Conflit, litige ou trouble du voisinage : définition
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui
Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789
Quels critères retenir pour considérer que le caractère anormal du trouble est constitué ?
Les troubles anormaux de voisinage se caractérisent par une gêne, une nuisance occasionnée ou subie par un voisin. Ces troubles ne doivent pas être ordinaires, normaux. Ils doivent causer un dommage au voisin, qui, s'il est prouvé, oblige son auteur à le réparer.
Le caractère anormal d'un trouble de voisinage est apprécié, au cas par cas, par les juges.
Pour qu'un trouble anormal du voisinage soit justifié, plusieurs conditions sont nécessaires :
- un rapport de voisinage : il se peut qu'il s'agisse de voisins indirects ;
- une anormalité du trouble ;
- un préjudice menaçant la tranquillité d'autrui (exemples : tapage nocturne, feu d'artifice) ;
- un lien de causalité entre le fait ou l'acte reproché au préjudice exprimé.
Tapage nocturne : à partir de quelle heure peut-on faire du bruit ? Jusqu'à quelle heure est-il possible de faire du bruit ?
Le tapage nocturne est évoqué lorsque les bruits de comportement ont lieu la nuit.
La loi prévoit que le tapage est avéré en cas de dépassement des limites de décibels autorisés entre 22h et 7h. Des arrêtés préfectoraux peuvent prévoir d'autres horaires, pensez à consulter celui applicable dans votre commune. Généralement, l'arrêté distingue le bruit généré par les activités professionnelles, de celui généré par les particuliers.
Qui contacter en cas de problèmes liés au voisinage ?
Plusieurs interlocuteurs peuvent être sollicités lors d'un trouble du voisinage :
- le voisin auteur du trouble, afin de trouver une solution ensemble, notamment s'il n'a pas conscience de celui-ci ;
- le syndic de copropriété (en cas de résidence en copropriété) ;
- en cas d'inaction de l'individu, le maire ;
- dans les cas les plus graves, un commissaire de justice et/ou la police ou la gendarmerie.
Les exemples issus de la jurisprudence
Pour vous aider à mieux comprendre ce que peut constituer un tel trouble, voici quelques exemples retenus par les tribunaux.
1. Bruits en provenance de l'appartement du dessus : nuisances sonores dues à des voisins trop bruyants
Cas d'un voisin trop bruyant (bruits de pas, d'aspirateur, de déplacements ou de choc d'objets sur le sol, vide-ordures...) qui s'entendaient très distinctement et qui avaient été constatés par commissaire de justice (anciennement, huissier de justice), malgré une utilisation normale des lieux par les voisins concernés (4). Plus simplement, s'il utilisait normalement sa résidence, il le faisait avec trop peu de souci pour ses voisins.
2. Lumière d'une enseigne
Cas du locataire d'un appartement gêné par une enseigne lumineuse multicolore installée sur la façade de l'immeuble allumée jusqu'à 21 heures, projetant à l'intérieur du logement une lumière vive rougeâtre éclairant en partie le salon et provoquant des parasites dans la réception de la télévision (6).
3. Stockage de paille à proximité d'une habitation
Cas d'un voisin stockant sa paille à l'extérieur ou sous abri, dans un bâtiment situé à moins de 25 mètres de la propriété voisine et à proximité immédiate d'un immeuble d'habitation, provoquant un risque de sécurité incendie (7).
4. Installation sur une propriété d'un refuge pour animaux abandonnés
Cas d'un couple ayant ouvert dans sa propriété, un élevage pour animaux, entraînant des nuisances, un trouble de jouissance et une dépréciation de la valeur de la propriété du voisin (8).
5. Problème de privation d'ensoleillement
Cas de la construction d'un immeuble haut de 24 mètres prohibée par le plan d'occupation des sols à proximité d'une habitation, privant ses habitants de tout ensoleillement possible dans le jardin et transformant la partie sud de leur maison en un "puits sans vue ni lumière" (9).
L'atteinte esthétique à l'environnement résultant d'une construction peut aussi causer un préjudice à un propriétaire (perte de la valeur du bien notamment).
6. Décomposition d'un cadavre (odeurs)
Cas de la dépouille mortelle de l'occupant d'un appartement, n'ayant pas été enlevée avant plusieurs jours et ayant causé des troubles anormaux aux voisins de l'appartement du dessous, notamment des odeurs. L'héritier du défunt ayant été tenu pour responsable des dommages (10).
7. Tapage nocturne (musique) et débit de boissons : qui appeler ?
Cas de bruits - au caractère manifestement excessif - émis par les instruments de musique perceptibles depuis la voie publique et les habitations voisines (11).
Depuis que le tabagisme a été interdit dans les lieux publics et notamment dans les débits de boissons, les occasions de nuisances sonores se sont multipliées pour les riverains, puisque de nombreux clients se regroupent devant ces établissements pour fumer.
Lors d'une telle gêne, si vous vous considérez victime de nuisances sonores, il vous est possible de contacter les autorités administratives compétentes : le maire, le préfet, la gendarmerie.
8. Chute d'arbres sur le terrain d'un voisin
Cas de chutes de sapins lors des tempêtes de 1999 sur une longueur de 120 mètres et une largeur de 20 mètres, le terrain n'ayant pas été nettoyé par le voisin à qui ils appartenaient pendant plus de 2 ans (12).
9. Gêne esthétique anormale
Cas de dépôts divers de ferrailles, planches et autres matériels usagés situés à moins de 25 mètres de la limite de propriété (6).
10. Porcherie, nuisances olfactives
Des époux propriétaires de chambre d'hôtes étaient extrêmement gênés par une activité d'élevage de porcs exercée par leur voisin, notamment en raison des nuisances olfactives engendrées, l'élevage ayant été déclaré dangereux, insalubre et incommode par les juges (13).
Important :
Les occasions d'engendrer des conflits de voisinage sont nombreuses et variées (bruits d'un coq, d'une usine, d'un instrument de musique, enfants trop bruyants, émission de poussière, de fumée, d'odeurs, nuisances visuelles...).
Il est recommandé de trouver une issue amiable à un litige de cette nature avant que la situation ne s'envenime. Ces nuisances sonores, olfactives, etc., engendrent des conflits de voisinage qui, s'ils dégénèrent, peuvent gâcher la vie des intéressés.
Outre le fait qu'elle soit nécessaire, la communication est à privilégier autant que possible (soit en se rendant directement chez son voisin, soit par un courrier simple afin de convenir d'une solution).
Références :
(1) Loi n°2024-346 du 15 avril 2024 visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels(2) Article 1253 du Code civil
(3) Décret n°2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile
(4) Cass. Soc., 3 janvier 1969, n°67-13391
(5) Article R1336-5 du Code de la santé publique
(6) Cass civ 3ème, 9 novembre 1976, n°75-12777
(7) Cass civ 2ème, 24 février 2005, n°04-10362
(8) Cass civ 2ème, 22 janvier 1970, n°68-10395
(9) Cass civ 2ème, 28 avril 2011, n°08-13760
(10) CA Paris, 28 janvier 2009
(11) Cass civ 2ème, 15 mars 1972, n°70-13571
(12) Cass civ, 2ème, 5 février 2004, n°02-15206
(13) Cass civ, 1ère, 13 juillet 2004, n°02-15176
Dossier complet répondant à mes questions