La liberté d'expression : un droit fondamental encadré par la loi

Définition et importance de la liberté d'expression

La liberté d'expression est un droit fondamental qui permet à chaque individu d'exprimer ses opinions, ses idées et ses convictions. Elle joue un rôle crucial dans une société démocratique en favorisant le débat, la diversité des opinions et le progrès intellectuel.

Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière (1).
illustration

Découvrez nos solutions dédiées aux pros :

- accédez à l'ensemble de notre base documentaire en illimité (dossiers, modèles, actualités...) ;
- contactez un juriste du lundi au vendredi de 9h à 18h ;
- accédez à votre convention collective à jour des derniers accords.

Quelles sont les garanties du droit à la liberté d'expression du salarié ?

Le Code du travail prévoit que "Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché." (2)

La prudence et la proportionnalité dans l'évaluation de ces situations sont essentielles pour préserver un équilibre entre la liberté d'expression et les autres droits et intérêts en jeu.

Quelles sont les limites de la liberté d'expression d'un salarié ?

Les limites légales encadrant la liberté d'expression en milieu professionnel sont définies par la jurisprudence, prenant en compte plusieurs critères pour déterminer si certains propos peuvent être considérés comme abusifs ou graves. Voici quelques éléments pris en compte :

  • manquement à l'obligation de discrétion absolue : lorsqu'un salarié divulgue des informations confidentielles de l'entreprise (le salarié a une obligation de loyauté) ;

  • accusations mensongères : des allégations fausses et diffamatoires à l'encontre d'un collègue ou de l'entreprise ;

  • atteinte à l'image de l'entreprise sur les réseaux sociaux : les publications sur les réseaux sociaux qui diffusent des propos diffamants, insultants ou offensants, démontrant une intention de nuire ou portant clairement atteinte à la dignité des personnes ;

  • propos injurieux, diffamatoires ou excessifs envers les collègues : des messages ou paroles agressifs, méprisants ou diffamatoires d'un salarié envers ses collègues ;

  • insultes et menaces proférées dans un lieu public : des insultes et des menaces proférées par un salarié dans un lieu public à l'encontre d'un collègue.

À savoir : le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché (3).

🔎 À lire, sur la religion & le travail : Religion au travail : comment gérer le fait religieux en entreprise ?

Il est important pour les employeurs de prendre en compte ces critères afin de déterminer si les propos tenus par un salarié excèdent les limites de la liberté d'expression et justifient une sanction ou un licenciement

🔎 À lire aussi : Quel délai avez-vous pour prononcer une sanction disciplinaire pour sanctionner un salarié ?

illustration

Téléchargez le dossier sur les types de faute justifiant un licenciement 

Inclus : 49 questions/réponses, 14 modèles de lettres et 8 fiches express.

Jurisprudences contrastées sur le licenciement lié à la liberté d'expression

Licenciement nul : exercice de la liberté d'expression sans abus

👨‍⚖️ Dans un arrêt rendu le 29 juin 2022, la Chambre Sociale de la Cour de cassation a clarifié un principe essentiel concernant la liberté d'expression en milieu professionnel (4).

Selon cet arrêt, sauf abus, le salarié bénéficie de sa liberté d'expression à la fois au sein de l'entreprise et en dehors de celle-ci.

La décision souligne que le licenciement d'un salarié, motivé même en partie, par l'exercice de sa liberté d'expression constitue un motif illicite, entraînant la nullité du licenciement.

Cette décision introduit une exception significative dans l'évaluation des licenciements reposant sur plusieurs motifs. Auparavant, le juge devait examiner tous les griefs invoqués dans la lettre de licenciement afin d'apprécier la validité du licenciement.

Désormais, cet arrêt établit que si l'un des motifs évoqués est illicite, ce motif "contaminant" dispense le juge d'examiner les autres griefs pour évaluer la justification du licenciement, qui est alors automatiquement déclaré nul.

Il est donc primordial de réfléchir attentivement à la rédaction de la lettre de licenciement. Plutôt que de multiplier les griefs de qualité discutable, il convient de retenir uniquement les motifs licites et susceptibles de convaincre les juges en cas de litige. Une rédaction prudente et judicieuse de la lettre de licenciement est essentielle pour éviter toute contestation ultérieure et les conséquences néfastes d'une nullité du licenciement.

🔎  À lire aussi : Tout savoir sur les motifs de licenciement et leurs conséquences

Licenciement justifié : abus de la liberté d'expression et faute grave 

👨‍⚖️ Dans cette autre affaire, un salarié critique de manière insultante et irrespectueuse son supérieur hiérarchique et formule des commentaires désobligeants envers ses collègues (5). Il avait déjà reçu un avertissement antérieur pour un comportement et un mode de communication inappropriés avec ses collègues. Malgré les efforts de l'employeur pour l'inciter à adopter une attitude plus constructive, le salarié persiste dans son comportement.

Dans ce cas, la Cour de cassation considère que le salarié a abusé de sa liberté d'expression, commettant une faute constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement. Le licenciement est donc jugé justifié.

Il est important pour les employeurs de faire preuve de discernement et d'évaluer chaque situation au cas par cas, en prenant en compte les circonstances spécifiques et les limites légales encadrant la liberté d'expression en milieu professionnel.

illustration

Téléchargez notre modèle de courrier de licenciement pour faute grave

Un de vos salariés a commis des faits graves. Après l'avoir convoqué à un entretien préalable, vous décidez de lui notifier son licenciement pour faute grave.

Les conséquences du licenciement injustifié lié à la liberté d'expression

Lorsqu'un licenciement est effectué en raison ou en partie en raison de l'exercice légitime de la liberté d'expression, il peut être déclaré nul par les tribunaux. Cette nullité entraîne des conséquences significatives pour l'employeur, tant sur le plan financier que juridique.

Réintégration du salarié/indemnisation 

En cas de violation d'une liberté fondamentale (en l'espèce, du droit à la liberté d'expression), le licenciement est entaché de nullité.

Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible (cette possibilité suppose le paiement d'une indemnité correspondant correspond au maximum aux salaires dont il a été privé au cours de la période qui s'est écoulée entre la rupture du contrat et sa réintégration), le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur. Dans ce dernier cas, le Barème Macron n'est pas applicable et l'indemnité ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois (6).

À noter : en cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié (7).

Jurisprudence

👨‍⚖️ La Cour de cassation s'est prononcée sur la manière dont il convenait d'interpréter ce texte en affirmant que ces dispositions offraient "à l'employeur un moyen de défense au fond sur le montant de l'indemnité à laquelle il peut être condamné, devant être soumis au débat contradictoire. Ce n'est que lorsque l'employeur le lui demande que le juge examine si les autres motifs de licenciement invoqués sont fondés et peut, le cas échéant, en tenir compte pour fixer le montant de l'indemnité versée au salarié qui n'est pas réintégré, dans le respect du plancher de six mois (...) (8).

Impact sur l'image de l'employeur 

Un licenciement abusif lié à la liberté d'expression peut avoir un impact significatif sur l'image de l'employeur. Dans un contexte où la liberté d'expression est valorisée et respectée, l'entreprise risque de subir des conséquences négatives en termes de réputation et de relations avec ses employés, clients et partenaires. Une mauvaise gestion de ces situations peut entraîner des répercussions préjudiciables sur l'image et la confiance envers l'entreprise.

Il est essentiel pour les employeurs de prendre conscience des conséquences potentielles d'un licenciement injustifié lié à la liberté d'expression. La prudence et la diligence sont requises dans l'évaluation des situations, en respectant les limites légales encadrant la liberté d'expression tout en préservant un équilibre entre les droits des salariés et les intérêts légitimes de l'entreprise.

Prévention des litiges liés à la liberté d'expression en milieu professionnel

Afin d'éviter les litiges liés à la liberté d'expression pouvant conduire à des licenciements injustifiés, il est essentiel pour les employeurs de mettre en place des mesures préventives et de favoriser un climat propice à l'expression des salariés.

Politiques et chartes internes 

Les employeurs doivent élaborer des politiques et des chartes internes claires et précises en matière de liberté d'expression. Ces documents doivent informer les salariés de leurs droits et obligations, ainsi que des limites légales et des règles de conduite applicables en milieu professionnel. Il est recommandé de promouvoir un environnement de travail respectueux, favorisant le dialogue ouvert et constructif.

illustration

Téléchargez notre dossier sur la rédaction du règlement intérieur

Inclus : 17 questions/réponses fondées juridiquement, 1 modèle de règlement intérieur et 3 fiches express.

Formation et sensibilisation 

La formation des salariés et des managers sur les droits et obligations liés à la liberté d'expression est primordiale. Les employeurs doivent sensibiliser leur personnel aux conséquences d'un abus de cette liberté, en mettant l'accent sur le respect des collègues, la confidentialité des informations sensibles et la préservation de l'image de l'entreprise. Des séances de sensibilisation régulières peuvent contribuer à prévenir les situations litigieuses.

Communication ouverte et dialogue social 

Promouvoir une culture d'ouverture et de dialogue social au sein de l'entreprise peut contribuer à résoudre les problèmes avant qu'ils ne dégénèrent. Les employeurs doivent encourager la communication ouverte, le partage d'idées et l'écoute active des salariés. La création de canaux de communication formels et informels, tels que des réunions régulières, des boîtes à idées ou des groupes de discussion, peut favoriser l'expression des opinions de manière constructive.

En adoptant ces mesures préventives, les employeurs peuvent réduire les risques de litiges liés à la liberté d'expression en milieu professionnel. En favorisant un climat de confiance, de respect mutuel et de dialogue, ils créent les conditions propices à une expression libre et responsable, tout en préservant les intérêts de l'entreprise et des salariés.

illustration

Une question ?

Vous avez des questions sur les chèques-cadeaux d'entreprise ? Posez votre première question gratuitement ! Un juriste expert vous répond en 24 heures !

Le droit à l'expression directe et collective : en quoi consiste-t-il ?

Expression libre et collective sur le contenu, les conditions et l'organisation du travail

L'employeur doit assurer aux salariés le bénéfice d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail (9).

L'accès de chacun au droit d'expression collective peut être assuré par le recours aux outils numériques - sans que l'exercice de ce droit ne puisse méconnaître les droits et obligations des salariés dans l'entreprise.

L'expression directe et collective des salariés a pour objet de définir :

  • les actions à mettre en oeuvre pour améliorer leurs conditions de travail ;
  • l'organisation de l'activité ;
  • et la qualité de la production dans l'unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l'entreprise.

Les salariés peuvent proposer des pistes d'amélioration dans le cadre de réunions d'échanges, de groupe de travail, etc.

Attention ! Les opinions que les salariés - quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle - émettent dans l'exercice du droit d'expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.

Modalités d'exercice du droit à l'expression directe et collective

Le droit des salariés à l'expression directe et collective s'exerce sur les lieux et pendant le temps de travail. Le temps consacré à l'expression est rémunéré comme temps de travail (10).

Les modalités d'exercice du droit d'expression doivent être définies dans le cadre de la négociation portant sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT).

Lorsqu'un accord sur le droit d'expression existe, l'employeur doit provoquer une réunion, au moins 1 fois tous les 3 ans, avec les organisations syndicales représentatives en vue d'examiner les résultats de cet accord et engage rsa renégociation à la demande d'une organisation syndicale représentative.

À noter : l'employeur doit consulter le comité social et économique (CSE) sur les modalités d'exercice du droit d'expression des salariés :

Références :

(1) Article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme
(2) Article L1121-1 du Code du travail et Cass. Soc. 24 novembre 2021, n°19-20400
(3) Article L1321-2-1 du Code du travail
(4)  Cass. Soc. 29 juin 22, n°20-16060
(5) Cass. Soc. 14 juin 2023, n°21-21678
(6) Article L1235-3-1 du Code du travail
(7) Article L1235-2-1 du Code du travail
(8) Cass. Soc. 19 octobre 2022, n°21-15533
(9) Article L2281-1 du Code du travail
(10) Article L2281-4 du Code du travail