Quelles différences entre la complémentaire santé collective et la prévoyance complémentaire collective ?
La complémentaire santé collective (dit aussi mutuelle d'entreprise ou régime frais de santé collectif) et la prévoyance complémentaire collective ont toutes deux pour objectif de renforcer la protection sociale des salariés.
Néanmoins, il est important de les différencier car elles ne protègent pas les salariés des mêmes risques. En pratique, deux contrats distincts sont généralement conclus.
La mutuelle d'entreprise (complémentaire santé d'entreprise) est obligatoire depuis le 1er janvier 2016 et couvre en toute ou partie, les dépenses de santé des salariés. Elle intervient en complément de la Sécurité sociale et complète les remboursements versés par le régime général au titre de la part obligatoire (consultations médicales, médicaments, etc.).
Quant à la prévoyance complémentaire collective, elle prend en charge les risques qui peuvent affecter la vie des salariés (invalidité, maladie, maladie professionnelle, accident du travail, décès...).
Elle est en principe facultative sauf exceptions, notamment lorsque la souscription d'un contrat de prévoyance complémentaire est rendue obligatoire par une convention collective ou un accord de branche. Dans ce cas, il est obligatoire de mettre en place un contrat collectif de prévoyance complémentaire d'entreprise.
Bon à savoir : que ce soit en matière de prévoyance complémentaire ou en matière de santé complémentaire, les régimes mis en place au bénéfice des salariés de l'entreprise, doivent être collectifs. Cela signifie que les régimes mis en place doivent concerner, de façon identique, l'ensemble des salariés de l'entreprise ou l'ensemble des salariés d'une catégorie objective (cadres ou non-cadres).
Les catégories objectives retenues doivent permettre de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées. Il est interdit de définir des catégories objectives de salariés en fonction de leur ancienneté, de leur temps de travail (temps plein, temps partiel) ou encore de la nature de leur contrat de travail (CDD, CDI...).
Toutefois, si l'ancienneté ne peut être retenue pour définir une catégorie objective, il est néanmoins possible d'en tenir compte pour limiter l'accès de certains salariés à un régime de prévoyance complémentaire. Il est en effet possible de réserver l'accès aux garanties, aux seuls salariés ayant une certaine ancienneté dans l'entreprise, et ce, sans que le caractère collectif ne soit remis en cause.
Ces salariés exclus temporairement du régime en raison d'une condition d'ancienneté, ne sont pas tenus d'y cotiser. Ils commenceront à cotiser à ce régime au moment de leur entrée dans le dispositif.
En revanche, concernant la couverture complémentaire santé collective, il n'est désormais plus possible d'exclure un salarié au titre d'une clause d'ancienneté puisque la couverture complémentaire santé collective est obligatoire pour tous les salariés depuis le 1er janvier 2016 (hors cas de dispense exceptionnels prévus par la loi).
Comment mettre en place juridiquement une régime collectif santé et prévoyance en entreprise ?
Lorsque l'entreprise souhaite faire bénéficier ses salariés d'un régime collectif de frais de santé (mutuelle d'entreprise) et/ou d'un régime collectif de prévoyance complémentaire, la seule conclusion d'un contrat avec l'organisme assureur ne suffit pas.
En effet, il est indispensable que l'employeur formalise son engagement à l'égard de ses salariés. Pour cela, les régimes collectifs de prévoyance complémentaire et de frais de santé doivent être institués par un acte juridique :
- soit par convention ou un accord collectif ;
- soit par référendum à l'initiative de l'employeur ;
- soit par décision unilatérale de l'employeur (DUE).
C'est par l'un de ces actes juridiques que l'employeur rend le régime collectif santé prévoyance opposable à ses salariés. Le régime instauré devient alors obligatoire pour tous les salariés concernés (hors cas de dispenses exceptionnels prévus par la loi).
Qu'est-ce qu'une DUE santé prévoyance et comment mettre en place un régime santé prévoyance ?
La décision unilatérale de l'employeur (DUE) est l'un des actes juridiques qui permet à l'employeur de mettre en place un régime collectif de prévoyance et de frais de santé au sein de son entreprise.
L'employeur qui souhaite mettre en place un régime collectif santé prévoyance au sein de son entreprise doit au préalable, informer et consulter le comité social et économique lorsqu'il existe. L'information et la consultation du CSE doit avoir lieu avant que la décision unilatérale ne soit prise.
A l'issue de la réunion, le comité émet un avis. Que l'avis rendu soit positif ou négatif, celui-ci n'empêche pas l'employeur de mettre en place le régime de protection sociale complémentaire visé.
L'employeur devra également informer les salariés de la mise en place du contrat de prévoyance complémentaire et/ou du contrat de frais de santé.
A ce titre, il doit remettre un exemplaire de la DUE à chacun des salariés concernés et être en mesure de justifier qu'il a bien informé ceux-ci par écrit.
La preuve de l'information peut se faire de différentes manières :
- adresser individuellement un courrier recommandé avec accusé de réception à chaque salarié concerné ;
- remettre la DUE en main propre contre décharge en faisant signer une liste d'émargement aux salariés concernés.
Il est impératif de conserver la preuve de la remise de la DUE.
L'employeur doit aussi transmettre en amont aux salariés, les notices d'informations dans lesquelles sont détaillées les garanties prévues aux contrats.
Comment rédiger une décision unilatérale de l'employeur (informations, modèle) ?
La prévoyance complémentaire et la mutuelle d'entreprise n'ayant pas la même vocation (elles ne couvrent pas les mêmes risques notamment), elles font l'objet de deux contrats différents.
C'est pourquoi, il est nécessaire de rédiger une DUE pour chacun des régimes :
- une DUE relative à la mise en place d'un contrat collectif santé obligatoire ;
- une DUE relative à la mise en place d'un régime collectif de prévoyance obligatoire.
Il n'existe pas de modèle officiel de DUE, chaque entreprise est libre quant à la rédaction de celle-ci.
Toutefois, que ce soit pour la mise en place d'un régime frais de santé ou d'un régime de prévoyance, la DUE instituant le régime doit obligatoirement préciser certaines informations telles que :
- les bénéficiaires des prestations : la ou les catégories objectives de salariés couverts par ledit contrat collectif ;
- les cas de dispense d'affiliation possible ;
- la nature des prestations prévues au contrat ;
- le montant des cotisations et leur répartition entre l'employeur et les salariés ;
- la durée de l'engagement unilatéral ;
- le maintien des garanties en cas suspension du contrat de travail ;
- la portabilité des garanties ;
- les modalités de remise en cause ou de dénonciation de l'engagement unilatéral.
À noter : Lorsqu'il existe des différences entre les catégories objectives de salariés (cadres, non-cadres...), il est judicieux de rédiger des DUE distinctes.
Comment modifier une DUE santé prévoyance ? Comment procéder à la dénonciation d'une DUE santé prévoyance ?
L'employeur qui souhaite intégrer des modifications à une DUE doit dénoncer celle-ci avant de pouvoir prendre un nouvel engagement unilatéral.
La dénonciation doit être effectuée auprès du CSE s'il existe et individuellement auprès de chaque salarié.
La dénonciation de la DUE ne peut produire effet immédiatement. Il doit en effet respecter un délai de prévenance suffisant (en principe, souvent de 3 mois) entre la date de la dénonciation et la date de fin de contrat afin de laisser le temps au CSE d'organiser de nouvelles négociations sur ce point.
Quels changements en matière de DUE mutuelle et prévoyance ont eu lieu ces dernières années ?
La mise à jour des DUE santé et prévoyance porte sur 2 points :
- le maintien des garanties de protection sociale complémentaire en cas de suspension du contrat de travail au profit des salariés bénéficiant d'un revenu de remplacement versé par leur employeur ;
- la nouvelle définition des catégories objectives de bénéficiaires.
Ajout d'un cas de maintien obligatoire des garanties de protection sociale depuis le 1er janvier 2023
Les entreprises ont l'obligation de maintenir les garanties de protection sociale complémentaire et leur contribution au profit des salariés dont le contrat de travail est suspendu et qui bénéficient, au titre de cette période de suspension :
- soit d'un maintien total ou partiel de salaire ;
- soit d'indemnités journalières complémentaires financées au moins pour partie par l'entreprise qu'elles soient versées directement ou pour son compte par l'intermédiaire d'un tiers.
Un 3ème cas de maintien obligatoire des garanties de protection sociale a été instauré (1).
En effet, les garanties de protection sociale doivent également être maintenues en cas de suspension du contrat de travail donnant lieu au versement d'un revenu de remplacement par l'employeur (chômage partiel, activité partielle de longue durée (APLD), congé de reclassement, congé de mobilité...).
Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, les DUE santé et prévoyance doivent faire référence à ce nouveau cas de maintien obligatoire des garanties de protection sociale.
Mise à jour des définitions des catégories objectives au 31 décembre 2024
De même, il est crucial pour les entreprise de mettre à jour les définitions des catégories sociales objectives de salariés bénéficiaires d'une couverture de protection sociale complémentaire collective, figurant au sein de leurs DUE santé et prévoyance (2).
Afin de tenir compte de la fusion des régimes AGIRC et ARRCO de 2019, les critères objectifs de définition des catégories de salariés bénéficiaires d'une couverture de protection sociale complémentaire collective ont été actualisés.
Sont concernés les critères suivants :
- le critère n°1 relatif à l'appartenance aux catégories cadres ou non-cadres : la CCN du 14 mars 1947 et l'ANI du 9 décembre 1961 ont été abrogés (3). Ils sont désormais remplacés par deux ANI du 17 novembre 2017 (4). Les DUE ne peuvent donc plus mentionner la référence aux salariés relevant (ou ne relevant) pas des articles 4, 4 bis et 36 de la CCN AGIRC. Elles doivent remplacer cette mention et faire référence :
- soit aux salariés relevant (ou ne relevant pas) des articles 2.1 et 2.2 de l'ANI du 17 novembre 2017 pour celles qui faisaient antérieurement référence aux salariés relevant (ou ne relevant pas) de l'article 4 et 4 bis de la CCN AGIRC ;
- soit à l'accord de branche agréé ou à la convention de branche agréee par l'APEC pour celles qui faisaient référence aux salariés relevant de l'article 4/4bis/36 de la CCN AGIRC.
- le critère n°2 relatif à l'appartenance aux tranches de rémunération fixées par référence au plafond de la Sécurité sociale (PSS) : les références aux tranches de rémunération AGIRC (TA, TB et TC) et ARCCO (T1 et T2) ne peuvent plus être utilisées. Les salariés dont la rémunération annuelle excède 8 fois le PSS ne peuvent plus constituer une catégorie objective.
Quel risque en l'absence de mise en conformité des DUE frais de santé et prévoyance ?
L'absence de mise en conformité prive l'employeur de l'exonération de cotisations sociales.
Les contributions que versent les employeurs pour financer les garanties de protection sociale complémentaire sont, dans une certaine limite, exclues de l'assiette des cotisations sociales, sous certaines conditions, notamment lorsqu'elles présentent un caractère collectif et obligatoire.
Attention : pour être dit collectif, le régime de prévoyance et/ou le régime frais de santé doit couvrir l'ensemble des salariés ou une catégorie objective de salariés.
Le caractère collectif et obligatoire des régimes de frais de santé et du régime de prévoyance sera remis en cause lorsque les entreprises n'auront pas procédé dans les temps à la mise en conformité de leurs DUE.
Le risque pour l'employeur qui n'aura pas réalisé la mise à jour de ses DUE sera de se voir retirer le bénéfice de l'exonération sociale sur la fraction des cotisations qu'il finance.
En effet, l'entreprise qui n'aura pas procédé à la mise en conformité de ses DUE mais qui aura tout de même bénéficier de l'exonération de cotisations sociales, pourra subir un redressement Urssaf en cas de contrôle.
Références :
(1) Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (BOSS), Protection sociale complémentaire, Chapitre 6, paragraphes 1420 et 1430, version en vigueur le 1er mai 2024
(2) Article R242-1-1 du Code de la sécurité sociale et Décret n°2021-1002 du 30 juillet 2021 relatif aux critères objectifs de définition des catégories de salariés bénéficiaires d'une couverture de protection sociale complémentaire collective
(3) Accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961 et Convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947
(4) Accord national interprofessionnel instituant le régime Agirc-Arrco de retraite complémentaire du 17 novembre 2017
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