La demande de réexamen de la décision de refus de délivrer le titre de séjour

La ressortissante algérienne soutenait que le préfet n’a pas examiné sa demande au regard des stipulations de l’article 7 bis de l’accord franco-algérien ;

  • la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l’article 7 bis de l’accord franco-algérien et qu’elle est entachée d’une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations du 5 de l’article 6 de l’accord franco-algérien ;
  • que l’arrêté méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l’article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme SV ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 mars 2924, la clôture de l’instruction a été fixée au 2 mai 2024.

Quels sont les textes de loi encadrant le statut d'un ressortissant algérien en France ?

Dans l’examen de cette procédure, le tribunal a pris en considération les stipulations des textes suivants :

  • la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
  • l’accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;
  • le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Quelle était la situation familiale de la ressortissante ?

Mme SV, ressortissante algérienne, née en 1947, est entrée en France en novembre 2018 sous couvert d’un visa de court séjour et a sollicité le 23 mai 2022 son admission au séjour. Par un arrêté du 28 février 2024, dont elle demande l’annulation, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d’éloignement.

Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. I1 ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

Il ressort des pièces du dossier que Mme SV est entrée en France le 12 novembre 2018 à la suite du décès de son mari. Elle justifie de la présence de ses six enfants sur le territoire français, dont quatre sont de nationalité française et deux sont titulaires de certificats de résidence en cours de validité, ainsi que de ses petits-enfants. L’intéressée, qui est hébergée par l’une de ses filles et dont la prise en charge financière est assurée par ses enfants, ne dispose plus d’attaches familiales dans son pays d’origine. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de son séjour et de la nature et l’intensité de ses attaches familiales en France, elle est fondée à soutenir que l’arrêté litigieux porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, elle est fondée à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations précitées de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que l’arrêté du 28 février 2024 du préfet de la Seine-Saint-Denis doit être annulé, en toutes ses dispositions.

Eu égard au motif d’annulation, l’exécution du présent jugement n’implique pas la délivrance d’un certificat de résidence de dix ans sur le fondement du b) de l’article 7 bis de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, dont il ne résulte au demeurant pas du seul courrier daté du 12 avril 2022, dont la preuve de réception par les services préfectoraux n’est pas établie, qu’il constituait le fondement de la demande de titre de séjour de Mme SV.

En revanche, elle implique que le préfet de la Seine-Saint-Denis ou le préfet devenu territorialement compétent réexamine la situation de Mme SV en tenant compte du motif d’annulation du présent jugement. Il y a lieu d’enjoindre à l’autorité préfectorale d’y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Le tribunal administratif de Montreuil a décidé que l’arrêté du 28 février 2024 du préfet de la Seine-Saint-Denis soit annulé ; que l’Etat versera à Mme SV une somme de 1 100 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et qu’il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou au préfet devenu territorialement compétent de procéder au réexamen de la situation de Mme SV en tenant compte du motif d’annulation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

 

Par Me Fayçal Megherbi, avocat

Référence N° 240326, jugement du tribunal administratif de Montreuil du 19 septembre 2024