Risque de change : informer clairement l'emprunteur
Un risque de change pèse encore une fois sur l’emprunteur, dans la mesure où il expose à un risque d’augmentation de deux composantes essentielles du crédit, celle du taux et du capital.
La dette ayant augmenté au cours du temps, l’emprunteur doit rembourser une échéance dont le montant augmente, ou dont le capital restant dû augmente, et cela, malgré de nombreuses années d’amortissement.
📌 L’emprunteur doit faire reconnaître l’existence du risque de change.
La Cour de justice de l’Union européenne rappelle toutefois dans sa jurisprudence univoque, qu’un établissement bancaire se doit, dans le cadre de ces prêts spécifiques, d’informer clairement l’emprunteur (frontalier ou non) et ce de manière particulièrement compréhensible sur les risques inhérents au contrat de prêt.
Cette position claire appelle les juridictions françaises à s’aligner.
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Jurisprudence : alignement des juridictions françaises
Premier cas : faute de paiement de l'intégralité du capital
Dans un premier cas datant de 2023 (1) : faute de paiement de l’intégralité du capital emprunté à l’échéance, la banque avait mis en oeuvre des mesures d’exécution, levées à la suite du règlement du solde du prêt au moyen d’un nouvel emprunt souscrit auprès d’une autre banque.
La banque est en l’espèce condamnée.
Quatre principes soutiennent cette condamnation :
- les clauses relatives au remboursement et au risque de change qui définissent l’objet principal du contrat ne sont rédigées de manière claire et compréhensible que si elles contiennent des informations suffisantes et exactes permettant à un consommateur moyen de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives… ;
- ces clauses conclues entre un professionnel et un consommateur sont susceptibles de créer, au détriment du non-professionnel, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat si le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte un risque disproportionné de change ;
- le caractère abusif d’une telle clause s’apprécie à la date de conclusion du contrat ;
- de telles clauses sont abusives si elles créent un déséquilibre significatif en ne mettant pas en mesure l’emprunteur d’envisager les conséquences prévisibles et significatives de la fluctuation des monnaies sur ses obligations.
Deuxième cas : manquement à l'obligation de mise en garde
Dans un second cas (2) : les emprunteurs ont assigné la banque, demandant que les clauses concernant le risque de change soient déclarées abusives et réputées non écrites et ont également assigné la banque en responsabilité pour avoir manqué à son obligation de mise en garde.
La cour d’appel a jugé que les clauses n’étaient pas abusives puisque ces clauses définissent l’objet principal des contrats de prêt et qu’elles sont compréhensibles par tout lecteur normalement attentif et diligent, en ce qu’elles alertent clairement l’emprunteur sur l’existence d’un risque de change pouvant survenir pendant toute la durée du prêt.
La cour d’appel avait notamment considéré qu’avait été remis aux emprunteurs, avant l’acceptation de la première offre de prêt, une attestation par laquelle ils certifiaient, notamment, « avoir pris connaissance des risques de change liés au franc suisse ».
L’arrêt est cassé par la Cour de cassation pour deux raisons principales :
- les clauses concernant le risque de change ne permettaient pas, à elles seules, d'apprécier le caractère personnalisé des explications qui avaient pu être fournies ;
- les emprunteurs n'avaient reçu aucune simulation chiffrée et l'attestation était rédigée en termes relativement généraux.
La Cour de cassation adopte une protection renforcée des emprunteurs même dans le cas de remise d’une attestation dédiée au risque de change.
Troisième cas : la dépréciation de l'euro
Dans un troisième cas datant de janvier 2025 (3) : le Tribunal considère ici spécifiquement que les emprunteurs frontaliers demeurent, comme tout consommateur, exposés au risque de change face à la dépréciation de l’euro, ayant pour conséquence l’augmentation corrélative de leur dette.
Le Crédit Mutuel avait ainsi l'obligation d’informer les emprunteurs au moyen de clauses rédigées de manière transparente et intelligible, et ce, peu important leur situation de frontaliers.
Cette décision est une application directe du standard de « consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » de la CJUE, qui élargit le plus possible la notion de consommateur moyen européen.
Par conséquent, les critères retenus par les juridictions françaises se stabilisent et convergent désormais vers une harmonisation de la jurisprudence applicable à l’ensemble des emprunteurs sous l’impulsion de la Cour de justice de l’Union européenne.
Stéphane CECCOTTI
Avocat
Docteur en droit
Références :
(1) Cour de cassation, civile, Chambre civile, 12 juillet 2023, 22-17030
(2) Cour de cassation, civile 18 septembre 2024, n°22-17746
(3) Tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse, 23 janvier 2025, RG 223617
c'est toujours bien