La Cour de cassation, dans un arrêt du 1er juin 2023 (n°21-23.438), confirme expressément que le fait de subir un harcèlement moral caractérise un préjudice distinct de celui tiré de la nullité du licenciement, et ce même lorsque la nullité de ce licenciement trouve sa cause dans le harcèlement moral subi.
La solution n’est pas nouvelle. Déjà dans un arrêt du 2 février 2017 (n° 15-26.892), la chambre sociale l’avait jugé, considérant qu’un cumul était possible entre les dommages-intérêts pour licenciement nul et préjudice moral.
La Cour de Basse-Terre propose une autre lecture
Si de nombreuses cours d’appel avaient semblé se rallier à cette jurisprudence, la Cour d’appel de Basse-Terre en l’espèce n’avait pas fait application de ce principe, considérant que le requérant « est fondé à obtenir une indemnité du préjudice résultant du licenciement nul, indemnité se confondant avec celle réclamée au titre du harcèlement moral. Dès lors, le salarié ne saurait obtenir deux indemnités, l’une pour harcèlement moral, et l’autre pour licenciement nul ».
Le principe de réparation intégrale impose en effet de réparer l’ensemble des préjudices d’une victime, mais de n’indemniser rien que ces préjudices, un même préjudice ne pouvant être indemnisé qu’une seule fois et ne pouvant donner droit à une seconde réparation. En présence de deux préjudices distincts, la responsabilité civile permet le cumul d’indemnisation.
Ainsi, dans l’arrêt du 1er juin, la Cour de cassation rappelle que le préjudice tiré du harcèlement subi est bien distinct de celui tiré de la nullité du licenciement, de sorte que chacun de ces préjudices doit faire l’objet d’une réparation distincte.
Confirmant sa position précédente, elle censure donc l’arrêt de la Cour d’appel de Basse-Terre.
De nombreuses jurisprudences en faveur d'indemnisations distinctes
Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence antérieure rendue pour l’application du principe de réparation intégrale en matière de harcèlement.
Depuis longtemps déjà, la Cour de cassation rappelle qu’« un harcèlement moral, lorsqu’il est constitué, cause nécessairement un préjudice » (Soc. 6 mai 2014, n° 12-25.253), ce indépendamment d’ailleurs du comportement de la victime (v. sur cette question, Soc. 13 juin 2019, n° 18-11.115).
Elle avait également déjà eu à statuer sur le cumul de la demande indemnitaire en raison d’un harcèlement moral avec d’autres demandes, et de l’admettre :
- pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse, jugeant que « l’octroi de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait faire obstacle à une demande distincte de dommages-intérêts pour harcèlement moral » (Soc. 19 janv. 2012, n° 10-30.483) ;
- pour un manquement par l’employeur à son obligation de sécurité et son obligation de prévention du harcèlement (Soc. 6 juin 2012, n° 10-27.; 19 nov. 2014, n° 13-17.729) ;
- en cas de discrimination, jugeant dans un attendu de principe que « les obligations résultant des articles L. 1132-1 et L. 1152-1 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d’elles, lorsqu’elle entraîne des préjudices différents, ouvre droit à des réparations spécifiques » (Soc. 3 mai 2015, n° 13-23.521) ;
- pour « les préjudices distincts résultant de la perte de l’emploi, des agissements de harcèlement moral et des sanctions disciplinaires injustifiées » (Soc. 30 nov. 2011, n° 11-10.527).
Si cette jurisprudence n’exonère pas le salarié de démontrer l’existence et l’étendue de chacun des préjudices qu’il allègue, cette nouvelle décision complète les principes de la réparation du harcèlement moral ; l’appréciation du montant de l’indemnité relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond (Soc. 29 janv. 2013, nos 11-23.743 et 11-22.867 ; 29 sept. 2014, n° 12-28.679). Si vous êtes victime de harcèlement moral au travail prenez attache auprès de notre cabinet d’avocats à Grasse et dans sa région.
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