Lors de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, le tribunal fixe la date de cessation des paiements (1). Il détermine ainsi la date à partir de laquelle l'entreprise n'était plus capable de faire face à son passif exigible, c'est-à-dire à ses dettes échues, avec son actif disponible. S'il n'est pas possible de fixer cette date, malgré les explications du débiteur, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d'ouverture.
En pratique, il est difficile de déterminer la date exacte de cessation de paiement puisque l'entreprise a pu bénéficier de délais de paiement ou de remises de dettes.
Elle peut donc également être fixée à une date antérieure. Cette date, fixée par le jugement, peut même être reportée une ou plusieurs fois par un autre jugement, mais ne peut précéder de plus de 18 mois la date du jugement d'ouverture.
On appelle donc "période suspecte" celle qui est comprise entre la date de cessation des paiements et la date du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.
Cette période porte ce nom en raison du comportement que certains dirigeants peuvent avoir. Lorsqu'ils savent leur entreprise en difficulté, certains peuvent décider de passer un certain nombre d'actes avant d'entrer en procédure collective pour essayer de sortir des difficultés financières. Ces actes peuvent avoir pour résultat d'appauvrir l'entreprise ou d'avantager certains créanciers. Ils peuvent également profiter de cette période pour organiser leur insolvabilité.
Par exemple : l'entreprise X a été placée en redressement judiciaire par jugement d'ouverture du 1er janvier 2023. À cette occasion, le tribunal va chercher à déterminer la date de cessation des paiements, sachant qu'il ne peut fixer cette date plus de 18 mois avant ce jugement d'ouverture (avant le 1er juillet 2021). Admettons qu'au regard des informations dont il dispose, il estime la date de cessation des paiements au 1er septembre 2022. La période suspecte s'étend donc du 1er septembre 2022 au 1er janvier 2023.
C'est pourquoi la loi a prévu un mécanisme d'annulation de certains actes accomplis pendant la période suspecte. L'action en nullité est obligatoirement exercée par l'administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public (2). Elle a pour effet de reconstituer l'actif (= les liquidités disponibles) du débiteur (= de l'entreprise).
Certains actes sont nuls de plein droit, tels que les actes gratuits translatifs de propriété mobilière ou immobilière, ou tout paiement d'une dette non échue au jour de son paiement (3).
En outre, les actes de paiement de dettes effectués après la date de cessation des paiements peuvent être annulés si le créancier avait connaissance de la cessation de paiement (4).
Sont plus facilement considérées comme ayant connaissance de l'état de cessation des paiements du débiteur les personnes ayant un accès privilégié aux informations relatives à sa situation économique et financière.
La banque, par exemple, occupe une place privilégiée à ce titre (puisqu'elle a connaissance du fonctionnement du compte courant, de l'importance du découvert, du refus de paiement de chèques ou de virements, etc.). Il est donc tout à fait possible qu'un emprunt accordé durant la période suspecte soit annulé lors de l'ouverture de la procédure.
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