En quoi consiste une relation commerciale établie ?
Le contrat commercial met en relation un professionnel avec un autre professionnel, un non-professionnel (professionnel qui n'agit pas dans le cadre de son activité) ou un consommateur.
Un contrat commercial a un objet commercial, c'est-à-dire qu'il a pour but la réalisation d'un acte de commerce (acte de vente, prestation de services, etc.).
Exemples : contrat de prestation de services, contrat d'apporteur d'affaires, contrat commercial, contrat de partenariat.
Les critères de la rupture abusive du contrat
Le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit (1) :
- engage la responsabilité de son auteur ;
- et l'oblige à réparer le préjudice causé.
À noter :
Le préavis écrit doit tenir compte, notamment :
- de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels ;
- et, pour la détermination du prix applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché sur lequel opèrent les parties.
La jurisprudence considère qu'une rupture brutale se caractérise par la réunion de 2 critères cumulatifs.
À lire : Les recours face à une rupture commerciale brutale ?
Une relation commerciale établie
Un simple acte de vente, une relation commerciale récente, l'objet du contrat, etc., sont des critères entrant en considération pour caractériser une relation commerciale établie.
La Cour de cassation déduit l'existence d'une relation commerciale établie, par (2) :
-
le nombre des échanges entre les parties au contrat commercial ;
-
la durée de la relation commerciale ;
-
l'étroite collaboration entre les parties et/ou la réalisation d'investissements techniques ou financiers impliqués par le projet commun.
Ainsi, la relation s'apprécie dans son ensemble.
Jurisprudence :
Les juges ont pu considérer que 5 commandes passées sur une période de 6 mois, étaient la preuve d'une relation commerciale “ponctuelle et non suivie” et non d'une relation commerciale établie (2).
Dans un autre arrêt pourtant, ils ont décidé "qu'une succession de contrats ponctuels peut être suffisant pour caractériser une relation commerciale établie"(3).
À retenir : le juge reste souverain dans son appréciation. En cas de doute, il convient de se rapprocher d'un professionnel.
La brutalité de la rupture
Si la relation commerciale est établie, il convient de démontrer le caractère brutal de la rupture. La volonté de la rupture doit être écrite et explicite. À défaut, la rupture brutale peut être caractérisée (4).
Le non-respect du préavis
18 moisle délai de préavis maximal
Deux situations sont envisageables :
-
soit le préavis est prévu contractuellement : son non-respect peut induire une rupture brutale ;
-
soit aucun délai de préavis n'est prévu contractuellement : la jurisprudence a tendance à prendre en compte la durée de la relation pour parvenir à un préavis raisonnable. Plus la relation établie est longue, plus le préavis devra l'être.
Pour éviter les périodes de préavis excessives, le législateur a fixé un plafond de 18 mois : en cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l'auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d'une durée insuffisante dès lors qu'il a respecté un préavis de 18 mois.
Une inexécution du contrat
-
généralement, un contrat-cadre est rédigé : il permet d'énumérer les principales obligations des parties. Si la rupture engendre un non-respect d'obligations préjudiciables pour les parties, le caractère abusif pourra être qualifié ;
-
en l'absence d'un contrat-cadre, il convient de démontrer en quoi les pratiques de l'auteur caractérisent une rupture brutale.
Exemple : la Cour de cassation a admis que la seule baisse brutale des commandes et du chiffre d'affaires du cocontractant subissant la rupture, ne permettait pas d'établir une rupture abusive. De surcroît, elle a pu relever “l'absence d'accord-cadre comportant un engagement de commandes minimum" (5).
Une rupture partielle
Rappel : la rupture, même partielle, engage la responsabilité de l'auteur.
- une réduction significative du courant d'affaires (6) ;
- la modification des conditions tarifaires (7) ;
- une modification unilatérale et substantielle des conditions d'un contrat (8) ;
- le changement d'organisation dans le mode de distribution d'un fournisseur (8) ;
- la diminution significative de commandes (9).
Comment rompre un contrat commercial sans préavis ?
La qualification de rupture abusive peut être écartée si la rupture est justifiée puisque répondant à un manquement de l'autre partie.
Ainsi, les dispositions applicables en cas de rupture abusive ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas :
- d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ;
- ou en cas de force majeure.
Exemples :
- une rupture peut avoir lieu sans préavis et ne pas être abusive si elle intervient alors que le partenaire commercial n'est pas à jour dans ses paiements.
La Cour de cassation considère que cela suppose une “faute d'une gravité telle” qu'elle ne permet pas le maintien de la relation (10) ; - le contrat est composé d'une clause d'exclusivité (11) par laquelle le cocontractant s'engage à accorder sa prestation de manière exclusive. En cas de non-respect, ce manquement pourrait aboutir à une résolution du contrat.
En pratique, le législateur applique les règles civiles de la responsabilité contractuelle. Une inexécution des obligations contractuelles peut aboutir à la rupture du contrat (12).
Se protéger d'une rupture abusive
La relation commerciale implique une rédaction minutieuse du contrat et des clauses inhérentes à celui-ci : si la liberté contractuelle ne permet pas de déroger aux règles qui intéressent l'ordre public, elle permet de prévoir en amont, avec le partenaire contractuel, le déroulement d'une éventuelle rupture.
Différentes clauses peuvent être stipulées :
- une clause pénale peut venir anticiper le manquement à une obligation contractuelle en prévoyant par avance les indemnités par jour de retard ;
- une clause résolutoire peut permettre la résiliation du contrat si les engagements prévus ne sont pas respectés ;
- une clause compromissoire peut prévoir la désignation d'un arbitre en cas de litige ;
- une clause de médiation préalable obligatoire oblige les parties à entrer en conciliation avant une assignation en justice ou la désignation de l'arbitre.
À noter : il peut être inséré une clause de renégociation, définie par les parties, qui précise les conditions et les seuils de déclenchement de la renégociation.
D'autres pratiques déloyales engagent la responsabilité de leur auteur.
(8) CA Paris, 12 septembre 2001, n°99-15368
(9) Cass. Com., 24 septembre 2013, n°12-24155 (10) Cass. Civ., 27 mars 2019, n°17-16548 (11) Article L330-1 du Code de commerce (12) Article 1217 du Code civil
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