Loi de finances pour 2024 : quelles sont les nouvelles mesures pour les entreprises ?
La loi de finances pour 2024 (LF 2024) (1) a mis en place diverses mesures fiscales intéressant les entreprises, dont la teneur poursuit différents objectifs.
Lutte contre la fraude fiscale
Diverses dispositions de la loi ont pour objectif de renforcer les moyens à disposition de l'Administration pour lutter contre la fraude fiscale.
Exemples :
- la possibilité, pour les agents des finances publiques dûment habilités en ce sens, de procéder à une enquête active sous pseudonyme dans le cadre de la détection d'actes frauduleux ;
- la création d'une nouvelle sanction fiscale visant à priver temporairement du bénéfice de certains crédits ou réductions d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur la fortune immobilière (IFI) les contribuables personnes physiques coupables de manquements graves à leurs obligations fiscales ;
- la création d'un délit autonome de mise à disposition d'instruments de facilitation de la fraude fiscale, visant les personnes physiques comme morales qui aident leurs clients à se soustraire à leurs obligations fiscales via la mise à disposition de moyens, services, actes ou instruments particuliers ;
- le renforcement de la capacité de l'administration fiscale à contrôler les pratiques des entreprises multinationales en matière de prix de transfert via l'abaissement du seuil de déclenchement de l'obligation de présenter, en début de contrôle fiscal, une documentation complète de la politique de prix de transfert.
Rappel : la notion de "prix de transfert" est employée pour désigner les prix auxquels une entreprise transfère des biens corporels, des actifs incorporels, ou rend des services à des entreprises associées. Il s'agit des prix des transactions réalisées entre des entités d'un même groupe mais résidentes d'États différents.
Enfin, dans le cadre de la lutte contre la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), il est prévu un aménagement des règles de TVA à l'importation, afin que les personnes se livrant au "dropshipping" (soit qui, en qualité d'intermédiaires, achètent un bien dans un territoire tiers et le revendent en ligne en France, sans jamais en disposer physiquement) deviennent redevables de la taxe, sauf exception.
Création d'un nouveau crédit d'impôt en faveur de l'investissement vert (CI3V)
Objectif du CI3V
Pour favoriser l'investissement des entreprises dans des secteurs qui développent les technologies vertes (panneaux photovoltaïques, éolien, pompes à chaleur, batteries), la loi crée un nouveau crédit d'impôt "investissement industries vertes" (CI3V).
Celui-ci vise à permettre aux industriels qui contribuent au développement et à la production en France, de ce type d'équipements, de bénéficier d’un crédit d’impôt représentant 20 à 40 % du montant total de leurs dépenses engagées dans le cadre de l'activité éligible.
20 à 40 %du montant des investissements engagés
En contrepartie, l'entreprise bénéficiaire du crédit d'impôt devra s'engager à exploiter les investissements qui ont ouvert droit à l'avantage pendant une durée minimale de :
- 3 ans pour les petites et moyennes entreprises (PME) ;
- et de 5 ans pour les autres.
Entrée en vigueur du CI3V
Le dispositif est entré en vigueur le 14 mars 2024 (2).
Le Gouvernement avait déjà annoncé, le 12 octobre 2023, l'ouverture du service d'agrément du CI3V permettant aux entreprises qui le souhaitent de soumettre leur demande d'éligibilité au futur dispositif fiscal de faveur, en vue d'obtenir l'agrément nécessaire à l'octroi de celui-ci (3). Les entreprises concernées peuvent déposer leur demande à l’adresse suivante : [email protected].
La liste définitive des activités éligibles au nouveau crédit d’impôt a été précisée dans un arrêté du 11 mars 2024 (4).
Exemple : la fabrication des composants essentiels conçus et utilisés principalement comme intrants directs dans la production des batteries, à savoir les matériaux actifs de cathode et leurs précurseurs, la cathode, les matériaux d'anode, dont le graphite artificiel, et leurs précurseurs, l'anode, les sels d'électrolyte, l'électrolyte, les liants polymères et leurs précurseurs, les nanotubes de carbone, le zincate de calcium, les poudres nanométriques de silicium, les feuillards de cuivre et d'aluminium, les séparateurs et collecteurs destinés aux batteries.
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Réduction des dépenses fiscales "brunes"
Le cas du GNR
La LF 2024 matérialise également l'engagement du Gouvernement dans la réduction progressive des dépenses fiscales considérées comme défavorables à l’environnement (appelées « dépenses fiscales brunes »).
En ligne de mire figure notamment, l'augmentation progressive annoncée, jusqu'au 1er janvier 2030, du tarif d'accise sur l'achat du gazole non routier (GNR), dont la consommation sert notamment à la réalisation de travaux agricoles et de travaux publics.
À la suite des manifestations et blocages entrepris par les agriculteurs, le Premier ministre a annoncé, le 26 janvier 2024, renoncer à la hausse de la taxe du GNR.
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Quelle nouvelle taxe en 2024 ?
Notons par ailleurs, l'institution d'une taxe sur les grandes exploitations d'infrastructures de transport de longue distance.
Aménagement de la suppression de la CVAE
La loi de finances pour 2024 poursuit la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), en échelonnant sa disparition sur 4 ans.
Concrètement :
- en 2024, le taux d'imposition maximal à la CVAE est abaissé à 0,28 % ;
- en 2025, à 0,19 % ;
- en 2026, à 0,09 %.
En 2027, la CVAE sera définitivement supprimée.
À noter : la cotisation minimale sur la valeur ajoutée des entreprises a été supprimée en 2024, elle n'est donc pas due lorsque son montant annuel n’excède pas 63 € aussi appelée franchise. De fait, environ 300.000 entreprises devraient sortir du champ d'application de la cotisation.
Instauration d'un niveau minimum d'imposition mondial pour les grands groupes
La loi transpose la directive (UE) 2022/2523 en instaurant un niveau minimum d’imposition fixé à 15 % pour les bénéfices des groupes d’entreprises multinationales disposant d’une implantation en France et des grands groupes nationaux qui développent leurs activités sur le seul territoire français.
Dans les faits, un nouvel impôt complémentaire, distinct de l'impôt sur les sociétés, est mis en place.
=> Concrètement, ce nouveau dispositif vise notamment à mettre à la charge de l’entité mère du groupe un impôt complémentaire lorsque le taux effectif d’imposition des entités constitutives du groupe localisées dans un même État ou territoire, prises dans leur globalité, est inférieur au taux d’imposition minimum de 15 %.
Aménagement et prorogation des dispositifs fiscaux de faveur applicables en zone rurale
La loi de finances proroge et adapte différents régimes zonés bénéficiant aux territoires ruraux en difficulté. Elle prévoit un zonage unique, "France Ruralités Revitalisation", constitué de 2 socles (ZFRR et ZFRR ) et qui est entré en vigueur le 1er juilllet 2024, et accompagné d'allègements fiscaux simplifiés.
Elle prolonge également une série de dispositifs liés à la politique de la ville.
Franchise de TVA pour les petites entreprises
Entre autres dispositions, la loi de finances pour 2024 transpose la directive (UE) 2020/285 du 18 février 2020 relative au système commun de TVA en ce qui concerne le régime particulier des petites entreprises, qui prévoit la modification du régime de franchise de TVA à compter du 1er janvier 2025.
Pour mémoire, le régime de franchise en base dispense les assujettis qui y sont éligibles de la déclaration et du paiement de la TVA. Corrélativement, ils ne peuvent pas facturer de la TVA, ni en déduire.
Concrètement, les nouvelles dispositions prévoient que les entreprises établies dans un État membre de l’Union européenne (UE) pourront désormais bénéficier du régime de la franchise dans leur État d’établissement mais également dans les autres États membres de l'Union (à condition toutefois de respecter un plafond de chiffre d'affaires de 100.000 euros).
Dans les faits, une entreprise domiciliée en France pourra donc bénéficier du régime de franchise en base dans le cadre de ses relations commerciales avec des clients situés dans d'autres États membres, à condition d'avoir effectué les démarches administratives requises pour cela.
Notons par ailleurs que la loi prévoit l'abaissement du plafond national de chiffre d’affaires pour le bénéfice de la franchise à 85.000 (ou 37.500 euros, selon la nature de l'activité exercée), contre 91.900 et 36.800 euros actuellement et qui constitue le niveau maximum permis par le droit européen.
Enfin, les modalités de sortie du régime de franchise en base seront simplifiées et accélérées.
Dispositifs relatifs aux frais de transport
Les dispositifs de faveur existants relatifs aux frais de transport entre le domicile et le travail (exonération d'impôt, possibilité de cumul, etc.) sont prorogés sur l'année 2024.
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Le mécénat concerne désormais les organismes concourant à l'égalité homme-femme
Pour rappel, les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu (IR) ou à l'impôt sur les sociétés (IS) qui effectuent des versements au profit de certaines oeuvres ou organismes peuvent prétendre, toutes conditions remplies, au bénéfice d'une réduction d'impôt.
Parmi la liste des organismes concernés figurent désormais, conformément aux nouvelles dispositions légales applicables, ceux concourant à l'égalité entre les hommes et les femmes, notamment les associations féministes, qui oeuvrent contre les violences faites aux femmes et pour l'égalité économique et professionnelle entre les 2 sexes.
Ces nouvelles dispositions sont applicables :
- pour les entreprises soumises à l'IR, à compter de l'impôt dû au titre de cette année, soit aux versements et dons réalisés à compter du 1er janvier 2023 ;
- pour les entreprises soumises à l’IS, pour l'impôt dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2023.
Bon à savoir :
Les particuliers peuvent aussi bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu s'ils consentent des dons à certains organismes, parmi lesquels figurent désormais également ceux contribuant à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Dispositions relatives aux véhicules des entreprises
La loi de finances aménage également la fiscalité applicable aux véhicules que les entreprises (sociétés comme entreprises individuelles) utilisent dans le cadre de leur activité.
À ce titre, elle :
- renforce la taxe annuelle sur les émissions de CO² ("taxe CO² annuelle"), dans le but de favoriser le renouvellement du parc automobile des entreprises, avec notamment une augmentation significative des tarifs. Notez, en outre, que l'exonération de taxe dont bénéficient les véhicules hybrides sera supprimée à compter de l'année 2025 ;
- remplace, depuis le 1er janvier 2024, la taxe sur l'ancienneté des véhicules par une taxe sur les émissions de polluants atmosphériques, qui vise les véhicules en catégorie E, en catégorie 1, et les plus polluants.
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Loi de finances pour 2024 : les mesures pour les particuliers
La loi de finances pour 2024 prévoit diverses mesures intéressant les particuliers, qui s'articulent, elles aussi, autour de différentes thématiques.
Augmentation du SMIC depuis le 1er janvier 2024
Au 1er janvier 2024, le SMIC horaire est passé à 11,65 euros ( 1,13 %), soit un montant brut mensuel de 1.766,92 euros.
Défiscalisation des pourboires prolongée
Les sommes remises volontairement (pourboires) au cours des années 2023 et 2024 par les clients pour le service, soit directement aux salariés, soit à l'employeur et reversées par ce dernier au personnel en contact avec la clientèle :
- sont exclues de l'assiette de toutes les cotisations et contributions sociales d'origine légale ou conventionnelle ;
- et sont exonérées des participations, taxes et contributions (impôt sur le revenu).
La loi de finances pose toutefois la condition selon laquelle les salariés ne doivent pas percevoir, au titre des mois civils concernés, une rémunération n'excédant pas le salaire minimum de croissance (SMIC) majoré de 60 %, - calculé sur la base de la durée légale du travail ou de la durée de travail prévue au contrat, augmentée, le cas échéant, du nombre d'heures complémentaires ou supplémentaires, sans prise en compte des majorations auxquelles celles-ci donnent lieu.
Agir face à l'urgence écologique (PTZ, etc.)
Entre autres dispositions et pour soutenir la fiscalité du logement, la loi prévoit la prorogation du prêt à taux zéro (PTZ) jusqu'au 31 décembre 2027, tout en excluant de son champ d'application le financement de travaux pour l’installation de dispositifs de chauffage fonctionnant aux énergies fossiles.
Cette prorogation a d'ailleurs été actée par un décret du 2 avril 2024 (5). Le texte élargit également les critères d'éligibilité, en réhaussant notamment les plafonds de revenus entrant dans son champ d'application. D'après les déclarations du Gouvernement, cela permettrait potentiellement de faire entrer dans le dispositif environ 29 millions de foyers fiscaux supplémentaires (soit 73 % de la population éligible contre 60 % auparavant) (6).
Bon à savoir : le prêt "éco-PTZ", qui vise à permettre aux particuliers éligibles de financer des travaux de rénovation énergétique dans leur logement, est également prolongé jusqu'au 31 décembre 2027.
Faire face à l'inflation
Pour soutenir la trésorerie des Français face à la hausse galopante des prix et renforcer leur pouvoir d'achat, le PLF 2024 prévoit notamment :
- l'indexation (comme chaque année) du barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation ;
- une aide à l'accessibilité et à l'adaptation du logement : MaPrimAdapt’ est entrée en vigueur en 2024 pour les personnes aux revenus modestes ;
- etc.
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Promotion du "plan d'épargne avenir climat"
Pour rappel, la loi relative à l'industrie verte prévoit la création d'un « plan d’épargne avenir climat » (PEAC).
Nouveau produit d'épargne, le PEAC est un dispositif réservé exclusivement aux jeunes de moins de 21 ans, visant à leur permettre de constituer une épargne à long terme pour préparer leur entrée dans la vie active.
Pour promouvoir l'utilisation du PEAC, la loi met en place un régime fiscal incitatif pour les revenus et les gains que celui-ci génère, en prévoyant leur exonération d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux.
À noter : le dispositif "Coluche", qui permet, pour rappel, une défiscalisation à hauteur de 75 % des versements effectués au profit des associations d'aide aux plus démunis, est reconduit jusqu'à la fin de l'année 2026.
Quand sera présenté et voté le projet de loi de finances pour 2025 ?
Il faudra compter sur cette fin d'année 2024 pour voir le vote du projet de loi de finances pour 2025. L'absence de gouvernement limite un tel vote, cependant Bercy est actuellement en train de rédiger un projet à la fois pour l'avenir, mais aussi pour combler les dépenses de ces derniers mois, ce projet est dit "réversible".
Ainsi, l'hypothèse que le gouvernement démissionnaire présente le budget est probable, « L’intérêt supérieur du pays est d’avoir un budget pour 2025 avant la fin de l’année. […] On s’est mis en situation de présenter un projet de loi de finances au 1er octobre », affirmait Thomas Cazenave, ministre sortant des comptes publics.
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Peut-on envisager une absence de budget au 31 décembre 2024 ?
« En tout cas, c’est du temps perdu, et le risque devient bien réel », affirme Rémi Féraud, Sénateur. Bien que l’article 47 de la Constitution permette au gouvernement de mettre en œuvre son projet de loi de finances par ordonnance si le Parlement ne se prononce pas, les scénarios en cas de rejet sont nettement plus incertains.
🔍 Pour savoir ce que prévoit le projet loi de finances pour 2025, consultez notre actualité dédiée : Budget : que prévoit le projet loi de finances pour 2025 (PLF 2025) pour les entreprises ?
Références :
(1) Loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024(2) Décret n°2024-212 du 11 mars 2024 fixant la date d'entrée en vigueur des dispositions relatives au crédit d'impôt au titre des investissements dans l'industrie verte prévues à l'article 35 de la loi n°2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024
(3) Communiqué de presse n°1226 du ministère de l'Économie du 12 octobre 2023
(4) Arrêté du 11 mars 2024 fixant la liste des équipements, composants essentiels et matières premières utilisés dans le cadre des activités contribuant à la production de batteries, de panneaux solaires, d'éoliennes ou de pompes à chaleur entrant dans le champ du crédit d'impôt au titre des investissements dans l'industrie verte
(5) Décret n°2024-304 du 2 avril 2024 relatif aux prêts ne portant pas intérêt consentis pour financer la primo-accession à la propriété
(6) Communiqué de presse n°1728 du ministère de l'Économie, des Finances, et de la Souveraineté industrielle et numérique, 5 avril 2024
licenciement pour faute grave. Juriste Très bon PROF ! bien détaillé ses réponses à mes interrogations. Rassurée pour acter notification de licenciement absences 21/10/24 sans justificatifs sans cesse demandés, non présenté entretien...