1. Qu'est-ce qu'une rupture conventionnelle ? Définition
La rupture conventionnelle est une procédure qui permet à l'employeur et au salarié de rompre le contrat de travail qui les lie d'un commun accord.
Il ne s'agit ni d'un licenciement, ni d'une démission, mais d'un mode amiable de rupture du contrat de travail (1).
Conditions de validité de la rupture conventionnelle
Elle doit être conclue selon le principe de la liberté de consentement. Le consentement des parties à la rupture conventionnelle doit être libre et éclairé. Ainsi, aucune des parties ne peut contraindre l'autre à signer une convention de rupture.
La rupture conventionnelle est possible pour tout salarié de l'entreprise en contrat à durée indéterminée (CDI).
A ce titre, il est possible de conclure une rupture conventionnelle :
- avec un salarié protégé en CDI : la rupture conventionnelle avec un salarié protégé est possible mais la procédure est quelque peu différente de celle applicable avec un salarié qui n'est pas titulaire d'un mandat représentatif ;
- vec un salarié en arrêt de travail pour maladie, ou en arrêt de travail suite à un accident du travail ou à une maladie professionnelle : arrêt maladie et rupture conventionnelle sont effectivement compatibles ;
- avec un fonctionnaire : en effet, la rupture conventionnelle dans la fonction publique est également possible.
Cas dans lesquels la rupture conventionnelle n'est pas autorisée (CDD, PSE, GPEC)
La rupture conventionnelle d'un CDD n'est pas possible.
Elle ne doit pas non plus avoir pour vocation :
- d'éviter à l'employeur d'engager des procédures de licenciement économique prévues dans le cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ;
- de contourner ces dispositifs tels que des accords portant gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), visant à anticiper les évolutions d'emploi dans l'entreprise.
2. Quelles sont les obligatoires légales de l'employeur en matière de rupture conventionnelle ?
Lorsque l'employeur souhaite avoir recours à une rupture conventionnelle pour mettre fin au contrat de travail de l'un de ses salariés, plusieurs obligations légales lui incombent :
- convoquer le salarié à un entretien de rupture conventionnelle (ou plusieurs si nécessaire) et informer le salarié qu'il peut, dans le cadre de cet entretien, se faire assister ;
- recevoir le salarié en entretien de rupture conventionnelle afin de négocier les modalités de la rupture (date de fin de contrat, montant de l'indemnité de rupture conventionnelle...) ;
- recueillir la signature du salarié tout en veillant à ce que le consentement de ce dernier ne soit pas vicié ;
- respecter le délai de rétractation accordé aux parties ;
- faire une demande d'homologation auprès de la Dreets (ou d'autorisation s'il s'agit d'un salarié protégé), tout en respectant là encore les délais légaux ;
- verser au salarié une indemnité de rupture conventionnelle ainsi que le dernier salaire, une éventuelle indemnité de congés payés, etc ;
- transmettre au salarié les documents de fin de contrat.
Tout au long de cette actualité, nous revenons davantage dans le détail, sur toutes les obligations qui incombent à l'employeur qui met en place une procédure de rupture conventionnelle.
3. Comment faire une demande de rupture conventionnelle ? Que dit le Code du travail ?
Aucun formalisme requis
Le Code du travail ne prévoit aucun formalisme pour demander une rupture conventionnelle à son employeur ou pour proposer une convention de rupture au salarié.
Possibilité de proposer une rupture conventionnelle par courrier
La demande de rupture conventionnelle peut être faite par écrit.
Employeur comme salarié peuvent rédiger une lettre de demande de rupture conventionnelle à envoyer en courrier recommandé avec accusé de réception ou la remettre en main propre contre décharge à l'autre partie, ou encore, adresser un mail avec accusé de réception.
Par le biais de cette lettre, l'une des parties va ainsi pouvoir solliciter un entretien auprès de l'autre partie, au cours duquel elle pourra l'informer de son souhait de négocier une rupture conventionnelle afin de mettre un terme au contrat de travail.
Cet entretien n'aura pas forcément pour objet de définir immédiatement les conditions de la rupture. Pour cela, plusieurs entretiens peuvent être nécessaires. Si tel est le cas, ce premier entretien permettra alors de présenter à l'autre partie, les raisons qui poussent celle à l'initiative de la demande à solliciter une rupture conventionnelle et les avantages que l'autre partie a, à accepter cette demande.
Il est donc important de bien préparer cette entrevue et de garder à l'esprit que l'entretien de rupture conventionnelle doit être un moment d'échange constructif entre l'employeur et le salarié permettant de trouver un accord qui convienne aux deux parties.
4. Comment se passe une rupture conventionnelle en CDI ? Démarches, étapes, délais
Dès lors que l'employeur et le salarié arrivent à se mettre d'accord sur le principe et les conditions de la rupture amiable, une procédure précise doit être respectée. En voici les étapes :
Étape 1 : entretien(s) avec l'employeur pour convenir des modalités
Lorsqu'un employeur accepte le principe de conclure une rupture conventionnelle, il doit procéder à la convocation du salarié à un (ou plusieurs) entretien(s) de rupture conventionnelle (2). Au cours de cet entretien, employeur et salarié conviendront ensemble des conditions de la rupture du contrat, notamment (3) :
- le montant de l'indemnité spécifique rupture conventionnelle (en fonction de votre ancienneté et de votre rémunération) ;
- la renonciation à une clause de non-concurrence, le cas échéant ;
- la date de rupture du contrat de travail.
Pendant l'entretien, le salarié a la possibilité de se faire assister pour négocier une rupture conventionnelle. Il doit alors en informer au préalable l'employeur. Si le salarié exerce ce droit, l'employeur a alors lui aussi la possibilité de se faire assister.
Après un ou plusieurs entretiens si nécessaire, l'employeur et le salarié doivent signer la convention de rupture dès lors qu'ils ont trouvé un terrain d'entente.
Étape 2 : délai de rétractation de 15 jours
15 jours calendairesDélai de rétractation
Employeur comme salarié disposent tous les deux d'un délai de rétractation de 15 jours calendaires pour changer d'avis. Ce délai débute le lendemain de la date de signature de la convention.
Si l'une des parties souhait finalement se rétracter, il convient de procéder à l'envoi d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie (3).
Étape 3 : demande d'homologation à la DREETS
TéléRC : le service en ligne pour saisir une demande d'homologation de rupture conventionnelle individuelle
Si ni l'employeur, ni le salarié ne souhaite se rétracter dans ce délai, le salarié ou, en règle générale, l'employeur, adresse une demande d'homologation d'une rupture conventionnelle avec un exemplaire de la convention de rupture à la DREETS (Direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités).
Cette demande d'homologation est réalisée en ligne, sur le site officiel de demande d'homologation de rupture conventionnelle individuelle (téléservice TéléRC) (4). En effet, les demandes d'homologation se font obligatoirement par télétransmission (5).
En revanche, si l'une des parties indique à l'inspection du travail ne pas être en mesure d'utiliser le téléservice, elle peut toujours faire sa demande via le formulaire papier.
Si le salarié avec qui est conclue la rupture conventionnelle est un salarié protégé (représentant du personnel membre du CSE ou ayant un mandat syndical), la convention de rupture doit faire l'objet non pas d'une homologation, mais d'une autorisation de l'inspecteur du travail.
Délai d'homologation de 15 jours ouvrables
La DREETS dispose alors d'un délai de 15 jours ouvrables, à compter de la réception par l'administration de la demande, pour vérifier la validité de la convention et le libre consentement des parties.
En l'absence de réponse dans ce délai, la convention de rupture est homologuée.
Si elle refuse l'homologation de la convention, sachez que vous avez la possibilité de contester cette décision devant le Conseil de prud'hommes dans un délai de 12 mois suivant la date de refus de l'homologation.
Étape 4 : rupture du contrat de travail
En cas d'homologation expresse ou d'absence de décision explicite dans le délai d'instruction de 15 jours ouvrables, le CDI est rompu.
L'employeur doit alors remettre au salarié ses documents de fin de contrat :
- certificat de travail ;
- attestation France Travail ;
- solde de tout compte ;
- récapitulatif des sommes épargnées concernant les dispositifs de participation, d'intéressement et des plans d'épargne salariale.
5. Y'a t-il une préavis pour une rupture conventionnelle ? Quel délai de préavis lors d'une rupture conventionnelle ?
Il n'existe pas de préavis en cas de rupture conventionnelle, à proprement parler. Il s'agit donc d'une rupture du CDI sans préavis, contrairement à la démission ou au licenciement.
Néanmoins, la date de rupture du contrat est en fait négociée entre l'employeur et le salarié pendant le ou les entretiens, puis inscrite dans la convention.
La date de rupture du contrat ne peut pas intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation par la DREETS ou de l'autorisation par l'inspection du travail (3).
Il est judicieux de proposer une date de fin de contrat qui laisse le temps à l'autre partie de s'organiser.
6. Est-ce que l'employeur peut refuser une rupture conventionnelle ?
La rupture conventionnelle repose sur la volonté mutuelle des parties. Par conséquent, l'employeur peut tout à fait refuser un tel mode de rupture du contrat pour des raisons qui lui sont propres.
Il en va de même pour les salariés. Ainsi, aucune des deux parties ne peut imposer à l'autre la rupture conventionnelle.
Le cas échéant, si le salarié souhaite toujours mettre fin à son contrat de travail, il peut démissionner.
7. Quelles indemnités en cas de rupture conventionnelle ? Comment calculer le montant ? Quel délai de versement ?
Lorsqu'un salarié signe une rupture conventionnelle, il doit bénéficier d'une indemnité de rupture conventionnelle qui ne peut être inférieure au montant de l'indemnité légale de licenciement (6).
Le montant de l'indemnité varie en fonction de son ancienneté dans l'entreprise et du montant de sa rémunération.
Néanmoins, la convention collective applicable dans l'entreprise peut prévoir une indemnité plus favorable. Pour le savoir, n'hésitez pas à consulter votre convention collective.
Le salarié perçoit également une indemnité compensatrice de congés payés s'il n'a pas pris tous ses congés acquis avant la date de rupture de son contrat de travail.
Toutes ces indemnités sont versées au salarié à la date de rupture effective du contrat, en principe, en même temps que le dernier salaire dû.
8. La rupture conventionnelle ouvre-t-elle droit aux allocations chômage ?
Oui, la rupture conventionnelle permet au salarié de bénéficier des allocations chômage (allocation d'aide au retour à l'emploi - ARE), sous réserve d'en remplir les conditions.
L'avantage pour le salarié, de signer une rupture conventionnelle, est justement de pouvoir bénéficier des allocations chômage une fois la rupture du contrat de travail effective.
9. Quel délai pour toucher le chômage après une rupture conventionnelle ?
Délai de carence
Un délai d'attente automatique (aussi appelé délai de carence) d'une durée de 7 jours, s'applique.
Ce délai de carence est obligatoirement appliqué pour tout nouveau demandeur d'emploi, sauf si le salarié a déjà été pris en charge par France Travail dans les 12 derniers mois (7).
Sa prise en charge au titre de l'assurance-chômage peut également être reportée par deux différés d'indemnisation (8).
Différé d'indemnisation "congés payés"
En effet, peut s'ajouter un différé d'indemnisation "congés payés". Celui-ci s'applique dès lors que le salarié perçoit, au moment de la rupture du contrat, une indemnité compensatrice de congés payés.
Différé d'indemnisation dû aux indemnités supra-légales
Le différé d'indemnisation "congés payés" peut être augmenté d'un différé d'indemnisation spécifique, lorsque le salarié perçoit des indemnités supra-légales lors de la rupture de son contrat de travail.
C'est d'ailleurs fréquemment le cas dans le cadre d'une rupture conventionnelle. En effet, le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle doit faire l'objet d'une négociation entre le salarié et l'employeur. Si celle-ci doit être au minimum égale au montant de l'indemnité légale de licenciement, une indemnité plus élevée peut tout à fait être négociée.
Le différé d'indemnisation spécifique peut être de 150 jours au maximum dans le cadre d'une rupture conventionnelle.
10. Quels sont les avantages et les inconvénients de la rupture conventionnelle ?
Voici quelques uns des avantages à présenter à l'autre partie à la rupture conventionnelle afin de maximiser ses chances de conclure une convention de rupture :
- mettre fin à un CDI de manière amiable et concertée entre l'employeur et le salarié ;
- rompre rapidement un contrat de travail (environ 1 mois minimum) ou choisir une date de rupture qui convient à l'employeur et au salarié (négociation entre les 2 parties) ;
- pour le salarié : toucher une indemnité au moins égale à l'indemnité légale de licenciement (contrairement à la démission où le salarié n'a pas d'indemnité de rupture) ;
- pour le salarié : pouvoir s'inscrire à France Travail et bénéficier des allocations chômage ;
- pour l'employeur : rompre le contrat de travail d'un salarié sans avoir à trouver un motif de licenciement ;
- pour l'employeur : réduire les risques de contestation de la rupture du contrat de travail et les contestations devant le Conseil de prud'hommes ;
- pour l'employeur : négocier avec le salarié pour avoir le temps de le remplacer et de former une nouvelle personne.
Parmi les inconvénients de la rupture conventionnelle, il y a :
- le risque que l'autre partie refuse la rupture conventionnelle ou se rétracte (existence d'un délai de rétractation pour les 2 parties) ;
- l'obligation pour l'employeur de verser une indemnité de rupture au salarié au moins égale à l'indemnité de licenciement (alors qu'aucune indemnité de rupture n'est à verser si le salarié décide de démissionner) ;
- le risque de refus d'homologation de l'inspection du travail si la procédure et les délais ne sont pas parfaitement respectés (la procédure sera à recommencer et la date de rupture du contrat sera repoussée).
11. Hausse du coût des ruptures conventionnelles depuis le 1er septembre 2023
Le coût des ruptures conventionnelles a augmenté le 1er septembre 2023.
En effet, dans le cadre de la réforme des retraites, il a été prévu d'unifier le régime social des indemnités de ruptures conventionnelles et des indemnités de mise à la retraite.
Ainsi, le forfait social à 20% et la contribution patronale de 50% ont été supprimés depuis le 1er septembre 2023, pour laisser place à une contribution unique de 30%.
12. Evolution du nombre de ruptures conventionnelles au fil des années
Quelques chiffres
Depuis sa création en 2008, la rupture conventionnelle connaît un franc succès. Le nombre de recours à la rupture conventionnelle n'a cessé d'augmenter.
Même si la crise sanitaire liée à la Covid-19 a provoqué une baisse du nombre de ruptures conventionnelles au deuxième trimestre 2020, en raison de l'incertitude économique, cette baisse n'a été que temporaire. En effet, leur nombre est ensuite rapidement reparti à la hausse.
515 157Nombre de rupture conventionnelle en 2023
Selon les chiffres de la Dares, en 2022, le nombre de cas a franchi un niveau significatif, dépassant pour la première fois le seuil des 500 000, avec exactement 503 914 ruptures conventionnelles enregistrées. Cette tendance à la hausse a continué en 2023 puisque sur l'année 515 157 ruptures conventionnelles ont été enregistrées.
Les chiffres pour 2024 n'ont pas encore été communiqués mais il semblerait que la tendance à la hausse se poursuive et ce, malgré la réforme du régime social de la rupture conventionnelle depuis le 1er septembre 2023 (9).
Prédominance dans certains secteurs d'activité
Depuis leur introduction, les ruptures conventionnelles se sont largement développées dans le secteur tertiaire, constitué principalement de services. Cette prédominance s'est renforcée au fil des ans, où ce secteur a enregistré le plus grand nombre de ruptures conventionnelles.
La prédominance des ruptures conventionnelles dans le secteur tertiaire peut être attribuée à divers facteurs, notamment la nature des emplois, les dynamiques organisationnelles et la flexibilité requise dans ce domaine.
On observe par ailleurs, une hausse progressive du nombre de rupture conventionnelle dans le secteur de l'industrie et de la construction.
(2) Article L1237-12 du Code du travail
(3) Article L1237-13 du Code du travail
(4) Article L1237-14 du Code du travail
(5) Décret n°2021-1639 du 13 décembre 2021 portant obligation de recours au téléservice pour réaliser la demande d'homologation de la convention de rupture du contrat de travail
(6) Articles L1237-13 et L1234-9 du Code du travail
(7) Décret n°2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage, Annexe A, article 22
(8) Décret n°2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d'assurance chômage, Annexe A, article 21
(9) Données trimestrielles nationales Dares - Les ruptures conventionnelles, 17 octobre 2024
Rapport complet et bien expliqué. En tant que CSE et DS, je ne regrette pas mon abonnement