Forfait-jours : quelle indemnisation en cas de nullité ?
Deux de ces arrêts visaient l’application d’un régime de temps de travail en convention de forfait en jours.
La Cour rappelle que, lorsque l’employeur ne respecte pas les stipulations d’un accord collectif ayant pour objet d’assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ou de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d’effet (arrêt n° 24-10.452) et que la convention de forfait en jours est nulle, lorsqu’elle a été souscrite en application d’un accord collectif dont les dispositions ne sont pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition dans le temps du travail de l’intéressé (arrêt n° 23-19.669).
Dans ces deux affaires, les salariés relevaient que la nullité ou la privation d’effet de la convention de forfait jour générait nécessairement pour eux un préjudice, dont l’indemnisation devait être automatiquement décidée par le juge du fond.
La Cour de cassation n’a pas validé ce raisonnement mais a au contraire, jugé :
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Que le manquement de l’employeur ayant abouti à priver d’effet la convention de forfait-jours n’ouvrait pas à lui seul droit à réparation, en l’absence de toute démonstration par le salarié d’un préjudice distinct qui résulterait pour lui de cette situation (arrêt n° 24-10.452) ;
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Et qu’à lui seul, le manquement résultant de la nullité de la convention de forfait en jours n’entraînait pas non plus pour le salarié un préjudice distinct de celui qui était réparé par l’octroi du rappel d’heures supplémentaires qu’il avait sollicité (arrêt n° 23-19.669).
Droit aux congés payés : une réparation conditionnée
L’arrêt n° 23-16.415 visait la situation d’une salariée qui avait été empêchée de prendre ses congés payés de l’année 2016. Elle prétendait que le seul constat du non-respect par l’employeur de ses droits à congés payés ouvrait droit à réparation. La Cour d’appel avait débouté la salariée de sa demande indemnitaire, au motif qu’elle ne précisait pas le préjudice résultant de la privation de son droit à congé payé.
La Cour de cassation approuve cette décision, considérant que la Cour d’appel avait souverainement estimé que la salariée ne démontrait pas l’existence d’un préjudice résultant du défaut de prise de congés payés.
Travail de nuit et suivi médical : quelles obligations pour l’employeur ?
Enfin, l’arrêt n° 21-23.557 visait la situation d’un salarié, travailleur de nuit, qui considérait que l’absence de suivi médical renforcé constituait de la part de son employeur un manquement aux dispositions protectrices afférentes au travail de nuit, dont il sollicitait réparation.
Pour sa part, la Cour de cassation rappelle que, si la méconnaissance des dispositions relatives au travail de nuit expose l’employeur à une amende pénale pour les contraventions de 5e classe, le manquement de l’employeur à son obligation de suivi médical du travailleur de nuit n’ouvre pas à lui seul un droit à réparation : le salarié ne démontrant pas la réalité et la consistance du préjudice qu’il invoque ne peut en obtenir la réparation intégrale.
Préjudice nécessaire : l’évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation
Par ces quatre arrêts rendus le même jour, la Cour de cassation poursuit la construction de sa jurisprudence quant au préjudice nécessaire. En outre, en les publiant à son Bulletin d’information bimensuel, la Cour de cassation a estimé qu’ils devaient être rapidement portés à la connaissance des juges du fond.
Les employeurs saisis de telles demandes d’indemnisations de préjudices doivent donc particulièrement veiller à parfaire leur argumentation en défense en s’emparant des principes ainsi posés en la matière par la Cour de cassation.
Références :
Cass. Soc 13/04/2016, n° 14-28.293
Arrêts FS-B n° 24-10452, 23-16415, 23-19669 et 21-23557
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