Quelle est la différence entre un rappel à l'ordre et un avertissement à un salarié ? Le rappel à l'ordre est-il une sanction disciplinaire ?
Le rappel à l'ordre n'est pas une sanction !
Article L1331-1 du Code du travail "Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération."
C'est une observation qui vise à enjoindre le salarié de respecter ses obligations contractuelles et à changer son comportement ou son attitude qui perturbe le fonctionnement de l'entreprise. Le but est donc de rappeler les règles de l'entreprise au salarié, notamment les dispositions du règlement intérieur.
Le rappel à l'ordre doit démontrer une absence de volonté de sanctionner le salarié et donc ne pas impacter sa présence, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
L'avertissement, quant à lui, est une sanction disciplinaire qui permet à l'employeur de sanctionner une faute légère qui n'empêche pas le maintien du salarié dans l'entreprise.
Cet article va vous intéresser : Au bout de combien d'avertissements peut-on licencier un salarié ?
Comment rédiger une lettre de rappel à l'ordre ? Oral ou écrit ?
Le fait de prononcer le rappel à l'ordre à oral permet d'éviter une requalification, les réprimandes et injonctions verbales n'étant pas considérées comme des sanctions disciplinaires (1). Cependant, si vous souhaitez des preuves de ce rappel à l'ordre, il est possible de le faire à l'écrit.
Attention ! La jurisprudence s'est permis d'éclaircir cette notion et de nombreux rappels à l'ordre formulés par écrit ont été requalifiés en lettre d'avertissement, il faut donc faire preuve de prudence dans la rédaction du courrier.
Exemple de cas où un rappel à l'ordre a été requalifié en avertissement :
- la lettre de l’employeur reprochant au salarié diverses erreurs et le mettant en demeure d’apporter un maximum de soins à la réalisation des travaux qui lui sont confiés est considérée comme étant un avertissement (2) ;
- la procédure de demande d'explications écrites, avait été mise en œuvre à la suite de faits considérés comme fautifs, que le salarié devait répondre seul et immédiatement aux questions qui lui sont posées, que tout refus de s'exécuter intervenant après une mise en demeure constitue un grief supplémentaire et pourrait justifier une sanction (3) ;
- l’e-mail dans lequel l’employeur adresse divers reproches à un salarié et l’invite de façon impérative à un changement radical, avec mise au point ultérieure, est considéré comme une sanction d'un comportement fautif et constitue un avertissement (4) ;
- la lettre indiquant au salarié que son attitude avait largement entamé la confiance que l'employeur lui portait, cette indication étant de nature à affecter la carrière de l'intéressé (5).
À l'inverse, est reconnu comme un rappel à l'ordre :
- le compte-rendu écrit d'un entretien énumérant des griefs sans manifester la volonté de les sanctionner, adressé à la salariée et versé à son dossier (6) ;
- l'email de rappel à l'ordre au salarié par lequel l'employeur se bornait à lui demander de faire preuve de respect à son égard, de cesser d'être agressif, de faire preuve de jugements moraux, de colporter des rumeurs et autres dénigrements auprès de la clientèle et des autres salariés (7) ;
- le fait pour un employeur de demander par écrit au salarié de s'expliquer sur la disparition d'une partie du fichier clients qui était sur son ordinateur sans prendre, dans l'attente de ses explications, aucune décision de sanction (8).
Il peut être recommandé de ne pas user du terme “sanction”, sauf si c'est pour rappeler que ce rappel à l’ordre n’en constitue pas une.
Vous pouvez adresser le rappel à l'ordre par courrier recommandé ou le remettre en main propre contre décharge.
Peut-on sanctionner le salarié après un rappel à l'ordre ?
Plusieurs cas de figure :
- faire attention au formalisme, car s'il y a une requalification du rappel à l'ordre en sanction et que vous le sanctionnez de nouveau pour les mêmes faits, la sanction sera invalide. Une faute ne peut être sanctionnée deux fois, "non bis in idem" ;
- si le mauvais comportement du salarié continue, il est possible de procéder cette fois à une sanction disciplinaire, qui doit être proportionnée à la gravité des faits (avertissement, mise à pied disciplinaire, voire un licenciement) ;
- s'il s'agit bien d'un rappel à l'ordre, il est possible de changer d'avis et de sanctionner le salarié à la place, en veillant au respect du délai des 2 mois à partir de la connaissance de la faute (9).
Le salarié peut-il contester un rappel à l'ordre ?
Le rappel à l'ordre n'a pas de réelle conséquence juridique, c'est une simple mise en garde sur le comportement du salarié. En principe, le salarié ne peut le contester.
Cependant, s'il s'apparente à un avertissement ou une autre sanction, le salarié dispose de 2 ans pour le contester. La charge de la preuve pèsera sur lui devant le conseil de prud'hommes (10).
Références :
(1) Article L1331-1 du Code du travail
(2) Cass. soc., 13 octobre 1993, n°92-40955
(3) Cass. soc., 19 mai 2015, n°13-26916
(4) Cass. soc., 26 mai 2010, n°08-42893
(5) Cass. soc., 3 février 2017, n°15-11433
(6) Cass. soc., 12 novembre 2015, n°14-17615
(7) Cass. soc., 20 mars 2024, n°22-14465
(8) Cass. soc., 10 mai 2012, n°11-10004
(9) Article L1332-4 du Code du travail
(10) Articles L1471-1 et L1333-1 du Code du travail
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