Le télétravail peut-il devenir obligatoire en France ? Définition et cadre juridique

Selon sa définition légale, il désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire, en utilisant les technologies de l'information et de la communication (1). L'accord des deux parties est ainsi nécessaire pour que ce dernier puisse être mis en place.

En outre, le refus du salarié d'accepter un poste de télétravailleur n'est pas un motif de rupture du contrat de travail. Ainsi, le salarié licencié au motif qu'il refuse de faire du télétravail peut contester son licenciement devant le Conseil de prud'hommes et obtenir des indemnités.

Dans certains cas délimités, le télétravail peut toutefois être obligatoire. En effet, en cas de circonstances exceptionnelles comme en cas de menace épidémique ou en cas de force majeure, la loi permet à l'employeur d'imposer le télétravail sans avoir à recueillir l'accord du salarié (2). Il s'agit donc d'un aménagement du poste de travail permettant de concilier la nécessité de poursuite de l'activité professionnelle avec la protection de la santé des salariés.

Exemple : 

L'épidémie de la Covid-19 a été admise comme étant une circonstance exceptionnelle permettant, à l'issue, de protéger la santé des collaborateurs. En revanche, les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 n'ont pas été considérés comme tel. En effet, pour anticiper l'organisation du télétravail pour les JO 2024, il fallait l'accord du salarié pour obtenir sa mise en place.

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Qui peut faire du télétravail ? Quels sont les emplois concernés par le travail à distance ?

Il n'y a pas de métier type ou prédéterminé à la mise en place du télétravail. En effet, il suffit que le travail, qui aurait pu être exercé dans les locaux de l'entreprise, puisse l'être en dehors.

Bien entendu, toutes les activités professionnelles ne se prêtent pas au travail à distance ! Aujourd'hui, on compte plus de 8 millions d'emplois compatibles avec le télétravail, ce qui équivaut à plus de 4 emplois sur 10.

Exemple :

Un hôte de caisse ne peut pas exercer son activité en télétravail, mais un comptable peut généralement le faire.

À partir du moment où l'employeur et le salarié sont d'accord, tout salarié dont le poste de travail est compatible avec le travail à distance peut faire du télétravail, et ce, peu importe sa catégorie professionnelle (cadre, non-cadre, etc.).

En pratique, c'est l'accord collectif ou la charte instituant le télétravail dans l'entreprise (s'ils existent), qui fixent les critères à remplir pour bénéficier du télétravail au sein de l'entreprise.

À défaut d'accord collectif ou de charte instituant le télétravail, il est nécessaire d'identifier concrètement les activités ainsi que les missions pouvant être réalisées à distance. Par conséquent, cela implique de définir, non pas les métiers éligibles au télétravail, mais bien les activités qui le sont.

Certains salariés exerçant des métiers qui paraissent a priori non télétravaillables, peuvent néanmoins travailler à distance pour réaliser une partie de leur activité (la partie administrative d'une tâche par exemple).

Le télétravail est-il un droit pour le salarié ? Est-ce que l'employeur peut refuser une telle demande ?

Le télétravail n'est pas de droit pour le salarié. En effet, l'employeur a la possibilité de refuser la demande de télétravail. C'est l'application même du principe de double volontariat.

Néanmoins, dans certains cas, le refus de l'employeur pour télétravailler doit être justifié par un motif légitime lorsque la demande de recours au télétravail est formulée (1) :

  • par un salarié dont le poste est éligible au télétravail, dans les conditions prévues par l'accord collectif ou par la charte mettant en place le télétravail au sein de l'entreprise ;
  • par un travailleur handicapé, une salariée enceinte, ou un proche aidant (d'un enfant, d'un parent ou d'un proche) (3).

En pratique, la marge de manœuvre de l'employeur pour refuser le télétravail est réduite lorsqu'un salarié remplit les conditions fixées par un accord collectif ou, à défaut, une charte. C'est pourquoi, un dialogue social de qualité permet de sécuriser le recours au télétravail dans l'entreprise.

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Quelles sont les obligations de l'employeur en matière d'information des salariés sur le télétravail ?

Une fois accepté, le télétravail va générer des obligations à la charge de l'employeur.

L'employeur informe par exemple le salarié, de toute restriction d'usage d'équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique. L'information doit prévenir l'utilisateur des sanctions encourues en cas de non-respect de ces restrictions.

Il doit également organiser un entretien annuel d'évaluation pour échanger sur les conditions d'activité et la charge de travail du salarié (4)

Quels sont les droits des télétravailleurs en matière de formation ?

Les salariés en télétravail ont le même accès à la formation et aux possibilités de déroulement de carrière que s’ils n’étaient pas en télétravail (1).

Les salariés en télétravail de manière régulière reçoivent, en outre, une formation professionnelle continue. Elle est ciblée sur les équipements techniques à leur disposition ainsi que sur les caractéristiques de cette forme d’organisation du travail.

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Quels sont les équipements/le matériel que l'employeur doit fournir pour le télétravail ?

Lorsque le télétravail s’exerce à domicile, l’employeur doit fournir, installer et entretenir les équipements nécessaires au télétravail. Les installations électriques et les lieux de travail du salarié doivent être conformes et respecter les normes de sécurité et de santé au travail.

Si, exceptionnellement, le télétravailleur utilise son propre équipement, l’employeur en assure l’adaptation et l’entretien.

Quelles sont les obligations de l'employeur en matière de santé et de sécurité des télétravailleurs ?

L'employeur est responsable de la protection de la santé ainsi que de la sécurité de ses salariés. Plus précisément, selon le Code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (5).

Naturellement, l'employeur n’est donc pas exonéré de ses obligations au seul motif que le salarié exerce son activité en dehors des locaux de l’entreprise. 

Par conséquent, il est impératif en pratique d’adapter ces dispositions aux travailleurs en situation de télétravail. Cela concerne essentiellement l'ergonomie du mobilier, la qualité du matériel et la prévention des risques psychosociaux.

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Assurance télétravail, quelles sont les règles ?

Pour les biens professionnels mis à disposition par l'employeur

Pour les salariés, les biens confiés par l'entreprise (ordinateur, casque, écran, imprimante, etc.) sont généralement couverts par l'assurance multirisque professionnelle souscrite par l'employeur. Le salarié n'a donc pas à souscrire d'assurance pour ces éléments, celle de l'entreprise couvre les dommages.

Pour les biens personnels et le logement des salariés

Pour tous les biens personnels des salariés (s'ils utilisent leur ordinateur personnel, leur bureau, etc.), ils doivent vérifier si leur assurance habitation prend en charge les dommages survenus sur leurs biens personnels.

Pour le savoir, il leur est recommandé de contacter leur assurance pour vérifier les garanties qu'offre celle-ci et, si besoin, souscrire une extension de garantie. Si tel n'est pas le cas, toute dégradation de leurs biens personnels, même s'ils sont utilisés dans le cadre du télétravail, ne sera pas couverte.

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Bon à savoir :

L'employeur est en droit de demander au salarié une attestation d'assurance pour le télétravail.

Comment l'employeur doit-il protéger les données utilisées par les télétravailleurs ?

L'employeur a une obligation de protection des données personnelles utilisées et traitées par ses salariés, y compris le télétravailleur (6)

C’est sur l'employeur que repose la responsabilité de mise en œuvre de mesures techniques et organisationnelles pour s’assurer que les traitements soient conformes au Règlement général de protection des données (RGPD).

Au final, cette obligation s'applique que le télétravailleur utilise le matériel de l'employeur ou son propre matériel.

L'employeur peut-il surveiller l'activité des télétravailleurs ?

Même en télétravail, l’employeur a la possibilité de contrôler l’activité de ses salariés. En effet, l'employeur peut être considéré comme un fournisseur d'accès à Internet et doit surveiller l'utilisation de la connexion pour des raisons de sécurité.

Toutefois, il a l'obligation de respecter certains grands principes comme :

  • informer préalablement les salariés des conditions de télétravail : ces informations doivent porter sur les modalités de contrôle du temps de travail des salariés et de la charge de travail (vérification des temps de connexion au logiciel de l’entreprise, site web ou logiciel de déclaration des temps par le salarié, etc.), les modalités de contrôle de la bonne réalisation des objectifs (vérification des mails professionnels, reporting, critères de résultats à respecter, questionnaires de satisfaction auprès des clients, etc.), les horaires durant lesquels l’employeur peut contacter le salarié en télétravail, les possibles restrictions d’usage des outils de communication électronique et les peines encourues ;
  • consulter et informer le Comité social et économique (CSE d'entreprise) des modalités de contrôle des télétravailleurs.

En effet, le respect des libertés individuelles fondamentales, telles que le droit au respect de la vie privée ou le secret des correspondances, ne permet pas une surveillance du télétravail constante et permanente (1).

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Bon à savoir :

Les "keyloggers" qui permettent d'enregistrer à distance toutes les actions accomplies sur un ordinateur sont illicites (sauf en cas de circonstances exceptionnelles liées à un fort impératif de sécurité). De même, l'employeur ne doit pas avoir un recours excessif à la webcam et aux appels téléphoniques, car cela pourrait démontrer une surveillance disproportionnée.

Quelles sont les obligations de l'employeur en matière de droit à la déconnexion des télétravailleurs ?

Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l'entreprise.

Le télétravail ne peut être pratiqué que pendant les jours et horaires habituels de travail. Autrement dit, l'employeur ne peut pas demander aux salariés de télétravailler pendant leurs congés payés et leurs temps de repos.

Ainsi, il est important de garantir le droit à la déconnexion et la distinction entre temps de travail et temps de repos (7). Les droits au temps de pause et de déjeuner restent quant à eux inchangés.

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L'employeur doit-il prendre en charge les frais liés au télétravail ?

L'employeur a l'obligation de prendre en charge les frais engagés par un salarié dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail. À ce titre, il prend donc en charge les frais occasionnés par l'exercice du télétravail (8).

Cette prise en charge peut s'effectuer sur la base des dépenses réellement engagées par le salarié et justifiées (factures à l'appui). Elle peut également s'effectuer par le versement d'une indemnité forfaitaire, souvent appelée "prime télétravail", "allocation télétravail" ou "indemnité télétravail". Elle est exonérée de cotisations et de contributions sociales pour l'employeur, dans une certaine limite.

Plus précisément, selon le barème Urssaf de l'allocation forfaitaire en 2024, l'allocation est exonérée du taux de cotisations sociales et de contributions dans la limite de 10,70 euros par journée de télétravail par semaine (soit 10,70 euros/mois si le salarié télétravail 1 jour par semaine, 21,40 euros/mois s'il télétravail 2 jours par semaine, etc). Lorsqu'une allocation est attribuée pour chaque jour de télétravail, elle est exonérée dans la limite de 2,70 euros par jour de télétravail, dans la limite de 59,40 euros par mois.

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Bon à savoir :

Les montants plafonds diffèrent selon que l'indemnité est prévue par une convention collective de branche, un accord professionnel ou interprofessionnel ou un accord de groupe.

Lorsque le télétravail ne s'effectue que sur 1 ou 2 jours par semaine, la prise en charge par l'employeur des titres d'abonnements du salarié en télétravail pour ses déplacements entre sa résidence habituelle et son lieu de travail est identique à celle d'un salarié qui est en permanence dans l'entreprise. Là aussi, cela ne s'applique qu'aux services de transports publics tels que :

  • le métro ;
  • le bus ;
  • le tramway ;
  • le train ;
  • la location de vélo.

Tickets-restaurant et télétravail, quelle est la règle ?

Comme indiqué, un salarié en télétravail a les mêmes droits que ceux exécutant leur travail dans les locaux de l'entreprise.

À ce titre, les télétravailleurs ont les mêmes avantages sociaux que les autres salariés, c'est-à-dire qu'ils ont droit aux tickets-restaurant, aux chèques vacances, etc., s'ils sont prévus dans l'entreprise.

L'employeur ne peut pas décider de la suppression des tickets-restaurant du seul fait que les salariés soient télétravailleurs.

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Quelles sont les conditions de fin du télétravail par accord entre l'employeur et le salarié ?

En principe, la fin du télétravail est une modification du contrat de travail, nécessitant l’accord des deux parties.

L’accord collectif ou la charte mettant en œuvre le télétravail, doivent prévoir les conditions de retour à une exécution du travail en présentiel.

En revanche, à la condition que cela soit accepté par le salarié, il n’est pas défendu de mettre en place une période d’adaptation, correspondant à une forme de période d’essai durant laquelle, chacune des parties peuvent mettre fin unilatéralement au télétravail.

Aussi, et toujours avec l’accord du salarié, il n’est pas interdit de prévoir un télétravail à durée limitée.

En outre, le télétravailleur est prioritaire pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles (4). L'employeur doit donc porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature.

Références :
(1) Article L1222-9 du Code du travail

(2) Article L1222-11 du Code du travail
(3) Loi n°2023-622 du 19 juillet 2023 visant à renforcer la protection des familles d'enfants atteints d'une maladie ou d'un handicap ou victimes d'un accident d'une particulière gravité
(4) Article L1222-10 du Code du travail
(5) Article 4121-1 du Code du travail
(6) Accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020 relatif à la mise en œuvre réussie du télétravail
(7) Article L2242-17 du Code du travail
(8) Cass. soc, 7 avr. 2010, n°08-44865 et Cass. soc, 14 sept. 2016, n°14-21893