Infraction délictuelle rare, la tenue d'une maison de jeu de hasard où le public est librement admis fait encourir 3 ans d'emprisonnement et 90 000 euros à son auteur, et 7 ans et 200 000 euros si c'est en bande organisée, selon les dispositions de l'article L324-1 du Code de sécurité intérieure. Dans notre affaire, trois personnes étaient prévenues de l'infraction pour avoir publié une invitation sur Snapchat.
Trois jeunes organisaient des parties de Poker payantes dans différents lieux de réception du département de l'Hérault. L'un d'eux avait publié une invitation sur Snapchat, en précisant les mises de départ.
A la suite d'un renseignement anonyme - en réalité, d'une indiscrétion d'un policier, mais puisque la chambre criminelle a validé ce procédé sournois et mensonger, on fera comme si de rien n'était - une enquête préliminaire a été dirigée par le Parquet de Montpellier.
C'est dans cette circonstance que deux d'entre eux ont été poursuivis pour organisation et participation à la "tenue d'une maison de jeu de hasard où le public est librement admis", et pour "réalisation d'opérations de jeux d'argent et de hasard prohibés" pour le dernier, infractions délictuelles punies et réprimées par les dispositions de l'article L324-1 du Code de sécurité intérieur.
Le poker est-il un jeu de hasard prohibé ?
Ce sont les dispositions de l'article L320-1 du Code de sécurité intérieure qui définissent ce qu'est un jeu d'argent et de hasard prohibé :
- Il s'agit d'une opération offerte au public
- Il doit faire naître l'espérance d'un gain
- Ce gain serait dû, même partiellement, au hasard
- Il est exigé des participants un sacrifice financier, peu important un éventuel remboursement
Ces 4 éléments sont donc les éléments constitutifs de l'infraction.
En l'espèce, jouant à la version Texas Hold'em, les participants d'un jeu de poker recevaient deux cartes dont les faces étaient cachées aux autres participants, et 3 cartes faces visibles étaient posées sur la table.
Dans certaines pratiques, une carte est "brûlée", c'est à dire remisée directement de la pioche à la défausse, face cachée à l'ensemble des participants, avant la pose de la 4ème et de la 5ème cartes faces visibles sur la table.
De sorte que les participants ne connaissent ni les cartes des adversaires, ni celles qui ont été brûlées où qui figurent encore dans la pioche.
Le poker est donc incontestablement un jeu de hasard.
Reste alors aux joueurs de miser sur les probabilités pour évaluer la valeur de leur combinaison, en fonction des cartes tenues en main face cachées, et des 5 cartes posées sur la table, faces visibles, pour miser et parier de l'argent. La meilleure combinaison remportant les gains misés.
L'organisation d'un jeu de poker devient-il une infraction lorsqu'il est payant ?
En l'espèce, il était reproché aux participants d'avoir proposé une partie de poker avec des mises de plusieurs centaines d'euros, et d'y avoir participé.
Les joueurs consentaient donc un sacrifice financier, bien entendu, dans l'espoir d'emporter le pot (sa propre mise et celle des autres joueurs).
Toutefois, la seule existence d'un sacrifice financier, et l'espoir d'un gain, ne suffisent pas à caractériser l'infraction.
Les autres éléments devaient également être démontrés par le parquet.
Et après avoir observé l'existence d'un jeu de hasard, l'espoir d'un gain, et l'existence d'un sacrifice financier, il restait à démontrer la publicité.
Pas de publicité, pas d'infraction
Et c'est seulement au cours de l'enquête, en fouillant le téléphone portable d'un participant, que les enquêteurs ont découvert une publication sur Snapchat, dans laquelle un des participant a publié une image proposant une partie de poker, avec une mise minimale.
Le ministère public en a déduit qu'il s'agissait d'une opération offerte au public.
Les faits que le grand père d'un des prévenus ait fait carrière dans le grand banditisme, et que ce dernier a lui-même un casier judicaire portant mentions de plusieurs infractions n'étaient pas étranger à la décision de poursuivre.
Seulement, voilà : le parquet n'a pas fait la démonstration que le compte Snapchat visé était ouvert au public, ni si ce fût le cas, que le nombre de followers (de personnes qui suivent ce compte) laissait supposer une offre au public.
Par ailleurs, tous les participants au jeu de poker interrogés par les enquêteurs se connaissaient les uns les autres.
Exit, donc, le critère de publicité.
Un jugement de relaxe évident
C'est dans ces conditions que les trois participants ont été relaxés par le Tribunal correctionnel de Montpellier (TJ Montpellier, 28 mars 2023, Minute : 2023/1003). Le critère de publicité, élément constitutif de l'infraction, n'était pas démontrée par le parquet.
Le cabinet JTF Avocat est à votre disposition pour vous défendre, vous aussi, devant les juridictions pénales.
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