Avant tout achat, il faut pouvoir être en mesure de déterminer ce que l'on veut ou va acheter.
Pour cela, il faut opérer un double audit :
➡ Celui de l'actif social, qui doit permettre d'évaluer :
- l'actif : ce qui doit conduire à rechercher une valeur pour les postes d'actif (un par un) pour laquelle il faudra s'appuyer sur des experts comme l'avocat :
- notaires pour les biens immobiliers,
- fournisseurs pour les marchandises et le stock,
- professionnels du chiffre pour les commandes comptabilisées.
- et au-delà de la simple recherche d'une valeur pour les postes d'actif, il faut aussi pouvoir appréhender la valeur du passif, vérifier l'exhaustivité de celui figurant dans les comptes sociaux, l'exactitude des provisions déjà comptabilisées pour risques et charges. Là encore, c'est le rôle des experts.
➡ Et celui des titres en eux-mêmes : qui, à partir bien entendu de la valeur de l'actif net (actif social minoré des dettes), corrigé des inexactitudes ayant pu par exemple être relevées dans l'examen des comptes sociaux, des créances futures (même éventuelles qu'il faudra tenter de déterminer), peut conduire à prendre en compte, à la hausse ou à la baisse, une évolution probable ou possible du marché ou encore de la clientèle.
Tout cela doit être appréhendé avec beaucoup de prudence, eu égard aux nombreux facteurs d'incertitude et à la multitude des domaines à examiner (fiscal, social, juridique, financier).
Les contrats préalables à la cession
Avant de signer l'acte de cession, il est d'usage de signer un contrat "préparatoire" destiné à fixer par écrit les bases de la future cession à signer.
A ce stade, le prix doit être déterminé ou être déterminable d'un commun accord sur la méthode de calcul, c'est à dire fixé par l'une des parties et accepté par l'autre. On peut imaginer que le cessionnaire accepte le prix demandé par le cédant, ou encore que le cédant accepte le prix proposé par le cessionnaire : c'est l'accord des parties. Ce prix est soit déterminé, soit déterminable, c'est-à-dire que les parties se sont accordées sur la méthode de calcul.
✅ Les parties échangent d'abord une lettre d'intention, qui émane généralement du vendeur ou de l'acquéreur, engagement unilatéral assimilable tantôt à un engagement d'honneur, tantôt à un accord préparatoire. Cette lettre est souvent contresignée par la partie qui n'en est pas l'auteur, pour lui donner un caractère bilatéral, d'autant plus importants qu'y sont généralement contenus différents engagements en sa faveur (exclusivité, remise de documents et d'information, confidentialité) qu'il est prudent d'accepter. La rédaction des lettres d'intention comme son acceptation est un acte délicat et il est préférable de se faire assister.
Les lettres d'intention ne sont nullement constitutives d'un quelconque engagement de faire ; rien donc ne permettra à son auteur de poursuivre l'autre partie en exécution forcée. Tout au plus lui sera-t-il possible de demander, par voie judiciaire, des dommages-intérêts pour rupture abusive de pourparlers.
✅ Puis les parties concluront une promesse de cession que l'on dénomme également dans le cas d'une cession de titres protocole d'accord ou Share Purchase Agrement.
Les bases de l'accord y seront contenues : la chose définie précisément (objet du contrat), le prix fixé (de manière définitive ou pas) et l'engagement de vendre et d'acquérir y sont clairement exprimés.
Peuvent figurer dans cette promesse différentes conditions, la plupart du temps suspensives, comme par exemple l'obtention d'un financement, audit comptable, fiscale et juridique dont les conclusions confirmeront les hypothèses à partir desquelles l'acquéreur a fait son offre, ou encore la concrétisation d'un marché futur à conclure par la société dont les titres sont cédés, ou bien le maintien d'une exploitation au-delà d'un certain plancher.
Formalité à accomplir à l'égard de la vente de la société
Dans les sociétés, il y a lieu de distinguées entre les sociétés par actions telles que Société par Actions Simplifiées (SAS), Société Anonyme (SA), Société en Commandite par Actions (SCA), dont le capital social est divisé en actions et les autres sociétés telles que Société à Responsabilité Limitée (SARL), Société en nom collectif (SNC), Société en commandite Simple (SCS) ou encore Société Civile Immobilière (SCI), dont le capital social est divisé en parts sociales.
👉 S'agissant des actions, leurs cessions se matérialisent par un simple virement de compte à compte et ne requiert aucune signification à la société.
👉 S'agissant des parts sociales, leur cession nécessite la régularisation d'un acte obligatoirement enregistré auprès des Services des Impôts. Cet acte fait l'objet d'une signification par huissier destinée à le rendre opposable à la société et aux tiers.
Les associés de la société peuvent ils s'opposer à la cession des parts sociales ?
Préalablement à la signature de l'acte de cession, il pourra être nécessaire d'obtenir l'accord des associés de la société, réunis en assemblée générale, sur la personne du cessionnaire (droit d'agrément).
Formalité à accomplir : l'intervention d'un avocat assurera que la formalité d'enregistrement sera accomplie (cela fait partie des obligations légales des notaires de veiller à la validité et à l'opposabilité des actes qu'il reçoit); elle permet également aux parties de disposer d'une information complète, en particulier sur les incidences fiscales, familiales et patrimoniales de l'opération.
Le contenu de l'acte de cession des droits sociaux :
La cession de titres de société ne fait l'objet d'aucune mesure législative particulière, elle relève des garanties légales applicables aux ventes, telles que :
- Garantie d'éviction (1626 code civil) : c'est une garantie inhérente à l'objet du contrat (la cession), forme d'obligation de délivrance. Le vendeur doit garantir à l'acquéreur la propriété et par suite la jouissance paisible des titres de sociétés acquis.
- Garantie des vices cachés (1641 code civil) : c'est une garantie propre à la chose qui doit être conforme à l'usage projeté, et exempte de vices "découverts" postérieurement à l'acquisition. C'est l'objet du contrat qui est concerné, par exemple pour garantir le cessionnaire contre des fausses déclarations du vendeur.
- Les " vices du consentement " : la cession des droits sociaux doit se faire sans pression en toute connaissance de cause, nul ne peut contracter sous la contrainte, sous l'effet de la violence, ou encore pour un objet non conforme car il y aurait là une erreur sur la chose. Une précision : le droit français reconnait l'erreur sur la chose (l'objet du contrat) mais pas celle sur le prix ou sur la valeur.
- Le " dol " est l'un des exemples de vices du consentement, mais avec là ce qui peut s'apparenter à une "mauvaise foi" du cédant, qui aurait par des manoeuvres habiles et appropriées, réussi à convaincre son cessionnaire de signer. Il aurait en quelque sorte largement "enjolivé" la réalité.
La garantie légale ne s'applique qu'aux titres, pas aux actifs sociaux sauf dans des cas très particuliers (nécessité d'une garantie contractuelle).
Le savoir-faire du praticien est donc fondamental, car il permet d'assurer aux parties le conseil, l'information, et l'institution de garanties contractuelles plus adaptées.
Comment se prévaloir de ses garanties contractuelles ?
La cession de titres de société ne fait l'objet d'aucune mesure législative particulière et la détermination du "juste prix" est un exercice compliqué ; il est donc essentiel de compléter la cession par des actes de garantie.
Le fondement juridique de cette garantie est multiple :
- C'est une " convention " ; cela n'a aucun caractère obligatoire, et confère à son rédacteur une grande latitude quant à son contenu ;
- C'est une convention adossée à des comptes de référence ; elle est en relation avec les comptes sociaux, puisque l'objet est la cession de titres d'une société ;
- C'est une convention accessoire ; elle ne peut pas être détachée du contrat principal, qui est l'acte de cession proprement dit.
Cette garantie peut revêtir plusieurs formes :
- Une garantie de passif (stricto sensu) visant à garantir l'acquéreur de tout nouveau passif, dont l'origine est antérieure à la cession ;
- Une garantie d'actif net visant à garantir l'acquéreur d'un montant minimum d'actif net ;
- Une garantie de bilan visant à garantir l'acquéreur contre d'une part toute baisse d'actif, et d'autre part toute hausse de passif ;
- Une garantie de valeur conduisant soit à indemniser l'acquéreur (en lui restituant une fraction du prix), soit au contraire à majorer le prix payé au cédant (par exemple si la rentabilité est supérieure à celle escomptée, un complément de prix peut lui être du).
Cette forme de garantie est la plus difficile à rédiger, et requiert l'expertise de nombreux professionnels.
S'agissant d'une convention, la garantie fera l'objet d'un écrit, qui comportera un certain nombre d'informations, telles que :
- des déclarations sur la société, ses actifs et passifs, ses contrats, ses salariés, son activité,
- des déclarations spécifiques à l'objet garanti : comptes, consistance des actifs.
- une affirmation de sincérité, essentielle pour garantir l'exactitude des déclarations.
Cette garantie est en général donnée pour une période déterminée
Le vendeur la souhaite la plus courte possible et l'acquéreur la plus longue possible. C'est pourquoi la durée de la garantie est souvent calquée sur celle de la prescription applicable selon le sujet (fiscale, sociale).
L'acquéreur qui aura, du fait de la signature de l'acte de cession des titres, pris en main le contrôle de la société, et sera donc seul à même de prendre les décisions, devrait associer le vendeur à celles-ci, pour prévenir toute discussion ultérieure.
De même, dans l'hypothèse où la mise en jeu de la garantie pourrait conduire à la résolution du contrat de cession, il est prudent de prévoir une obligation, à la charge de l'acquéreur, pendant toute la durée de la période au cours de laquelle la garantie peut être mise en place, de maintien du patrimoine de la société ; il doit en effet pouvoir restituer le bien.
Les modalités de la mise en jeu de la garantie devront être déterminées, toujours conventionnellement, dans le contrat de garantie en lui-même. On doit prévoir les modalités de notification (lettre recommandée avec accusée réception).
Le contrat de garantie mis en place, il en résultera une diminution du prix, éventuellement des dommages-intérêts. Dans certains cas, la garantie est une condition essentielle et déterminante de la conclusion du contrat de cession, qui pourrait conduire l'acquéreur à demander la résolution du contrat de cession si la garantie n'était pas exécutée ; pour éviter cette remise en cause, le vendeur pourrait fournir une "garantie de la garantie", délivrée par une société solvable (holding ou établissement financier).
Dossier complet répondant à mes questions