Sur qui pèse l'obligation d'enquête interne en cas de harcèlement dans l'entreprise : le CSE ou l'employeur ?
L'employeur : acteur prioritaire de l'enquête
Lorsqu'un employeur a connaissance d'une situation de harcèlement dans son entreprise, qu'il s'agisse de faits de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel, il doit procéder sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du CSE et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation (1).
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À défaut, il manque à son obligation de sécurité.
À noter : pour prévenir toute forme de harcèlement, l'employeur a une obligation d'information à l'égard des salariés, à laquelle il peut répondre par voie d'affichage.
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Comment mener une enquête pour harcèlement au travail ?
L'enquête doit permettre à l'employeur d'établir les faits allégués en recueillant le témoignage de la victime présumée, mais aussi de toute personne impliquée directement ou indirectement dans l'affaire (témoins, autres salariés, responsables hiérarchiques, médecin du travail...) afin de pouvoir caractériser l'existence ou non de faits de harcèlement moral/sexuel ou de comportements sexistes.
Objectifs ? Prendre les mesures de protection à l'égard de la victime présumée et sanctionner le salarié fautif, le cas échéant.
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En cas de litige relatif à des faits de harcèlement moral ou sexuel, vous devez être en mesure de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, le collaborateur mis en cause doit prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement moral ou sexuel et que sa décision/son comportement était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Quel est le rôle du CSE en cas de faits de harcèlement psychologique ou sexuel ?
Droit d'alerte
Le rôle du CSE en matière de harcèlement moral ou sexuel en entreprise occupe une place importante.
Il est habilité à recueillir les dires du salarié qui s'estime victime de harcèlement.
À savoir : un référent harcèlement sexuel CSE doit être désigné parmi ses membres. Il est l'interlocuteur privilégié des salariés, lorsqu'une situation de harcèlement se présente dans l'entreprise.
Une fois instauré un climat de confiance et de sécurité avec la victime, il convient, pour le représentant du personnel ayant connaissance des faits, d'en informer son instance (CSE ou CSSCT), et de saisir immédiatement l'employeur : il doit faire usage de son droit d'alerte (2).
L'exercice de ce droit d'alerte déclenche l'obligation, pour l'employeur, de procéder à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du CSE afin de faire la lumière sur les faits incriminés, protéger la victime et faire cesser les agissements relevant du harcèlement moral ou sexuel.
Jurisprudence : La Cour de cassation s'est toutefois récemment prononcée sur l'importance de la prise de ces mesures par l'employeur. Dans cette espèce, elle a estimé que, nonobstant le défaut d'enquête interne, un employeur n'avait pas failli à son obligation de sécurité, dans la mesure où il avait pris les mesures nécessaires de nature à préserver la santé et la sécurité du salarié victime (3).
Possibilité de saisine du CPH
En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité du harcèlement, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié ou le membre de la délégation du personnel au CSE - si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas - saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la procédure accélérée au fond (4).
Le juge peut ordonner toutes mesures pour faire cesser les faits de harcèlement et assortir sa décision d'une astreinte.
➡ À lire aussi : Litige devant le conseil des prud'hommes (CPH) : pouvez-vous utiliser un élément de preuve déloyal ?
Comment se déroule une enquête pour harcèlement moral ou sexuel ?
Dès lors que des accusations de harcèlement ont été remontées à l'employeur, celui-ci doit déclencher une enquête interne, sans délai, afin de protéger la victime, même si les accusations se révèlent par la suite être infondées.
Le Code du travail ne fixe pas les modalités de l'enquête interne et n'impose aucune procédure à respecter.
L'employeur doit toutefois s'assurer tout au long du déroulement de l'enquête :
- que la confidentialité des échanges est garantie ;
- que l'audition des personnes concernées se fait de manière individuelle ;
- que les conditions dans lesquelles se déroulent les entretiens ne sont pas intimidantes, mais permettent au contraire une liberté de parole ;
- de recueillir des attestations détaillées sur les faits incriminés ;
- de rester impartial et neutre ;
- de procéder avec discrétion et délicatesse afin de protéger la dignité et la vie privée de l'ensemble des personnes impliquées ;
- de rédiger un compte-rendu détaillé et uniquement factuel de chaque entretien, noter la date, l'heure de début et de fin de chaque entretien.
L'inspection du travail ou le médecin du travail ont-ils un rôle à jouer ?
L'employeur ne doit pas hésiter, au cours de la procédure, à s'entourer de divers interlocuteurs.
L'inspection du travail peut aider l'entreprise à trouver des solutions afin d'éviter que des faits de harcèlement au travail ne se produisent de nouveau, dans le cadre de son obligation de prévention des risques professionnels.
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Les services de prévention et de santé au travail peuvent délivrer des préconisations afin d'accompagner l'entreprise dans la mise en place d'actions permettant de protéger la santé physique et mentale du salarié harcelé.
Quelles sont les obligations de l'employeur en attendant les conclusions de l'enquête ?
Comment réagir à la suite de l'enquête pour harcèlement ? Quelles mesures prendre à l'encontre du salarié accusé de harcèlement ?
En attendant les conclusions de l'enquête interne, l'employeur doit protéger le salarié qui s'estime victime des agissements de harcèlement.
À ce titre, il peut prononcer la mise à pied conservatoire du salarié mis en cause. C'est une mesure préventive qui permet d'éloigner celui-ci en attendant qu'une sanction disciplinaire soit prise à son encontre.
Si les faits de harcèlement sont avérés, l'employeur peut alors prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre du harceleur, généralement un licenciement.
➡ À lire, sur ce point : Quel délai avez-vous pour prononcer une sanction disciplinaire pour sanctionner un salarié ?
À savoir : le délai de prescription qui s'applique pour sanctionner un salarié fautif est, en principe, de 2 mois à compter du jour où il en a eu connaissance (6).
Cependant, lorsqu'une enquête interne est diligentée, le point de départ du délai de prescription est reporté. En effet, il commence à courir à compter des résultats de l'enquête (remise du rapport d'enquête) (7).
Harcèlement au travail : quelle protection pour le salarié victime ?
La loi protège le salarié victime de faits de harcèlement de toute sanction - notamment de toute rupture de son contrat de travail - et de toute discrimination.
Elle prévoit en effet que toute personne licenciée pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou ayant, de bonne foi, relaté ou témoigné de tels agissements, peut obtenir la nullité de son licenciement (8).
Jusqu’à présent, le juge social exigeait que le salarié qui souhaitait se prévaloir de la nullité de son licenciement pour ce motif ait, au préalable, dénoncé les faits en question en les qualifiant expressément de "harcèlement moral". En d'autres termes, il était nécessaire, pour le salarié qui demandait la nullité de son licenciement, d'avoir utilisé le terme de "harcèlement" au moment où il avait dénoncé les faits (9).
Jurisprudence :
👨⚖️ Le juge a récemment assoupli sa position. Il a en effet précisé que le salarié qui dénonçait des faits de harcèlement moral ne pouvait être licencié pour ce motif, et ce, même s'il n'avait pas qualifié lesdits faits de "harcèlement moral" lors de leur dénonciation. La seule exception à cette règle : la mauvaise foi du salarié, c'est-à-dire l’hypothèse dans laquelle il a connaissance de la fausseté des faits qu’il dénonce (10).
Attention, le juge précise toutefois que cette immunité ne vaut que dans l'hypothèse où l'employeur ne pouvait légitimement ignorer que le salarié dénonçait bien des agissements de harcèlement à la lecture de l'écrit que celui-ci lui avait adressé, et qui avait motivé son licenciement.
(1) Articles L4121-1, L1152-4 et L1153-5 du Code du travail et Cass. Soc., 1er juin 2022, n°20-22058
(2) Articles L2312-9 du Code du travail
(3) Cass. Soc., 12 juin 2024, n°23-13975
(4) Article L2312-59 du Code du travail
(5) Cass. Soc., 17 mars 2021, n°18-25597
(6) Article L1332-4 du Code du travail
(7) Cass. Soc., 10 juillet 2001, n°98-46180
(8) Articles L1152-2 et L1152-3 du Code du travail
(9) Cass. Soc., 13 septembre 2017, n°15-23045
(10) Cass. Soc., 19 avril 2023, n°21-21053
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