Rupture conventionnelle ou mise à la retraite : comment choisir ? Quels avantages et inconvénients pour les entreprises ?
Pour de multiples raisons, un employeur peut vouloir se séparer d’un salarié proche de la retraite. Pour rompre son contrat de travail, plusieurs options s’offrent à lui, parmi lesquelles :
- la rupture conventionnelle individuelle ;
- la mise à la retraite.
Chacun de ces modes de rupture du contrat de travail présente des avantages et des inconvénients pour l’employeur.
Rupture conventionnelle et mise à la retraite : deux procédures distinctes
Une procédure de rupture conventionnelle soumise au respect de délais bien précis
Ce mode de rupture du contrat de travail d'un commun accord ne concerne que les salariés en contrat à durée indéterminée (CDI). Il repose sur l’accord des deux parties et ne peut être imposé par l’une à l’autre partie.
Lorsque l’employeur souhaite proposer une rupture conventionnelle à un salarié, il doit respecter une procédure bien particulière.
Les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens de rupture conventionnelle. A ce titre, les parties peuvent, au cours de l'entretien, se faire assister pour négocier la rupture conventionnelle.
Lorsque les parties parviennent à se mettre d’accord, elles signent alors une convention de rupture dans laquelle sont mentionnées les conditions et modalités de la rupture négociées lors du ou des entretiens (montant de l'indemnité spécifique, date de la rupture...).
Elles doivent ensuite respecter un délai de rétractation pendant lequel, chacune des parties peut renoncer à la signature d’une rupture conventionnelle.
Une fois ce délai expiré, l’employeur adresse une demande d’homologation de la rupture conventionnelle à la Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets).
Le contrat de travail est rompu à la date prévue dans la convention de rupture et, au plus tôt le lendemain de l'homologation.
Lorsqu’il s’agit d’une rupture conventionnelle conclue avec un salarié protégé, une procédure spécifique s’applique.
Une procédure de mise à la retraite moins complexe mais conditionnée à l’âge du salarié
L’employeur qui envisage une mise à la retraite du salarié doit, 3 mois avant l’anniversaire de celui-ci (à partir de l’âge de 67 ans), l’interroger par écrit sur son intention de quitter volontairement l’entreprise pour bénéficier d’une pension de vieillesse.
A ce titre, il faut savoir que lorsque les conditions de mise à la retraite ne sont pas réunies, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le salarié dispose alors d’un mois pour répondre à la demande de son employeur.
Si le salarié accepte la proposition de l’employeur, ce dernier peut procéder à la mise à la retraite du salarié. Aucune procédure n'est alors imposée à l'employeur pour informer officiellement le salarié de sa mise à la retraite, sauf si une convention ou un accord collectif le prévoit.
Cependant, lorsque la proposition de mise à la retraite concerne un salarié protégé, l’inspection du travail doit autoriser la mise à la retraite.
L'employeur fixe la date de départ en considérant le délai de préavis qui est identique à la durée de préavis prévue en cas de licenciement. Cependant, la convention collective peut prévoir un délai différent.
En cas de refus de la proposition, l’employeur ne peut procéder à la mise à la retraite du salarié mais il peut réitérer sa demande tous les ans, jusqu’aux 69 ans du salarié.
Quoi qu’il en soit, à partir de 70 ans, l’employeur peut mettre d’office le salarié à la retraite sans son accord. Sauf dispositions conventionnelles ou accord collectif contraire, aucune procédure particulière n'est requise pour informer le salarié de sa mise à la retraite d’office, sauf pour un salarié protégé.
Le montant des indemnités à verser en fin de contrat plus ou moins élevé
Peu importe que l’employeur propose une mise à la retraite au salarié ou une rupture conventionnelle, dans tous les cas, il doit verser au salarié concerné, une indemnité de rupture du contrat de travail et, le cas échéant, une indemnité compensatrice de congés payés si le salarié n’a pas pu prendre la totalité des congés payés acquis à la date de rupture du contrat de travail.
Mais, selon l’option choisie, il peut également devoir verser une indemnité compensatrice de préavis ou encore des indemnités supra légales.
Une indemnité de rupture identique
Que l’employeur propose une mise à la retraite au salarié ou une rupture conventionnelle, il doit verser à ce dernier une indemnité de rupture.
Légalement, le montant de l'indemnité de mise à la retraite et de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle est identique.
En effet, toutes deux sont au moins égale au montant de l’indemnité légale de licenciement, à savoir :
- 1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à 10 ans ;
- 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de 10 ans.
Néanmoins, l’employeur doit toujours se reporter aux dispositions conventionnelles qui peuvent prévoir des montants plus importants que ceux fixés par le législateur. Dans ce cas, l'employeur doit alors appliquer la disposition la plus favorable au salarié.
Une indemnité de préavis à verser en cas de mise à la retraite
S’il n’existe pas de préavis en matière de rupture conventionnelle individuelle (la date de rupture du contrat de travail est fixée dans la convention à l’occasion d’un entretien de rupture conventionnelle), ce n’est pas le cas en matière de mise à la retraite.
En effet, lorsqu’il propose une mise à la retraite, l’employeur doit respecter un préavis. Le contrat de travail du salarié ne prend pas fin immédiatement.
Sous réserve de dispositions conventionnelles plus favorables, la durée légale de ce préavis est fixée à :
- 1 mois lorsque le salarié a une ancienneté comprise entre 6 mois et 2 ans ;
- 2 mois lorsque le salarié a une ancienneté supérieure à 2 ans.
L’employeur peut choisir de dispenser le salarié du préavis mais il doit alors lui verser une indemnité compensatrice de préavis.
Une indemnité supra-légale négociée dans le cadre d’une rupture conventionnelle
Que ce soit dans le cadre d’une mise à la retraite ou dans le cadre d’une rupture conventionnelle, l’indemnité de rupture ne peut être inférieure à l'indemnité légale de licenciement (sauf dispositions conventionnelles plus favorables).
Néanmoins, dans le cadre d’une rupture conventionnelle, le salarié a tout à fait la possibilité de négocier une indemnité d’un montant supérieur. C’est ce que l’on appelle des indemnités supra légales.
Régime social de la rupture conventionnelle et de la mise à la retraite : quel changement avec la contribution unique pour les entreprises ?
Avant le 1er septembre 2023, les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite obéissaient à un régime social différent. Celui de l’indemnité de rupture conventionnelle était bien plus avantageux que celui de l’indemnité de mise à la retraite. C’est pourquoi, les entreprises préféraient avoir recours à la rupture conventionnelle individuelle plutôt qu’à la mise à la retraite pour se séparer des salariés seniors. La rupture conventionnelle conclue avec un salarié proche de l’âge de la retraite servait ainsi de “préretraite déguisée”.
Afin de mettre fin à ce phénomène et maintenir l’emploi des seniors proches de l’âge de la retraite, les régimes sociaux applicables à chacune de ces indemnités ont été harmonisés.
Ainsi, depuis le 1er septembre 2023, ces deux indemnités sont soumises à un régime social identique. En effet, les entreprises doivent désormais s’acquitter d’une contribution patronale unique de 30 %. Cette contribution est versée par l'employeur, au profit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
Cette contribution patronale spécifique remplace :
- le forfait social à 20 % qui s’appliquait sur le montant de l’indemnité de rupture conventionnelle ;
- la contribution patronale de 50 % qui s’appliquait sur le montant de l’indemnité de mise à la retraite.
La contribution patronale unique de 30 % est due sur la partie de l’indemnité exclue de l’assiette des cotisations de Sécurité sociale.
Rupture conventionnelle ou mise à la retraite : quelles conséquences pour les salariés proches de la retraite ?
Les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite sont-elles soumises à l’impôt sur le revenu pour le salarié ?
Régime fiscal de l'indemnité de rupture conventionnelle
Le régime fiscal applicable à l’indemnité de rupture conventionnelle diffère selon que le salarié a atteint ou non l’âge légal de la retraite. En effet, selon qu’il peut bénéficier ou non d’une pension de retraite, l’indemnité est soumise à à l’impôt sur le revenu (1) :
- le salarié peut bénéficier d’une pension de retraite : l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est imposable en totalité, dès le 1er euros ;
- le salarié ne peut pas bénéficier d’une pension de retraite : l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est exonérée, en totalité, de l’impôt sur le revenu lorsque le montant de celle-ci correspondant à l'indemnité fixée par la loi, la convention collective, l'accord professionnel ou interprofessionnel.
Si le montant perçu est supérieur, l’exonération est limitée à l’un des deux montants suivants (celui qui est le plus favorable au salarié) :
- à 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année précédant la rupture du contrat de travail, dans la limite de 6 fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale (soit 282 600 euros) ;
- à la moitié du montant de l'indemnité de rupture conventionnelle perçue, dans la limite de 6 fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale (soit 282 600 euros).
Régime fiscal de l'indemnité de mise à la retraite
Quant à l’indemnité de mise à la retraite, elle est en partie exonérée d'impôt. La part de l’indemnité exonérée d’impôt correspond à l’un des montants suivants (selon ce qui est le plus avantageux pour le salarié) :
- le montant minimum de l'indemnité fixée par la loi ou le montant prévu par la convention collective ou un accord collectif applicable dans l’entreprise ;
- 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année précédant la mise à la retraite, dans la limite de 5 fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale (soit 235 500 euros) ;
- la moitié du montant de l'indemnité de mise à la retraite perçue dans la limite de 5 fois le montant annuel du plafond de la sécurité sociale (soit 235 500 euros).
Les indemnités de rupture conventionnelle ou de mise à la retraite sont-elles exonérées de cotisations sociales pour le salarié ?
L’indemnité de rupture conventionnelle est exonérée en totalité de cotisations sociales lorsque son montant correspond à celui fixé par la loi, la convention collective, ou le cas échéant, par l’accord professionnel ou interprofessionnel.
En revanche, lorsque son montant est supérieur au montant légal (ou le cas échéant, conventionnel), elle ne peut être exonérée de cotisations sociales qu’à certaines conditions et dans la limite de certains plafonds.
Elle est quoi qu’il en soit soumise à cotisation lorsqu’elle dépasse 471 000 euros.
A l’instar du régime social de l’indemnité de rupture conventionnelle, celui applicable à l’indemnité de mise à la retraite permet aussi au salarié qui perçoit une telle indemnité d’être exonéré de cotisations sociales.
En effet, l’indemnité de mise à la retraite est exonérée de cotisations sociales lorsqu’elle est inférieure à 471 000 euros et uniquement sur la part de son montant inférieure à 94 200 euros. Si elle dépasse les 471 000 euros, elle est intégralement soumise à cotisations sociales.
En ce qui concerne la CSG et la CRDS, l’indemnité n’y est pas soumise dès lors que son montant est inférieur à 94 200 euros. Au-delà, elle est intégralement soumise à CSG et CRDS.
Droit au chômage pour le salarié qui accepte une rupture conventionnelle avant sa retraite
Lorsqu’un salarié qui a atteint l’âge légal de départ à la retraite (à partir de 62 ans en fonction de son année de naissance), conclut une rupture conventionnelle avec son employeur, il peut bénéficier des allocations chômage s’il n’a pas le nombre de trimestres requis pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Les allocations chômage peuvent effectivement lui être versées jusqu’à ce que le salarié ait acquis le nombre de trimestres nécessaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein, sous réserve de satisfaire à certaines conditions.
Dans tous les cas, les allocations chômage ne sont plus versées quand l’âge de la retraite à taux plein d’office est atteint par le salarié.
Quel est l'impact de la rupture conventionnelle sur les droits à la retraite ? Est-ce qu'une indemnité de rupture conventionnelle compte pour la retraite ?
Avant toute chose, il faut rappeler que la pension de retraite de base du salarié est calculée sur la moyenne des salaires bruts sur lesquels le salarié a cotisé pendant les 25 meilleures années de sa carrière.
Lorsqu’un salarié quitte une entreprise, certaines sommes soumises à cotisations sociales (dont à cotisations retraite), telles que l’indemnité compensatrice de congés payés ou encore l’indemnité compensatrice de préavis, augmentent le revenu annuel du salarié pour l’année au cours de laquelle ces indemnités ont été versées.
Dans le cas où cette année en question fait partie des 25 meilleures années, alors ces sommes contribuent aussi à augmenter le montant de la pension de retraite de base.
Néanmoins, d’autres sommes versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail, notamment l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, ne permettent pas forcément d’augmenter le montant de la pension retraite.
En effet, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle est exonérée de cotisations sociales (notamment de cotisations retraite) dans la limite de certains plafonds.
Par conséquent, la part exonérée de l’indemnité de rupture conventionnelle n’est pas prise en compte pour le calcul du revenu annuel moyen servant à calculer le montant de la pension de retraite. Elle ne permet pas d’augmenter le montant de la pension de retraite de base du salarié lorsqu’elle ne dépasse pas les plafonds d’exonération fixés.
Rapport complet et bien expliqué. En tant que CSE et DS, je ne regrette pas mon abonnement