Qu'est ce que le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ?
Article de loi et définition
Le fait de harceler autrui est puni de 2 ans de prison et de 30.000 euros d'amende
Article 222-33-2 du Code pénal
📄 Le harcèlement sexuel est constitué par des propos et comportements sexistes ou à connotation sexuelle qui :
- portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ;
- ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante (1).
Autres faits constitutifs de harcèlement sexuel
➡️ Le harcèlement sexuel est également constitué :
- lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;
- lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.
➡️ Enfin, est également assimilée à du harcèlement sexuel au travail, la pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle.
Qu'est-ce que le harcèlement physique ?
Le harcèlement physique est une forme de harcèlement sexuel.
On parle de harcèlement physique lorsque le harceleur a eu un ou plusieurs contacts physiques. Attention ! S'il y a eu contact, il s'agit d'agression sexuelle (plus durement sanctionné par la loi).
Comment reconnaître un cas de harcèlement sexuel au travail ? 10 exemples-types
Comportements ou propos ayant été qualifiés de harcèlement sexuel au travail
👨⚖️ Voici 10 situations qui ont été reconnues par les juges, comme constitutives de harcèlement sexuel.
Constitue un harcèlement sexuel, le fait :
1. pour un chef de service de pincer les fesses d'une salariée à plusieurs reprises et de provoquer des altercations avec elle sur le lieu de travail chaque fois qu'elle refusait de déjeuner avec lui (2) ;
2. pour un salarié d'organiser un rendez-vous pour motif professionnel en dehors de l'entreprise, dans une chambre d'hôtel, avec une salariée qui était sous ses ordres (3) ;
3. de faire parvenir à une jeune femme de longs courriers manuscrits, de nombreux courriels par lesquels le salarié en cause lui faisait des propositions et des déclarations, d'exprimer le souhait de la rencontrer seule dans son bureau, de lui faire parvenir des bouquets de fleurs (4) ;
4. pour un supérieur hiérarchique d'envoyer des sms à un de ses subordonnés en lui indiquant notamment "je te souhaite une douce journée avec plein de baisers sur tes lèvres de velours" (5) ;
5. pour un employeur d'avoir tenté d'obtenir des faveurs de nature sexuelle de la part de sa salariée en multipliant les cadeaux et les appels, en se rendant à son domicile et en faisant intrusion dans sa vie privée, dans le but de la convaincre et même de la contraindre à céder à ses avances (6) ;
6. pour un collègue de tenir les propos suivants "bon, c'est quand qu'on couche ensemble" et de poser des questions intimes sur la vie privée (7) ;
7. d'adresser à une subordonnée des remarques sur sa vie privée, de porter des appréciations axées sur son anatomie, de tenter d'obtenir des faveurs sexuelles et d'exercer des mesures de représailles professionnelles (8) ;
8. pour un salarié, responsable de nuit d'un établissement, de demander d'avoir des rapports sexuels avec une salariée en échange d'une augmentation de salaire, demande accompagnée d'attouchements, même si ces faits se sont déroulés la nuit dans une ambiance festive (9) ;
9. pour un salarié d'avoir envers une collègue un comportement injurieux, consistant en des insultes et remarques essentiellement à caractère sexuel, et des gestes déplacés (10) ;
10. d'adresser des messages électroniques et de tenir des propos à caractère sexuel à l'occasion de l'heure du déjeuner et lors de soirées organisées après le travail (11).
➡ À lire aussi : Exemples concrets de harcèlement moral au travail
Cas ne relevant pas de harcèlement sexuel au travail
Attention ! La drague n'est pas nécessairement constitutive de harcèlement sexuel !
La Cour de cassation s'est déjà prononcée sur le fait qu'une attitude de séduction même dénuée de tact ou de délicatesse ou de simples signaux sociaux conventionnels lancés de façon à exprimer la manifestation d'une inclinaison ne constituaient pas, en soi, le délit de harcèlement sexuel, notamment en l'absence de chantage ou de pressions (12).
Dans le même sens, des familiarités réciproques ne sont pas du harcèlement sexuel (13).
Victime de harcèlement sexuel : que faire ?
Sortir du silence et vous adresser aux bons interlocuteurs (CSE, médecine du travail, etc.)
Si vous êtes victime de harcèlement sexuel au travail, vous pouvez vous adresser à différents interlocuteurs, en mesure de vous accompagner dans vos démarches dans l'hypothèse où vous souhaiteriez engager des poursuites contre l'auteur des faits.
Exemples :
- votre employeur si celui-ci n'est pas l'auteur du harcèlement dont vous faites l'objet ou le service des ressources humaines (RH) ;
- le référent chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes : ce référent est obligatoire dans les entreprises dépassant un certain effectif ;
- les représentants du personnel (CSE, délégués syndicaux) et au référent harcèlement sexuel et agissements sexistes du CSE (obligatoirement désigné parmi les membres du CSE, peu importe la taille de l'entreprise) ;
- le médecin du travail ;
👉 Vous pouvez dénoncer ce que vous subissez par écrit à l'un de ces interlocuteurs - ce qui peut être recommandé pour des raisons de preuve. Téléchargez notre modèle de lettre pour informer votre employeur d'un harcèlement sexuel.
À noter : n'hésitez pas également à en parler avec vos collègues.
Sauf mauvaise foi, la dénonciation d'un harcèlement sexuel ne peut pas être sanctionnée (14).
Mesurer les conséquences du harcèlement en entreprise sur votre santé et agir en fonction
Si, malgré vos premières démarches, la situation ne s'améliore pas, que vous souhaitez quitter votre entreprise au plus vite, que votre santé se dégrade, plusieurs possibilités s'offrent à vous.
➡️ Vous pouvez notamment :
- prendre acte de la rupture de votre contrat de travail (15) ;
- saisir le Défenseur des droits.
- saisir le conseil de prud'hommes et/ou déposer plainte devant la justice pénale.
Employeur : comment réagir face à des affaires de harcèlement sexuel ?
Si vous êtes employeur, il est de votre devoir de protéger la santé et la sécurité de vos salariés. Vous devez évaluer les risques dans le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP).
Information des salariés
➡️ Vous êtes ainsi tenu d'informer les salariés sur :
- les dispositions légales relatives au harcèlement sexuel (définition et sanctions) ;
- les actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel ;
- et sur les coordonnées des autorités et services compétents (inspection du travail, service de prévention et de santé au travail, Défenseur des droits, etc.).
📃 Cette information peut se faire par voie d'affichage sur le harcèlement moral et sexuel.
Désignation d'un référent, le cas échéant
Vous devez également, dans les entreprises d'au moins 250 salariés, désigner un référent chargé d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel.
À noter : ce référent ne doit pas être confondu avec celui désigné au sein du CSE.
Faire cesser les faits de harcèlement sexuel : mesures adaptées, enquête et sanction
Si vous êtes informé de faits relevant potentiellement de harcèlement sexuel dans l'entreprise, vous devez impérativement agir afin de les faire cesser.
Si vous n'agissez pas, vous risquez de voir votre responsabilité engagée.
L'employeur doit, sans délai, mener une enquête pour harcèlement avec le membre de la délégation du personnel du CSE dans le but de vérifier la véracité des faits invoqués par le salarié et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
⚖ Jurisprudence : importance des mesures de sécurité !
Par un revirement de jurisprudence, la Cour de Cassation a récemment considéré que l'employeur qui n'avait pas procédé à une enquête interne alors qu'il avait été informé de faits potentiels de harcèlement n'avait pas manqué à son obligation de sécurité. Cette solution a été retenue dans la mesure, seulement, où l'employeur avait pris des mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité de la salariée concernée (16).
Si les faits dénoncés sont réels, vous devez prendre une sanction disciplinaire à l'encontre de l'auteur du harcèlement sexuel (17).
➡ Pour aller plus loin : Harcèlement moral : quelles sont les sanctions encourues ?
Témoin : de quelle protection pouvez-vous bénéficier ?
Selon l'étude Ipsos, 40% des salariés interrogés ont au moins une expérience du harcèlement au travail en tant que témoin*.
Protection contre toute discrimination
Le Code du travail que les salariés ayant, de bonne foi, témoigné de faits de harcèlement sexuel ou relaté de tels faits ne peuvent pas faire l'objet des mesures de discrimination.
Exemples : elles ne peuvent pas être écartées d'une procédure de recrutement, d'une formation ou promotion professionnelle ou encore être moins bien rémunérées que des collaborateurs à expérience, ancienneté et qualification équivalentes.
Protection relative aux lanceurs d'alerte
Les témoins de harcèlement moral bénéficient de la protection applicable aux lanceurs d'alerte.
Exemples :
- ils ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique, dès lors qu'ils avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu'ils y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l'intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause ;
- ils peuvent saisir le conseil de prud'hommes si leur contrat de travail est rompu consécutivement à leur signalement.
Dans ce cas, ils peuvent voir leur compte personnel de formation (CPF) abondé jusqu'au plafond, sur décision du conseil des prud'hommes à l'encontre de l'employeur.
Membre de la délégation du CSE : saisir l'employeur et mener l'enquête
Si un membre de la délégation du personnel du CSE constate, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, qu'il existe des faits de harcèlement sexuel ou moral dans l'entreprise, il doit en saisir immédiatement l'employeur (18).
➡ À lire : Droit d'alerte du CSE : tout savoir
Rappel : celui-ci doit mener une enquête conjointe avec les membres du CSE.
Références :
* Ipsos - Baromètre sur le harcèlement au travail, septembre 2022
(1) Article L1153-1 du Code du travail
(2) CA Versaille 27 octobre 2009, n°08/2007
(3) Cass. Soc. 11 janvier 2012, n°10-12930
(4) Cass. Soc. 28 janvier 2014, n°12-20497
(5) Cass. Soc. 12 février 2014, n°12-26652
(6) Cass. Soc. 3 mars 2009, n°07-44082
(7) Cass. Soc. 3 décembre 2014, n°13-22151
(8) CA Toulouse 18 janvier 2002, n°01/1140
(9) CA Douai 31 janvier 2007, n 06/00150
(10) CA Douai 19 décembre 2008, n°08/00986
(11) Cass. Soc. 19 octobre 2011, n°09-72672
(12) Cass. Crim. 19 janvier 2005, n°04-83443
(13) Cass. Soc. 10 juillet 2013, n°12-11787
(14) Cass. Soc. 15 janvier 2015, n°13-17374
(15) Cass. Soc. 10 juin 2015, n°14-13318 et articles L1153-2 et L1153-3 du Code du travail
(16) Cass. Soc., 12 juin 2024, n°23-13975
(17) Articles L1153-5 et L1153-6 du Code du travail
(18) Article L2312-59 du Code du travail
Dossier très complet et informatif