Par deux arrêts rendus le 14 décembre 2022, la Chambre sociale avait l’occasion de mettre en voix ses exigences quant au mode de preuve des heures supplémentaires (n°21-18.139 et 21-18.036).
La CPH et Cour d'appel ont jugé uniquement les preuves des salariés
Dans les deux affaires soumises à l’étude, la juridiction prud’homale avait été saisie de demandes en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires. Il s’agissait :
- D’une animatrice en centre équestre,
- Des ayants droits d’un ingénieur d’études s’étant donné la mort sur le trajet entre son domicile et son lieu de travail.
A l’appui de sa demande, l’animatrice produisait des agendas professionnels dont elle indiquait s’être servie pour l’exercice de son activité au sein du centre équestre, avec des annotations quant aux taches qu’elle précisait avoir effectuées en journée. Elle avait également transmis des témoignages de cavaliers et d’adhérents fréquentant le centre et de décompte des heures supplémentaires hebdomadaires sur la période en litige.
Les ayants droits de l’ingénieur, quant à eux, faisaient valoir plusieurs documents :
- Tableaux de décomptes des heures supplémentaires,
- Rapport de l’inspection du travail donnant les heures de début et fin de travail du salarié et faisant état d’une amplitude journalière de travail considérable et quasi-permanente,
- Relevés de mails envoyés tardivement par le salarié sur une période donnée,
- Diverses attestations…
En appel, les juges considéraient que les pièces fournies ne contenaient pas d’éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que les salariés auraient accomplies pour permettre à l’employeur d’y répondre en fournissant ses propres éléments.
Tel n’est pas l’avis de la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui accueille chacun des pourvois. Au contraire de la Cour d’Appel, la Haute juridiction estime que les demandeurs « présentaient des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre ». En raisonnant comme elle l’avait fait, la Cour d’appel avait injustement fait peser la charge de la preuve sur le salarié seulement.
Ainsi, s’agissant de la salariée engagée en qualité d’ « enseignant- animateur » ; les juges d’appel estimaient qu’aucune crédibilité ne pouvait être accordée aux agendas et que les tableaux récapitulatifs établis par l’intéressée étaient dénués de toute valeur probante. De plus, les attestations communiquées étaient trop générales dans leur contenu et sans indications exploitables relativement aux dépassements d’horaires allégués.
Concernant l’ingénieur d’études, la Cour d’Appel avait jugé que le tableau de décompte des heures supplémentaires produit était insuffisant en ce qu’il se contentait d’affirmer, semaine après semaine, que le salarié travaillait systématiquement 56h25, sans mentionner les heures accomplies. De plus, ses attestations indiquant que le salarié travaillait beaucoup ne permettaient pas, selon elle, de connaitre les horaires réellement effectués par celui-ci. Pas plus que le rapport de l’inspection du travail visant les heures de début et de fin de travail du salarié sur quelques jours non consécutifs puisqu’il ne s’agissait pour les juges que d’ « exemples disséminés ».
L'employeur doit verser ses preuves du décomptes des heures supplémentaires
Cependant, la charge de la preuve n’incombe pas exclusivement au salarié. Pour la Cour de Cassation, les pièces produites dans les deux cas auraient dû conduire les juges d’appel à considérer la demande de rappel d’heures supplémentaires.
De ce fait, en se référant au Code du travail et à son article L.3171-4, il est simplement attendu du salarié qu’il crée les conditions d’un débat contradictoire en fournissant des données relativement précises, exploitables et circonstanciées de nature à justifier la réalisation des heures supplémentaires revendiquées. A partir de là, l’employeur doit apporter des éléments concordants afin de contester la version donnée par le salarié.
C’est donc sur cette base, et après avoir mis en balance les preuves fournies par les parties, que le juge doit former sa conviction, et non à la lumière des seules pièces communiquées par le salarié.
Ainsi, ces deux arrêts permettent tout à la fois d’illustrer et de relativiser le degré d’attente qui pèse sur le salarié.
Une trop grande exigence à son égard, contraint de fait, le salarié à démontrer pleinement la réalisation d’heures supplémentaires et tend à minimiser les obligations de l’employeur en matière de décompte des heures supplémentaires.
À l’inverse, une position raisonnée, permet de responsabiliser l’employeur quant au suivi de la charge de travail et lui impose inévitablement une plus grande rigueur quant aux outils mis en place à cet effet.
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