle de forfait ?
La mise en place d'un forfait jours ou d'un forfait heures sur l'année ne peut se faire de manière unilatérale, cela nécessite un accord entre l'employeur et le salarié. Pour ce faire, certaines règles doivent être respectées pour ne pas entacher sa validité.
Le cas échéant, il doit se matérialiser par la conclusion d'une convention individuelle de forfait qui doit être établie par écrit (5), soit par :
- la forme d'une clause au contrat de travail initial ou la possibilité de faire l'objet d'un avenant avec le salarié concerné ;
- la rédaction d'une convention à part entière.
À noter : l'écrit est obligatoire et doit être suffisamment précis. Par exemple, il doit préciser le nombre d'heures comprises dans le forfait (6). À défaut, la convention pourrait ne produire aucun effet et être contestée devant le conseil de prud'hommes.
En l'absence d'accord, votre salarié pourra là aussi demander la nullité de la convention individuelle et réclamer un rappel de salaire pour les heures supplémentaires effectuées.
Quels sont les horaires d'un cadre ayant un contrat au forfait ?
Quel est le temps de travail par journée et mensuel du salarié au forfait heures ?
Au forfait heures, même si les règles diffèrent quelque peu du cadre légal, la convention individuelle ne peut pas déroger au respect de la durée maximale de travail (soit 35 heures hebdomadaires et 151,67 heures mensuelles). Elle peut prévoir un forfait supérieur, mais devra respecter la législation en vigueur relative aux heures supplémentaires.
Vous devez instaurer des moyens vous permettant de décompter le temps de travail effectivement accompli.
En cas de dépassement du forfait, vous êtes tenu de rémunérer les heures supplémentaires.
À combien se limite le nombre maximal de jours travaillés par an en forfait jours ?
218nombre de jours maximum dans le forfait
La conclusion d'une convention de forfait en jours vous permet de découper le temps de travail en nombre de jours à travailler sur l'année. Il s'agit souvent d'une année civile, mais ce n'est pas une obligation. Ce nombre de jours n'est pas illimité. En effet, celui-ci ne peut être supérieur à 218 jours. Il peut atteindre 235 jours si le salarié renonce à ses jours de repos et contre un taux de majoration de salaire d'au moins 10 %. Cette renonciation à des jours de repos est souvent nommée rachat de jours de repos.
Votre salarié au forfait n'est pas soumis aux règles légales sur la durée maximale de travail.
Par contre, et la jurisprudence est très stricte, il continue de bénéficier des garanties en matière de :
- repos quotidien : 11 heures consécutives de repos quotidien entre chaque journée de travail ;
- repos hebdomadaire : 24 heures consécutives auxquelles s'ajoute le repos quotidien, soit 35 heures au total.
Malgré l'autonomie laissée au salarié au forfait, vous avez en tant qu'employeur l'obligation de lui assurer le droit à la déconnexion et d'évaluer sa charge de travail de votre salarié. Vous êtes tenu de vous assurer qu'elle est raisonnable et permette une bonne répartition dans son temps de travail.
À ce titre, vous devez vérifier de manière régulière et effective que le dispositif du forfait est adapté au type de poste du salarié et à l'amplitude de travail. L'accord collectif doit fixer les modalités de mise en œuvre de cette obligation. À défaut, vous devez le convoquer, au moins une fois, à un entretien annuel (7).
Si les modalités de suivi ne sont pas respectées, il y a la possibilité pour le salarié de demander la nullité de la convention. Une absence d'accompagnement de la part de l'employeur pendant plusieurs mois consécutifs serait un manquement à la convention de forfait comme le démontre un très récent arrêt de la Cour de cassation (8).
Dans une décision du 10 janvier 2024, la Cour a rappelé qu'en cas de manquement de l'employeur à l'une des obligations relatives au contrôle de la charge de travail, la convention individuelle de forfait en jours conclue, alors que l'accord collectif ouvrant le recours au forfait en jours ne répondait pas aux exigences supplétives légales, était nulle (9).
Quelle est la rémunération du salarié dans le cadre d'une convention de forfait ? Peut-il bénéficier du régime des heures supplémentaires ?
La convention individuelle au forfait heures doit assurer à votre salarié une rémunération au moins égale à celle qu'il aurait perçue s'il n'était pas au forfait (10).
Ainsi, elle doit être au moins égale à la rémunération minimale applicable dans l'entreprise pour le nombre d'heures correspondant au forfait, augmentée des majorations pour les heures supplémentaires.
Les conventions de forfait en jours ne doivent pas prévoir une rémunération manifestement sans rapport avec les sujétions qui sont imposées à votre salarié. À défaut, il pourra saisir le juge judiciaire pour demander une indemnité en fonction du préjudice subi (11).
Attention, certaines conventions collectives prévoient une majoration du salaire minimum conventionnel.
Faut-il mentionner la forfaitisation sur le bulletin de salaire du salarié ?
Le bulletin de paie de votre salarié doit mentionner la nature du forfait (en heures ou en jours hebdomadaires, mensuels ou annuels) et son volume (nombres d'heures ou jours contractualisés) (12).
L'omission de cette mention vous expose à une contravention de 3e classe. C'est pourquoi il convient d'être minutieux.
Le bulletin de paie doit indiquer le nombre de jours ou heures fixés dans la convention pour l'année et non pas le nombre effectivement travaillé depuis le début du mois. Un décompte établissant le nombre de jours (ou demi-journées) de travail accompli par votre salarié doit toutefois être tenu à disposition de l'inspecteur du travail.
Cependant, la seule mention du forfait sur le bulletin de salaire n'est pas suffisante à caractériser le fait que le salarié soit soumis au régime du forfait. Cela ne peut en aucun cas déduire la présence d'une convention signée par le salarié (13).
Dois-je consulter le CSE sur la mise en place de conventions de forfait ?
Le Comité social et économique (CSE) doit être consulté en principe chaque année (un accord collectif peut prévoir une durée différente) sur le recours aux conventions de forfait ainsi que sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés (14).
En effet, en tant qu'employeur, vous devez mettre à disposition un certain nombre d'informations au CSE concernant les conditions de santé, de sécurité et d'aménagement du temps de travail. Ces éléments sont nécessaires pour que le CSE apprécie la viabilité des conventions de forfait et donne un avis sur la répartition de l'activité des salariés au forfait.
💡 Ce document rédigé par nos juristes peut également vous intéresser : Modèle d'accord collectif mettant en place le forfait annuel en jours
Visionnez notre webconférence sur la mise en place d'une convention de forfait
(1) Article L3121-56 du Code du travail
(2) Article L3121-58 du Code du travail
(3) Article L3121-63 du Code du travail
(4) Cass. Soc., 15 mai 2014, n°12-24517
(5) Article L3121-55 du Code du travail
(6) Cass. Soc., 3 mai 2011, n°09-70813
(7) Article L3121-65 du Code du travail
(8) Cass. Soc, 25 janvier 2023 n°21-20912
(9) Cass. Soc., 10 janvier 2024, n°22-13200
(10) Article L3121-57 du Code du travail
(11) Article L3121-61 du Code du travail
(12) Article R3243-1 du Code du travail
(14) Articles L2312-8 et L2312-26 du Code du travail
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