Lorsque l’avis du médecin du travail précise que l’état de santé du salarié fait obstacle à une reprise formelle du travail, cela dispense de reclassement l’employeur. Ce dernier a-t-il alors l’obligation de consulter les représentants du personnel ?
Au regard des articles L.1226-2 et L.1226-10 du Code du travail, le Comité social et économique doit en principe être consulté sur les propositions de reclassement faites au salarié déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, et ce, indépendamment de la taille de l’entreprise et de l’origine professionnelle ou non de l’inaptitude.
La consultation doit ainsi intervenir entre le constat d’inaptitude établi par le médecin du travail et l’éventuelle proposition de reclassement faite au salarié (Soc. 15 janv. 2020, n° 18-24.328).
Néanmoins, lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de reclasser le salarié, la consultation des représentants du personnel doit, dans tous les cas, être organisée avant que la procédure de licenciement ne soit mise en ½uvre (Soc. 30 sept. 2020, n°19-16.488).
Ainsi, l’obligation de consultation vise à assurer la plus grande transparence quant aux recherches de reclassement menées par l’employeur. Mais cela est-il bien nécessaire lorsque le médecin du travail exclut formellement la possibilité pour le salarié de reprendre une activité quelconque au sein de l’entreprise ?
Dans ce cas, on sait que l’employeur est dispensé de rechercher un poste de reclassement, si bien que l’utilité d’une consultation s’en trouve, de fait, amoindrie. La Chambre Sociale de la Cour de Cassation va alors apporter un éclairage sur cette problématique dans un arrêt rendu le 16 novembre 2022 (Soc. 16 nov. 2022, n° 21-17.255).
En l’espèce, un salarié avait été placé en arrêt de travail pour maladie pendant plusieurs mois avant d’être déclaré inapte par le médecin du travail. L’avis daté du 4 décembre 2017 précisait la mention suivante : « inapte – étude de poste et étude des conditions de travail réalisées le 15 novembre 2017 échange avec l’employeur – l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».
Le salarié était licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 26 décembre 2017 sans que les représentants du personnel n’aient été consultés sur le sujet. Contestant les conditions de la rupture, le salarié saisissait le Conseil de prud’hommes.
La Cour d’Appel allait dans le sens du salarié et retenait que le défaut de consultation des délégués du personnel, privait le licenciement de cause réelle et sérieuse quand bien même le médecin du travail avait dispensé l’employeur de toute recherche de reclassement.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation car, pour lui, la dispense de reclassement valait nécessairement dispense de consultation.
La Chambre sociale de la Cour de Cassation casse et annule sur ce point la décision de la Cour d’Appel en précisant que « lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter les délégués du personnel ».
Ainsi, lorsque l’avis médical d’inaptitude précise que l’état de santé du salarié est incompatible avec un reclassement, l’employeur est tout à la fois dispensé de rechercher un poste de reclassement et de consulter le comité social et économique (CSE). En l’espèce, l’avis médical dispense de reclassement l’employeur.
La Chambre sociale a récemment admis dans un arrêt du 8 juin 2022 (Soc. 8 juin 2022, n°20-22.500) que l’employeur était libéré de son obligation de consultation dès lors que le médecin du travail émettait formellement une dispense de reclassement.
La solution est alors guidée par le bon sens car les juges donnent son plein effet à l’avis médical et évitent une interférence contre-productive entre médecine du travail et institutions représentatives du personnel.
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