Un employeur peut-il interdire aux salariés d'exprimer leurs opinions politiques en entreprise ou restreindre les discussions politiques entre les salariés ? Que dit la Loi en France ?

Un employeur ne peut pas interdire les discussions politiques entre ses salariés. En effet, ceux-ci disposent d'une liberté d'opinions et ils sont en droit de les exprimer sur le temps et le lieu de travail.

L'employeur ne peut donc pas prévoir une clause dans le règlement intérieur qui interdirait aux salariés de parler de politique entre eux. Une telle clause serait illicite (1)

En revanche, il a la possibilité d'y apporter des restrictions dès lors que celles-ci sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (2)

A ce titre, le règlement intérieur peut contenir une clause de neutralité afin de restreindre la manifestation des convictions politiques des salariés (au même titre qu'en matière de convictions religieuses).

La clause de neutralité est licite si ces restrictions sont justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux, ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise si elles sont proportionnées au but recherché (3).

Selon la jurisprudence actuelle, la clause de neutralité est généralement admise pour les salariés qui sont en contact avec la clientèle.

Certes, le salarié est libre d'exprimer ses opinions politiques au temps et au lieu de travail mais il est également libre de ne pas le faire. L'employeur ne peut en effet contraindre un salarié à prendre position sur un sujet notamment politique s'il ne souhaite pas faire part de ses convictions. Obliger un salarié à émettre une opinion ou prendre une position publiquement porte atteinte à la liberté d'expression de l'intéressé (4).

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Un salarié est-il en droit de s'absenter pour participer à une campagne électorale ? Que dit le Code du travail ?

Le salarié qui souhaite participer à une campagne électorale en tant que candidat est en droit de s'absenter de son travail.

L'employeur doit en effet laisser au salarié, candidat à l'élection des députés à l'Assemblée nationale ou à l'élection des sénateurs au Sénat, le temps nécessaire pour qu'il puisse participer à la campagne électorale (5)

20 jours ouvrables d'absence autoriséepour faire campagne pour les législatives

Le salarié candidat à un mandat parlementaire dispose ainsi de 20 jours ouvrables lui permettant de s'absenter pour faire campagne.

Le même droit est également accordé aux salariés candidats au Parlement européen ou encore aux élections municipales, départementales ou régionales. Ils bénéficient en revanche de 10 jours ouvrables seulement, d'absence autorisée pour participer à la campagne électorale.  

Un employeur peut-il refuser la demande d'absence d'un salarié pour mener une campagne électorale ?

Dès lors que le salarié avertit son employeur au moins 24 heures avant le début de chaque absence, celui-ci ne peut pas refuser la demande d'absence d'un salarié qui participe à une campagne électorale (6).

Cependant, pour pouvoir en bénéficier à sa convenance, les absences du salarié doivent être à chaque fois d'au moins une demi-journée entière.

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L'employeur doit-il rémunérer les absences du salarié pour mener une campagne électorale ?

Le salarié peut, s'il en fait la demande à son employeur, imputer la durée de ses absences sur celle du congé payés annuel et ce, dans la limite des droits qu'il a acquis à ce titre à la date du premier tour du scrutin (le 30 juin 2024 en ce qui concerne les élections législatives 2024 qui font suite à la dissolution de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron) (7).

En revanche, ces absences ne sont pas rémunérées lorsqu'elles ne sont pas imputées sur le congé payé annuel.

Elles peuvent par contre, en accord avec l'employeur, donner lieu à récupération.

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Bon à savoir :

La durée des absences pour mener une campagne est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits à congés payés ainsi que des droits liés à l'ancienneté (8).

Que devient le contrat de travail du salarié qui devient titulaire d'un mandat parlementaire ?

Le salarié membre de l'Assemblée nationale ou du Sénat peut demander à l'employeur de suspendre son contrat de travail et ce, jusqu'à l'expiration de son mandat (9).

Cependant, le salarié doit justifier d'une ancienneté minimale d'une année chez son employeur à la date de son entrée en fonction.

Lorsqu'elle est demandée, la suspension du contrat de travail prend effet 15 jours après la notification qui en est faite à l'employeur (10).

Si le salarié ne justifie pas de cette condition d'ancienneté minimale, toute absence pour mener sa campagne électorale peut lui être reprochée. Il semblerait dans ce cas que la présomption de démission puisse s'appliquer. 

A ce titre, l'employeur peut mettre en demeure le salarié de justifier son absence et de reprendre son travail dans un délai impartit (celui ne peut être inférieur à 15 jours calendaires).

S'il ne répond pas, il sera considéré comme démissionnaire.

Dans l'optique où le salarié répond aux solliciations de l'employeur et justifie son absence par sa participation à une campagne électorale, cette justification est-elle valable ?  Peut-elle permettre de contourner la présomption de démission ? 

A ce jour, nous n'avons pas d'informations plus précises pour pouvoir répondre à ces questions.

L'employeur a t-il l'obligation de réintégrer le salarié à la fin  de son mandat ? Quelles conséquences d'un mandat politique sur l'emploi du salarié ?

Réintégration du salarié à l'expiration du premier mandat

A la fin du premier mandat, l'employeur doit réintégrer le salarié qui le souhaite, dans l'entreprise.

Il doit pour cela en informer son employeur dans les 2 mois qui suivent l'expiration de son mandat. Cette demande est transmise à l'employeur par lettre recommandée avec accusé de réception (11).  

L'employeur a alors 2 mois pour réintégrer le salarié à compter de la réception du courrier.

Le salarié doit alors retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération équivalente (12).

Lorsqu'il est réintégré dans l'entreprise, le salarié doit bénéficier, le cas échéant, d'une réadaptation fonctionnelle en cas de changement de techniques ou de méthodes de travail.

Il doit également bénéficier de tous les avantages acquis par les salariés de sa catégorie durant l'exercice de son mandat. L'employeur ne peut opérer de distinction avec les autres salariés au risque que cela constitue une discrimination.

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Pas de réintégration du salarié lorsque le mandat a fait l'objet d'un renouvellement

Lorsque le mandat du salarié a été renouvelé, l'employeur n'a aucune obligation de réintégrer le salarié dans l'entreprise. En effet, le salarié ne bénéficie pas d'un droit à réintégration lorsque le mandat a été renouvelé ou lorsque le salarié, titulaire d'un mandat de député, est élu au Sénat, ou inversement, lorsqu'il était élu au Sénat et qu'il devient titulaire d'un mandat de député. Le contrat de travail est alors rompu.

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Bon à savoir :

Il existe cependant une exception à ce principe. Le salarié titulaire d'un mandat parlementaire a le droit à réintégration lorsque son mandat fait l'objet d'un renouvellement, dès lors que la durée de la suspension de son contrat de travail, au titre du premier mandat, a été inférieure à 5 ans.

A l'expiration du ou des mandats renouvelés, le salarié a tout de même la possibilité de solliciter sa réembauche. En effet, il bénéficie d'une priorité de ré-embauchage pendant une durée de un an, dans les emplois auxquels sa qualification lui permet de prétendre.

Il doit alors adresser à l'employeur une lettre recommandée avec avis de réception au plus tard dans les 2 mois qui suivent l'expiration de son mandat (13).

Références :
(1) Conseil d'Etat, décision du 25 janvier 1989, n°64296
(2) Article L1121-1 du Code du travail
(3) Article L1321-2-1 du Code du travail
(4) Cass. Soc, 26 octobre 2005, n°03-41796
(5) Article L3142-79 du Code du travail
(6) Article L3142-80 du Code du travail
(7) Article L3142-81 du Code du travail
(8) Article L3142-82 du Code du travail
(9) Article L3142-83 du Code du travail
(10) Article D3142-59 du Code du travail
(11) Article D3142-60 du Code du travail
(12) Article L3142-84 du Code du travail
(13) Article D3142-61 du Code du travail