Quelles sanctions en cas de harcèlement moral (amende, sanction disciplinaire) ? Le harceleur risque-t-il une peine de prison ?
En cas de harcèlement moral au sein d'une entreprise, plusieurs types de sanctions peuvent se cumuler à l'encontre de l'auteur des faits :
- sanction disciplinaire ;
- sanction civile ;
- sanction pénale.
L'employeur a 2 mois pour sanctionner le salarié fautif sauf si la faute a donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales.
À noter : les faits de discrimination à l'égard d'une victime ayant subi ou refusé de subir des faits de harcèlement moral ou d'un salarié ayant relaté de tels faits, sont également réprimés.
Sanctions du harcèlement moral en entreprise
Le salarié "harceleur" peut se voir sanctionner dans le cadre de l'entreprise ainsi que devant le conseil de prud'hommes ou le juge pénal, s'il a été saisi par la victime.
Si l'employeur ne sanctionne pas l'auteur des faits - avérés - ou n'a pas pris les mesures nécessaires permettant de protéger la victime, il peut voir sa responsabilité engagée, même s'il n'est pas directement l'auteur du harcèlement.
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Sanction disciplinaire
L'employeur doit sanctionner un salarié qui se rend coupable de harcèlement moral au travail (1). La sanction choisie doit être proportionnée à la gravité du harcèlement subi par la victime.
À savoir : lorsque son maintien dans l'entreprise est impossible parce qu'elle représente un danger pour la sécurité ou la santé du salarié victime, l'employeur peut prononcer à son encontre une mise à pied conservatoire dans l'attente d'une sanction, généralement un licenciement.
Sanction civile
L'auteur des faits de harcèlement peut être condamné à verser des dommages et intérêts à la victime, en réparation du préjudice qu'elle a subi.
Sanction pénale - prévue par le Code pénal
Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est un délit puni d'une peine :
- de 2 ans d'emprisonnement ;
- et de 30.000 euros d'amende (2).
À noter : des circonstances aggravantes peuvent augmenter la durée de la peine et le montant de l'amende.
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Sanctions de la discrimination consécutive à un harcèlement moral
Les discriminations consécutives à des actes de harcèlement moral sont, elles aussi, sanctionnées.
✖ Il est interdit de sanctionner, licencier ou de faire subir toute mesure discriminatoire à un salarié qui :
- a subi ou a refusé de subir des faits de harcèlement ;
- a relaté ou témoigné de tels agissements (3).
Si une discrimination est avérée à la suite d'un harcèlement moral, l'auteur de cette discrimination encourt :
- une peine d'1 an d'emprisonnement ;
- et 3.750 euros d'amende.
À savoir : pour prévenir et agir en cas de harcèlement, la loi met à la disposition/charge de l'employeur plusieurs moyens : obligation d'information des salariés (vous pouvez télécharger notre modèle d'affichage au sein du dossier complet), médiation, enquête interne, etc.
Jurisprudence :
La Cour de cassation s'est récemment prononcée sur l'importance de la prise de ces mesures par l'employeur. Dans cette espèce, elle a estimé que, nonobstant le défaut d'enquête interne, un employeur n'avait pas failli à son obligation de sécurité, dans la mesure où il avait pris les mesures nécessaires de nature à préserver la santé et la sécurité du salarié victime (4).
➡ À lire, sur l'enquête interne : Enquêtes pour harcèlement moral ou sexuel au travail : quelle procédure suivre ?
Dans quelles conditions un salarié ou un employeur peut-il être qualifié de "harceleur" ?
➡️ Un salarié ou un employeur peut être qualifié de "harceleur" lorsque ses actes répétés ont pour objet ou effet de dégrader les conditions de travail d'un collaborateur ; dégradation susceptible (5) :
- de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ;
- d'altérer sa santé physique ou mentale ;
- ou de compromettre son avenir professionnel.
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Qui peut être considéré comme "harceleur" : un collègue ? Un supérieur hiérarchique ?
Le harcèlement managérial
Le harcèlement est le plus souvent vertical : il s'exerce par un supérieur hiérarchique sur un salarié "subordonné" (6). C'est le cas d'un manager ou d'un chef d'équipe qui harcèle un ouvrier.
Ce type de harcèlement est aussi appelé harcèlement managérial, et résulte souvent des méthodes de gestion mises en œuvre dans l'entreprise par le supérieur (pression constante, reproches incessants, ordres et contre-ordres, etc.) (7).
La Cour de cassation considère que la pratique "d'un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés [est] de nature à caractériser un comportement rendant impossible le maintien dans l'entreprise" (8).
Le harcèlement exercé par un cadre peut donc être assimilé à une faute grave et entraîner un licenciement.
Le harcèlement horizontal
Un collègue parmi les collaborateurs peut aussi, par son comportement, être qualifié de "harceleur".
Dans cette situation, le harcèlement moral peut prendre la forme de moqueries incessantes, d'insultes régulières et répétées, réflexions déplacées, etc.
➡ Pour en savoir plus : Le harcèlement moral au travail en 12 exemples
Pour l'employeur, il convient d'être vigilant aux comportements des salariés en groupe : il a fréquemment été jugé qu'un groupe de salariés qui s'en prenait à un collaborateur isolé constituait un harcèlement.
➡ Pour en savoir plus : Mobbing ou harcèlement moral collectif au travail, qu'est-ce que c'est ?
L'employeur est tenu de prévenir de tels agissements en raison de son obligation de sécurité (9), Il peut, le cas échéant, sanctionner le salarié fautif de harcèlement sur son collègue.
➡ À lire aussi :Démarche de la Qualité de Vie et les Conditions de Travail (QVCT) : obligations et rôle de l'employeur et du CSE
Autres types de harcèlement
Cas plus rare, mais qui existe, un supérieur hiérarchique peut être reconnu victime de harcèlement par un salarié censé être soumis à son autorité hiérarchique (10).
Il apparaît nécessaire que l'auteur des faits et la victime aient une relation de travail... à considérer au sens large !
Jurisprudence :
En effet, même s'agissant d'un tiers à l'entreprise, dès lors que celui-ci fait subir à un salarié, lors de ses interventions, des faits assimilables à un du harcèlement, l'employeur peut se voir condamner pour ne pas avoir su protéger la santé et la sécurité dudit salarié (11).
Comment prouver le harcèlement moral au travail ?
Que doit faire la victime pour prouver un cas de harcèlement moral ?
En cas de harcèlement moral, la victime doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Exemples : des témoignages de collègues de travail, des attestations médicales (prises de contact avec un assistant social de l'entreprise, visites chez le médecin traitant ou le médecin du travail, certificats médicaux, etc.).
En principe, les faits doivent être multiples et répétés (12). Le harcèlement peut être caractérisé malgré une courte durée (13) ou au contraire, s'il s'étale dans le temps (14).
Que peut faire le salarié accusé pour se défendre ?
Au vu de ces éléments, il incombe au harceleur présumé de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision/son comportement était justifié(e) par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Références :
* Étude Ipsos - Baromètre sur le harcèlement au travail, édition septembre 2022
(1) Article L1152-5 du Code du travail
(2) Article 222-33-2 du Code pénal
(3) Article L1152-2 du Code du travail
(4) Cass. Soc., 12 juin 2024, n°23-13975
(5) Article L1152-1 du Code du travail et article 222-33-2 du Code pénal
(6) Cass. Soc., 9 décembre 2015, n°14-23355
(7) Cass. Soc., 10 novembre 2009, n°07-45321
(8) Cass. Soc., 14 février 2024, n° 22-14385
(9) Articles L1152-4 et L4121-2 du Code du travail ; Cass. Soc., 11 mars 2015, n°13-18603
(10) Cass. Crim., 6 décembre 2011, n°10-82266
(11) Cass. Soc., 1er mars 2011, n°09-69616
(12) Cass. Soc., 13 février 2013, n°11-25828
(13) Cass. Soc., 26 mai 2010, n°08-43152
(14) Cass. Soc., 25 septembre 2012, n°11-17987
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