Faux arrêt maladie, sans consultation : définition d'une fraude
Il peut être tentant de prétendre être malade pour obtenir un arrêt de travail : le phénomène des faux arrêts maladie est ainsi en hausse constante, tout particulièrement avec l'essor des réseaux sociaux, et des nouvelles technologies.
Un arrêt maladie, en principe, permet au salarié de suspendre son contrat de travail, le temps qu'il se rétablisse. Il doit être délivré par un médecin, dans le cadre d'un diagnostic médical, respectant les règles de la télémédecine et de la protection des données de santé.
À l'inverse, un faux arrêt maladie peut être défini comme un document qui n’est pas délivré par un médecin et ne reflète pas l'état de santé véritable du salarié.
Cette falsification peut prendre différents aspects. Depuis quelques années, on voit apparaître des sites proposant de dispenser, contre rémunération, des arrêts de travail, sans aucune consultation. Le salarié a simplement à remplir un formulaire, et récupère ensuite un arrêt, prétendument signé par un médecin, pour la période de son choix. Il s'agit là d'arrêts maladie totalement factices.
Face à une vague de recours à ce procédé, le Gouvernement a obtenu la fermeture de deux de ces sites, dans une décision du Tribunal judiciaire de Paris du 6 novembre 2020.
Pour limiter ces pratiques et garantir la qualité des soins, depuis le 27 février 2024, la loi limite à trois jours la durée des arrêts de travail délivrés en téléconsultation, sauf s'il est donné par le médecin traitant (1).
Bien qu'ils soient connexes, il ne faut pas confondre les faux arrêts maladie avec les arrêts de complaisance. Ces derniers désignent des congés maladie prescrits par des médecins de manière abusive, sans justifications médicales réelles. L'arrêt en tant que tel n'est pas faux ; c'est davantage le diagnostic qui est frauduleux. Dans le cas des faux arrêts maladies, tout est factice : il n'y a ni diagnostic, ni médecin derrière la signature de l'arrêt.
Est-ce légal de faire un faux arrêt maladie en ligne ? Quels sont les risques et les conséquences ?
L'usage d'un faux arrêt de travail est parfaitement illégal et réprimé par la loi. La prohibition de cette fraude se révèle à différents niveaux : il s'agit d'une part d'une infraction pénale ; d'autre part d'une faute disciplinaire, que l'employeur peut sanctionner ; et enfin d'une fraude administrative. Si le caractère frauduleux de l'arrêt de travail est révélé, il engage de multiples conséquences pour le salarié.
Le recours à un faux arrêt de travail en ligne : une infraction pénale
Le salarié ayant recours à un faux arrêt maladie se rend coupable d'un délit pénal, qui est sanctionné de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende (2). À cela s'ajoute d'autres sanctions, qui s'appliquent à toutes les infractions relevant des usages de faux.
Le salarié fautif peut ainsi se voir interdire :
- la prise de certaines fonctions publiques ;
- l'exercice de droits civiques, civils et de famille ;
- le droit à la direction, l’administration, la gestion ou le contrôle d'une entreprise industrielle ou commerciale (3).
Par ailleurs, le médecin dont le nom serait frauduleusement mentionné dans le faux arrêt maladie peut porter plainte pour usurpation d’identité (4).
Falsifier un arrêt maladie : une faute disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement
Outre l'aspect pénal, la falsification d'un arrêt maladie est constitutive d'une faute professionnelle de la part du salarié. Cette faute grave peut justifier une sanction disciplinaire de la part de l'employeur, qui peut aller jusqu'au licenciement.
Cette faculté pour l'employeur est consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle "la remise à l'employeur d'un document officiel, en l'occurrence un avis d'arrêt de travail falsifié [...] pour justifier une absence, constitue une faute grave et à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement" (5).
Le salarié faisant usage d'un faux arrêt maladie peut ainsi être légitimement licencié par son employeur.
Par ailleurs, l’employeur peut également agir en justice contre le salarié qui a bénéficié d'indemnités journalières, et lui en réclamer le remboursement.
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Quelles sont les sanctions administratives pour un faux arrêt de travail ?
La Sécurité sociale peut, elle aussi, réclamer le remboursement des sommes indûment perçues par le salarié suite à un faux certificat.
Suite à une fausse déclaration à son égard, la Sécurité sociale peut en outre suspendre des prestations, voire émettre une pénalité financière administrative (6).
Comment l'employeur peut-il reconnaître un faux arrêt de travail ?
L'évolution de la législation pour endiguer les faux arrêts maladies tend à faciliter pour l'employeur la vérification des arrêts maladie. Pour cela, la Sécurité sociale diffuse depuis septembre 2024 de nouveaux Cerfa, plus sécurisés, avec un papier spécial, une étiquette holographique, de l'encre magnétique, une meilleure identification du prescripteur, etc. Ces Cerfa seront obligatoires à partir de juin 2025.
Par ailleurs, les assurés ne pourront plus faire parvenir une copie ou un scan de leur arrêt à la Caisse nationale de l'Assurance Maladie (Cnam) : la transmission devra être faite par voie dématérialisée. Les formulaires adressés en dehors de cette voie sécurisée seront alors systématiquement rejetés par les organismes d'assurance maladie.
Dans les autres éléments que l'employeur peut vérifier pour s'assurer qu'il ne s'agit pas d'un faux arrêt maladie, il y a notamment la présence d'un QR code, qui est obligatoire depuis le 28 mars 2024. Depuis cette date, tout arrêt sans QR code est automatiquement un faux.
Comment l'employeur peut-il dénoncer un faux arrêt maladie ? Qui peut vérifier un arrêt maladie ?
Lorsqu'il a un doute, l'employeur peut, à ses frais, diligenter une contre-visite médicale en cas d'arrêt maladie suspect.
Les modalités de procédure ont par ailleurs été précisées par un décret de juillet 2024 (7). Cette contre-visite peut être réalisée par le médecin du choix de l'employeur. La mission de ce médecin est de déterminer si l'arrêt de travail et sa durée sont justifiés.
Seul un médecin peut vérifier un arrêt maladie, et sa légitimité.
La contre-visite peut se dérouler au domicile du salarié, sans délai de prévenance, ou au cabinet du médecin, sur convocation, et ce, à tout moment de l'arrêt de travail. Le salarié n'a pas le droit de s'opposer à cette contre-visite médicale (8).
Le médecin informe ensuite l'employeur du caractère justifié ou injustifié de l'arrêt de travail.
(1) Article 65 de la Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la Sécurité sociale pour 2024
(2) Article 441-2 du Code pénal
(3) Article 441-10 du Code pénal
(4) Article 226-4-1 du Code pénal
(5) Cass. Soc, 30 juin 2016, n° 15-16365
(6) Article L162-1-14 du Code de la Sécurité sociale
(7) Décret n° 2024-692 du 5 juillet 2024 relatif à la contre-visite mentionnée à l'article L1226-1 du Code du travail
(8) Article L1226-1 du Code du travail
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