Démission et rétractation : plusieurs situations sont possibles
La démission est l'acte par lequel un salarié manifeste, de façon claire et non équivoque, sa volonté de rompre son contrat de travail (1).
Il peut néanmoins arriver que le salarié revienne sur sa décision de démission et souhaite réintégrer votre entreprise.
Dans une telle hypothèse, 2 cas de figure sont à distinguer :
- soit la démission est claire et non équivoque, auquel cas, vous êtes libre d'accepter ou de refuser que votre salarié se rétracte de celle-ci ;
- soit la démission est équivoque et ambiguë, auquel cas, il convient de faire preuve de prudence, notamment en vue d'anticiper toute action éventuelle du salarié devant le conseil de prud'hommes.
Situation 1 : la démission est claire et non équivoque
Vous pouvez refuser d'annuler la démission de votre salarié, à la condition toutefois de vous assurer que sa démission a bien été donnée de façon libre, claire et non équivoque.
Qu'est-ce qu'une démission claire et non équivoque ?
La démission est claire et non équivoque dès lors que le salarié l'a donnée expressément, sans réserve, sans être sous l'emprise de la colère, de l'émotion ou d'un quelconque trouble psychique, et qu'il n'existe aucun litige entre vous.
À titre d'exemple, il a été jugé que la démission d'un cadre procédait d'une volonté claire et équivoque, dès lors :
- que le salarié démissionnaire, par sa fonction, avait été à même d'apprécier la portée de sa démission ;
- qu'il avait en outre bénéficié d'un temps de réflexion de 5 jours, au cours duquel il avait eu tout loisir de prendre conseil ;
- que, la lettre de démission était exempte de contestations ou griefs ;
- que le salarié avait attendu 5 semaines pour se rétracter (2).
Dans une telle hypothèse, vous êtes libre d'accepter la rétractation de votre salarié démissionnaire, ou de la refuser.
Si vous acceptez sa réintégration, vous devrez vous mettre d'accord avec lui pour vous entendre sur ses modalités de reprise du travail.
À ce sujet, les juges ont pu considérer que l'employeur et le salarié s'étaient entendus pour convenir que la démission était sans effet dès lors que le salarié avait continué, plusieurs mois après sa démission et avec l'assentiment de son employeur, à travailler pour le compte de l'entreprise (3).
En revanche, si le salarié est décidé, il vous est interdit de refuser la démission de votre salarié.
Votre salarié peut-il contester sur sa démission pendant le délai de préavis ?
Non, il n'existe aucun délai qui permette au salarié de revenir sur sa décision de démissionner.
Si la démission a été claire et non équivoque, vous êtes libre d'accepter ou non de réintégrer votre salarié dans l'entreprise, peu importe le délai dans lequel il s'est rétracté.
Situation 2 : la démission est ambiguë et équivoque
À l'inverse, si la lettre de démission indique que le salarié démissionne en raison de faits qu'il vous reproche, ou s'il n'a pas expressément démissionné (par exemple, il semble avoir abandonné son poste, mais ne vous a pas parlé de démission), la démission peut ne pas être considérée comme claire et non équivoque.
Dans un tel cas de figure, il peut vous être recommandé d'accepter la rétractation du salarié démissionnaire, et ce, afin d'éviter toute contestation ultérieure de la validité de sa démission devant le juge.
Quels sont les recours possibles du salarié après que vous avez refusé d'annuler sa démission ?
Si la démission du salarié était claire et non équivoque et que vous refusez d'accepter sa rétractation, celui-ci n'a pas réellement de moyen d'agir.
En revanche, si sa démission était ambiguë ou équivoque, le salarié dont la rétractation a été refusée peut décider d'entamer une procédure devant le CPH :
- pour que sa démission soit annulée ;
- pour faire requalifier sa démission en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et obtenir ainsi des indemnités.
À titre d'exemple, il a été jugé que le salarié ayant rédigé sa démission dans un état dépressif et psychotique n'était pas en mesure d'établir sa volonté avec clarté. Dans une telle hypothèse, l'employeur devait accepter la rétractation du salarié (4).
De même, si le salarié démissionne parce que sa rémunération variable ne lui a pas été versée, la volonté claire et non équivoque de démissionner du salarié en question n'était pas établie. Sa démission peut être requalifiée en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur, et produit dans ce cas les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse (5).
(1) Cass. Soc. 9 juillet 2007, n°05-42301
(2) Cass. Soc. 25 mai 2011, n°09-68224
(3) Cass. Soc. 28 mars 2006, n°04-42228
(4) Cass. Soc. 2 juillet 2008, n°07-40942
(5) Cass. Soc. 25 mai 2011, n°09-66671
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