Qu’est-ce qu’un CDI de chantier ou d'opération ?
Le CDI de chantier ou d'opération désigne, comme son nom l'indique, un type de contrat de travail conclu pour la durée d'un chantier ou d'une opération (1).
Il est obligatoirement un contrat à durée indéterminée (CDI) et prend fin à la réalisation de l'opération ou du chantier pour lequel il a été conclu, et dont la date n'est pas encore connue. De ce fait, il ne doit pas être confondu avec le contrat à durée déterminée (CDD).
Le CDI de chantier ou d'opération est un réel outil de flexibilité.
En pratique, un tel contrat permet :
-
aux entreprises : de rester compétitives, en embauchant des salariés dans l'objectif de réaliser un projet, un ouvrage, comme un chantier par exemple, et de potentiellement obtenir de nouveaux marchés grâce à la flexibilité offerte par ce type de contrat ;
- aux salariés : de signer la forme normale et générale du contrat de travail, à savoir un CDI, permettant, par exemple, de percevoir une indemnité de licenciement à la fin du contrat.
Dans quels secteurs peut-on utiliser le contrat de travail à durée indéterminée de chantier (CDIC) ?
À l'origine, le contrat de chantier ou d'opération était conclu dans les entreprises du BTP.
Cependant, le législateur a souhaité apporter plus de sécurité juridique à cette forme du contrat de travail qui existait déjà en pratique. Ainsi, depuis la réforme apportée par les Ordonnances du 22 septembre 2017 (2), le Code du travail prévoit ce type spécifique de contrat de travail. Les entreprises appartenant à d'autres secteurs d'activités que celui du BTP peuvent ainsi y avoir recours.
✅ En bref, tous les secteurs d'activité peuvent prévoir la conclusion d'un CDI de chantier ou d'opération, mais sous certaines conditions.
Quelles sont les spécificités à respecter pour conclure un CDI de chantier ?
1. Le CDIC est prévu par une convention ou un accord collectif de branche étendu
Pour qu'une entreprise puisse conclure un CDI de chantier (CDIC), elle doit s'assurer qu'une convention ou un accord collectif de branche étendu fixe les conditions de recours à ce contrat (1). Seul ce type d'accord peut le mettre en place.
Celui-ci doit fixer (3) :
- la taille des entreprises concernées ;
- les activités concernées ;
- les mesures d'information du salarié sur la nature de son contrat ;
- les contreparties en termes de rémunération et d'indemnité de licenciement accordées aux salariés ;
- les garanties en termes de formation pour les salariés concernés ;
- les modalités adaptées de rupture de ce contrat dans l'hypothèse où le chantier ou l'opération pour lequel ce contrat a été conclu ne peut pas se réaliser ou se termine de manière anticipée.
En pratique, les accords peuvent prévoir d'autres modalités que les entreprises doivent obligatoirement respecter (exemple : la durée minimale du contrat).
💡 Bon à savoir : la métallurgie est un exemple de secteur ayant mis en place le CDIC par la voie de la négociation collective (voir exemple ci-après).
2. Le CDIC est prévu par un usage habituel du secteur (exemple du BTP)
À défaut d'un tel accord, ce contrat peut être conclu dans les secteurs où son usage était déjà habituel et conforme à l'exercice régulier de la profession qui y recourait au 1er janvier 2017. L'objectif est de permettre aux entreprises concernées de continuer à recourir au CDI de chantier quand bien même elles ne disposeraient pas d'accord collectif.
💡 Bon à savoir : c'est par exemple le cas du BTP, comme vu précédemment.
Ainsi, si vous n'êtes dans aucun de ces cas, vous ne pouvez pas valablement conclure un CDI d'opération.
Quelles sont les différences entre un CDI de chantier et un CDI classique ?
Le CDI classique et le CDI de chantier (CDIC) ont de nombreux points communs, mais quelques différences permettent de les distinguer :
-
le CDI classique peut être oral, tandis que le CDI de chantier, pour permettre de l'identifier, doit être écrit et contenir certaines mentions obligatoires ;
-
toutes les entreprises peuvent avoir recours au CDI classique, tandis que le CDI de chantier doit, en principe, être prévu par une convention ou un accord collectif de branche étendu pour qu'une entreprise puisse y avoir recours ;
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le CDI classique concerne toutes les activités, tandis que le CDI de chantier est limité aux activités identifiées par la convention ou l'accord collectif le mettant en place ;
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le CDI classique n'a aucune durée prévue (minimale ou maximale), tandis que dans certains cas, le CDI de chantier peut prévoir une durée minimale avant laquelle il ne peut être rompu (exemple : 6 mois) ;
-
le CDI classique prend fin en cas de rupture du contrat par l'employeur (licenciement), par le salarié (démission), ou par accord commun (rupture conventionnelle). De son côté, le CDI de chantier dispose des mêmes possibilités de rupture du contrat de travail, mais prend en principe fin lorsque le chantier ou l'opération prévue est achevé(e) ;
-
etc.
Avantages : pourquoi choisir un CDI de chantier plutôt qu’un CDI classique ?
Avant de s'interroger sur les avantages de conclure un CDI de chantier, l'employeur doit d'abord vérifier qu'il peut bien le mettre en place dans son entreprise.
Si toutes les conditions sont réunies pour qu'il puisse le conclure, l'employeur peut être amené à choisir un CDI de chantier plutôt qu'un CDI classique s'il souhaite recruter des travailleurs, mais seulement pour la durée d'une opération ou d'un chantier prédéfinis dont il ne connait pas encore la durée exacte.
Ainsi, une fois que le projet est pleinement réalisé, le CDIC permettra à l'employeur de librement rompre le contrat de travail, puisque la réalisation de l'objet constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.
⚠ Attention ! Malgré cette flexibilité, l'employeur doit malgré tout respecter la procédure de licenciement habituelle.
En revanche, si l'employeur souhaite que le recrutement ait pour but de pourvoir durablement à un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, le CDI classique est le plus adapté. Certains accords collectifs prévoient d'ailleurs expressément que le CDI de chantier ne doit pas se substituer au CDI de droit commun.
Quelles sont les obligations de l’employeur dans un CDI de chantier ?
📌 Comme pour toute relation de travail, l'employeur qui conclut un CDI de chantier est soumis à certaines obligations, dont :
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conclure un contrat écrit et y indiquer les mentions obligatoires prévues par la convention ou l'accord de branche étendu ;
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informer et/ou consulter le comité social et économique (CSE), si cela est prévu ;
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de façon générale, respecter les droits du salarié relatifs au CDI (ancienneté, congés payés, durée du travail, titres-restaurants, etc.) ;
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le cas échéant, respecter la durée de la période d'essai prévue ;
-
respecter les contreparties en termes de rémunération et d'indemnité de licenciement prévues ;
-
respecter les garanties de formation du salarié concerné ;
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respecter la procédure de licenciement pour motif personnel à la fin du contrat (entretien préalable, etc.) ;
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verser les indemnités de fin de contrat adéquates ;
-
remettre les documents de fin de contrat lorsque la relation de travail s'achève (attestation France Travail, reçu pour solde de tout compte, etc.) ;
-
etc.
Comment rompre un CDI de chantier ? (fin de chantier, rupture anticipée...)
La rupture classique du CDIC
La rupture du contrat de chantier ou d'opération qui intervient à la fin du chantier ou une fois l'opération réalisée repose sur une cause réelle et sérieuse."
Article L1236-8 du Code du travail
Réalisation de l'opération ou du chantier : une cause réelle et sérieuse de licenciement
La fin du chantier ou la réalisation des tâches contractuelles définies dans le contrat constituent un motif spécifique de rupture du contrat.
Ainsi, la rupture du contrat de chantier ou d'opération qui intervient à la fin du chantier ou une fois l'opération réalisée, repose sur une cause réelle et sérieuse (4).
Respect de la procédure de licenciement pour motif personnel
La réalisation de l'opération constitue une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement du salarié. Pour rompre le contrat, l'employer doit suivre la procédure applicable au licenciement pour motif personnel (5) :
-
vous devez convoquer le salarié à un entretien préalable au licenciement ;
-
au cours de l'entretien préalable, vous devrez notamment indiquer au salarié les motifs de la décision envisagée, c'est-à-dire, les raisons à l'origine de la rupture du contrat de chantier ou d'opération (ici, l'achèvement du projet prévu) ;
-
enfin, vous devez notifier son licenciement au salarié.
À la fin du contrat, le salarié a droit aux indemnités classiques de licenciement, telles que l'indemnité compensatrice de congés payés, l'indemnité compensatrice de préavis le cas échéant, et l'indemnité de licenciement, au moins égale à celle prévue légalement. En revanche, la prime de précarité, réservée aux salariés en CDD, n'est pas due.
⚠ Attention ! À la fin du chantier, le salarié conserve la possibilité de contester son licenciement si une étape ou des délais de procédure n'ont pas été respectés. Il peut alors saisir le conseil de prud’hommes (CPH).
La rupture anticipée
Le contrat peut être rompu de manière anticipée orsque le chantier (ou l'opération) :
-
ne peut se réaliser ;
-
ou se termine de manière anticipée.
Cela permet à l'employeur de ne pas avoir à maintenir le salarié au sein de ses effectifs alors même que la raison pour laquelle il a été embauché n'existe plus. Les modalités de rupture sont prévues par la convention ou l'accord, il convient de les respecter.
💡 Bon à savoir : si la convention ou l'accord le prévoit, le salarié licencié à l'issue d'un contrat de chantier ou d'opération peut bénéficier d'une priorité de réembauche en CDI selon le délai et les modalités fixés par la convention ou l'accord (6).
Exemple concret d’usage du CDI de chantier : le secteur de la métallurgie
Les signataires [entendent] permettre [aux entreprises du secteur] de diversifier leur offre d’emploi en répondant aux défis de la compétitivité tout en permettant à de nouveaux salariés d’accéder à un contrat de travail à durée indéterminée mais également de répondre à des demandes spécifiques de certains actifs."
Préambule de l'avenant du 30 janvier 2025 (7)
Pour illustrer un cas concret d'usage du CDI de chantier, prenons l'exemple du secteur de la métallurgie, régi par la Convention collective nationale de la métallurgie du 7 février 2022.
Dans le cadre d'une expérimentation, celle-ci prévoit en effet un accord de branche étendu, en date du 11 janvier 2022, relatif au CDI de chantier ou d'opération. Cette expérimentation a d'ailleurs été récemment prolongée pour 3 ans, par avenant du 30 janvier 2025 (7).
📌 Voici quelques dispositions spécifiques au contrat de chantier dans ce secteur :
Mentions obligatoires du contrat de travail |
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Période d'essai |
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Rémunération |
Les montants des salaires minima hiérarchiques applicables aux salariés sont majorés de 10 %. |
Rôle du CSE |
Le CSE doit être informé et consulté si l'entreprise envisage de recourir au CDIC. |
Priorité de réembauchage |
Le salarié licencié en raison de la fin du chantier ou de la réalisation de l'opération, ou en cas de non-realisation ou de cessation anticipée, bénéficie d'une priorité de réembauchage en CDI. |
Montant des indemnités de licenciement, mentions obligatoires, conditions d'effectifs... Découvrez le tableau complet au sein de notre synthèse. |
Infographie : ce qu’il faut retenir sur le CDI de chantier
Infographie à venir.
Références :
(1) Article L1223-8 du Code du travail
(2) Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail
(3) Article L1223-9 du Code du travail
(4) Article L1236-8 du Code du travail
(5) Articles L1232-2 à L1232-6 du Code du travail
(6) Article L1236-9 du Code du travail
(7) Avenant du 30 janvier 2025 à l'accord national du 11 janvier 2022 relatif au contrat de chantier ou d'opération dans la métallurgie, étendu par arrêté du 31 mars 2025 (JO du 4 avril 2025)
c'est toujours bien