I. La notion d’espace boisé classé
A) L’EBC (espace boisé classé), à ne pas confondre avec d’autres notions voisines
Il ne faut pas confondre l’EBC avec les « espaces verts protégés » (EVP), qui relèvent d’un régime juridique différent, celui des emplacements réservés (ER).
Le propriétaire d’un terrain grevé d’un EVP demeure libre de l’utiliser, à condition que l’utilisation qui en est faite soit compatible avec la destination de l’ER dont il s’agit.
Dans ces conditions, en dehors des constructions conformes à la destination de l’ER, il ne sera possible pour le propriétaire de réaliser des constructions précaires (CE, 16 mai 2011, Société LGD Développement, n° 324967 ; CE, 7 mars 2008, Commune de Barzy-sur-Marne, n° 301719).
Il reste loisible au propriétaire d’un emplacement grevé d’un EVP d’exercer son droit de délaissement en application de l’article L152-2 du code de l’urbanisme : mettre en demeure la personne publique d’acquérir le terrain.
Il ne faut enfin pas confondre l’EBC avec l’ENS (espace naturel sensible), créé par le département afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux et habitats naturels et les champs naturels d’expansion des crues.
Les ENS permettent notamment aux conseils départementaux de créer des zones de préemption (DPENS) pour répondre aux enjeux paysagers, écologiques et de prévention des risques d’inondation repérés sur ces espaces.
B) L’espace boisé classé
En application de l’article L113-1 du code de l’urbanisme, le classement en EBC peut porter sur : des espaces boisés, des bois, des forêts, des parcs à conserver, à protéger ou à créer (relevant ou non du régime forestier), qu’ils soient enclos ou non, attenant ou non à des habitations.
En outre, le classement en EBC peut même s’appliquer à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou plantations d’alignements.
Ce classement s’avère très souple. Ainsi, il a été jugé que ni le nombre restreint des arbres plantés sur une parcelle et leur faible intérêt paysager, ni la présence d'une construction sur celle-ci, ou aux abords de celle-ci, ni le fait que le terrain serait compris dans une zone urbaine ne font obstacle au classement en EBC (CAA Versailles, 26 juin 2012, n° 10VE03077).
Si l’institution d’un EBC permet de préserver les qualités naturelles d’un terrain, un tel classement fait-il complètement obstacle au caractère constructible des parcelles ?
II. Une constructibilité limitée mais pas impossible
Le Conseil d’Etat a jugé que le classement d’un terrain comme EBC n’interdisait pas de façon générale tout changement d’affectation ou d’utilisation du sol (CE, 29 décembre 1999, SNC du Capon, n° 198022).
A) Cas général : un droit à construire forcément limité
Tout d’abord, l’article L113-2 du code de l’urbanisme n’emporte pas interdiction pure et simple de construire sur une parcelle grevée d’un EBC.
En effet, le classement en EBC n’interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation des sols, que lorsque ces opérations sont de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements.
Il est donc possible de construire malgré le classement en EBC, à condition que le projet ne compromette pas la conservation et la protection des boisements présents, et sous réserve bien sûr que le règlement du PLU/PLUi, s’agissant du classement général de la parcelle, le permette.
Si la parcelle d’assiette du projet de construction est à la fois classée en zone constructible et en EBC, ces seules constations ne doivent pas automatiquement conduire à renoncer à votre projet.
Dans ces conditions, il s’agira alors de démontrer que le projet, et notamment l’impact des travaux, ne sera pas de nature à compromettre la conservation et la protection des boisements classés (CE, 31 mars 2010, Ven c/ Commune de Martigues, n° 310774).
A titre d’exemple, il a été jugé qu’un projet de construction ne compromettait pas la conservation ou la protection des boisements dès lors que les travaux se situaient dans la partie non boisée de l’EBC et que les travaux d’enfouissement des canalisations ne portaient pas atteinte aux boisements (CAA Bordeaux, 30 juin 2011, Commune de Mérignac n° 10BX03047).
Il a également été jugé qu’un projet de d’implantation de préaux et de dix boxes pour chevaux et ânes pendant la période hivernale, dont la structure est légère et en bois, était compatible avec l’EBC (CAA Bordeaux, 20 mars 2014, n° 12BX00887).
A noter que les PLU ou PLUi peuvent imposer le respect de prescriptions dans le cadre d’un projet de construction sur une parcelle classée en EBC, comme par exemple l’obligation de remplacer les arbres abattus par des plantations équivalentes.
A l’inverse, un permis de construire a pu légalement être refusé s’agissant d’un projet de maison d’habitation dans un EBC vierge, malgré le fait que le projet n’entraîne aucune coupe ou abattage d’arbres, car la construction constitue, en l’espèce, un changement d’affectation de nature à compromettre la conservation, la protection ou, en l’occurrence, la création d’un boisement (CAA Marseille, 5 mars 2010, n° 07MA05088).
Il en va de même pour la construction d’un bâtiment de 200 mètres carrés (CAA Nancy, 14 décembre 2021, n° 19NC02536).
Quid de la réalisation d’une piscine ?
La réalisation d’une piscine demeure envisageable, d’une part si le zonage le permet et, d’autre part, si le projet de piscine, eu égard à sa nature et à ses dimensions, n’est pas de nature à compromettre la conservation ou protection des boisements de la parcelle. L’installation d’une piscine pourra donc être validée si sa réalisation n’emporte aucune suppression d’arbres ou de boisements.
Pour exemple éloquent, il a récemment était jugé que la construction d’une maison, ainsi que d’une piscine, créant une surface de plancher de 126 mètres carrés en EBC était illégale.
Force est de constater qu’un tel projet, objectivement, constitue un changement d'affectation du sol de nature à compromettre la protection et la conservation de l’EBC (TA Nice, 11 mai 2023, n° 2202210).
Et au stade de la division foncière ?
Quand bien même le projet ne consiste d’abord qu’en une division foncière en vue de construire, le juge administratif se projette pour apprécier l’atteinte portée à l’EBC, par anticipation.
En effet, il a récemment été jugé que :
« (…) même si le projet de construction n'est pas précisément défini au stade de la déclaration préalable, l'implantation d'une construction et de ses espaces d'accès et de stationnement conduira nécessairement à un changement d'affectation du sol de nature à compromettre la protection, la conservation ou la création des boisements. » (TA Bordeaux, 5 juillet 2023, n° 2103305)
B) Cas particulier : l’autorisation de construire en contrepartie de la cession à titre gratuit de la majorité de la parcelle classée
L’article L113-3, 2° du code de l’urbanisme offre une occasion particulière de construire sur une parcelle classée en EBC.
En effet, une autorisation d’urbanisme peut être accordée au propriétaire d’une parcelle classée en EBC pour construire sur un maximum de 10% de la surface totale de la parcelle, en échange de la cession à une personne publique de la surface restante.
Cette mesure de compensation implique une cession à titre gratuit. La cession se matérialise par un décret qui désigne la personne publique bénéficiaire de la cession du terrain et qui délimite la partie sur laquelle portera l’autorisation de construire.
D’ailleurs, cette partie sera déclassée : elle perdra son classement en EBC, ce qui permettra, de droit, au propriétaire de construire (Article R. 113-9 du code de l’urbanisme).
Il faut garder à l’esprit que la personne publique demeure libre d’acquérir ou non la surface restante de la parcelle (Article L113-4 du code de l’urbanisme et CE, 17 mars 1995, Laugier, n° 123386).
De même, il n’est possible de recourir à cette option que si la dernière acquisition de la parcelle classée en EBC a été faite, à date certaine, depuis au moins cinq ans.
La demande devra être adressée au préfet qui l’instruira et l’autorisation d’urbanisme sollicitée sera délivrée par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'urbanisme, du ministre de l'intérieur et du ministre de l'agriculture (Articles R113-3 à R113-13 du code de l’urbanisme).
III. Conclusions pratiques
En pratique, si vous avez un projet de construction :
1. Vous devez d’abord regarder dans le plan de zonage du PLU ou du PLUi si la parcelle d’assiette de votre projet est une parcelle constructible ;
2. Vous devez ensuite regarder dans le plan de zonage si la parcelle en question est classée, ou non, en EBC ;
3. Vous devez démontrer que votre projet (et notamment l’impact des travaux) ne sera pas de nature à compromettre la conservation et la protection des boisements présents sur la parcelle ;
4. En cas de difficultés, vous pouvez céder jusqu’à 90% de la parcelle classée en EBC afin d’obtenir une autorisation de construire sur les 10% maximum restants.
Dossier complet répondant à mes questions