Comment est défini le concubinage ?

Contrairement au mariage, la vie commune n'est pas ici un devoir. La vie de couple est exigée afin de se voir reconnaître la qualification de concubinage.

La vie commune doit être stable et continue, cela suppose la durée et la notoriété de la relation.

Les concubins peuvent rédiger une déclaration sur l’honneur pour justifier de leur état de concubinage. Le concubinage est en effet régi par la seule volonté des concubins.

Le concubinage se prouve par tout moyen :

  • certificat de concubinage délivré par la mairie du domicile des concubins (la mairie n'étant toutefois pas dans l'obligation d'accéder à la demande),
  • convention de concubinage lorsqu'il en existe une,
  • quittances de loyers ou factures établies aux deux noms,
  • relevés de comptes bancaires indiquant l'adresse commune,
  • constat d'huissier,
  • témoignages,
  • déclaration sur l'honneur…

Le code civil définit le concubinage, mais est muet quant à ses effets. Les concubins ne sont tenus d'aucun devoir, contrairement aux époux. Ils n'ont pas d'obligation de contribution ou de solidarité, ni même aucune obligation alimentaire. Cependant, non seulement la Cour de cassation semble reconnaître ces dernières années un véritable devoir prétorien de contribution aux charges du concubinage, mais les concubins peuvent, par convention, instaurer entre eux des modalités de contribution à la vie commune ou prévoir la solidarité de telle ou telle dette.

Le droit successoral français fait du concubin le parent pauvre de sa matière. Existe-t-il des techniques efficaces pour protéger et tranquilliser fiscalement un concubin ?  

L'avantage de l'assurance-vie dans le cadre du concubinage

L’outil qu’est l’assurance vie peut s’avérer extrêmement efficace compte tenu des avantages qu’il présente. L’utiliser entre concubins permet notamment :

  • la transmission d’un capital assurant la protection du survivant ;
  • le bénéfice de la fiscalité avantageuse prévue par l’art. 990 I du CGI.

L’art. 990 I est à ce titre bien plus avantageux que l’art. 757 B.

C’est la convention aux termes de laquelle une personne (l’assureur), s’oblige envers une autre (le contractant, souscripteur ou stipulant), moyennant une prestation unique ou périodique (la prime), à verser au contractant lui-même, ou à un tiers désigné dans le contrat ou encore incertain (le bénéficiaire), une somme d’argent déterminée formant une rente ou un capital (l’indemnité), soit à une époque convenue si telle personne est encore vivante à ce moment, soit au décès de telle personne désignée (l’assuré).

L’opération d’assurance-vie fait intervenir trois protagonistes, ce qui est classiquement le cas de la stipulation pour autrui (Code civil, article 1121 et s.) :

  • le souscripteur (celui qui contracte avec l’assureur) ;
  • le bénéficiaire (celui qui reçoit la garantie) ;
  • l’assuré (celui sur la tête duquel repose le risque).

L’assurance-vie est donc un contrat de couverture de risque lié à la durée de vie de l’assuré.

L’assurance-vie présente deux attraits distincts et complémentaires, justifiant ses performances en gestion de patrimoine. Stipulation pour autrui, elle est un levier de transmission au décès, profitant d’un statut tant civil que fiscal de faveur, en raison de son caractère « hors successoral ».

Une contestation possible

Si l’assurance vie est classiquement perçue comme « hors succession », il n’en demeure pas moins que des héritiers réservataires pourront contester cette solution via le système des primes manifestement exagérées (prévu à l’art. L 132-13, al. 2, c. assur.). Deux remarques cependant :

  • au plan juridique, elle s’avère complexe à mettre en oeuvre et même « illusoire » pour certains ;
  • au plan relationnel, elle aboutira probablement à un déchirement quasi définitif entre concubin survivant et enfants d’un premier lit.

Solution : démembrement de la clause bénéficiaire

Pour amplifier l’attrait de l’assurance vie dans un souci de protection, le contrat pourra parfaitement désigner comme bénéficiaires : « pour l’usufruit le concubin survivant, pour la nue-propriété les enfants du concubin décédé ».

Le démembrement de la clause bénéficiaire présentera ici un double intérêt, à savoir :

  • protection assurée au concubin survivant (transmission de l’usufruit de capitaux) ;
  • protection des enfants de premier lit : ces derniers récupérant, au décès de l’usufruitier, la pleine propriété des capitaux.

Par pur confort pour les enfants d’un premier lit, il sera préférable d’éviter le recours au quasi-usufruit et de prévoir un remploi des capitaux-décès sur des biens générateurs de revenus.

Le recours à la société civile de placement immobilier constituera une solution privilégiée afin de conférer des revenus au concubin survivant sa vie durant (sans soucis de gestion) et transmettre, à son décès, la pleine propriété des parts aux enfants.

Le démembrement ainsi créé par l’assurance vie permettra d’éviter l’application de la lourde taxation entre tiers. Il rendra « assurentiellement » possible la libéralité graduelle entre concubins en permettant d’aboutir, in fine, à un résultat proche.

Recours à la tontine ou « clause d’accroissement »

Comment fonctionne la tontine ?

illustration

Ce mécanisme ancien, né en Italie sous la plume de Lorenzo Tonti, s’avère à première vue extrêmement séduisant. Il permet à deux concubins d’investir ensemble dans l’acquisition d’un bien immobilier : le survivant étant réputé être rétroactivement propriétaire du bien.

Le pacte de tontine, clause de tontine ou d’accroissement est une clause qui peut être insérée en marge d’un acte d’achat, permettant de transmettre un bien à un tiers non-héritier. Le survivant en est propriétaire directement (sans formalités) et de plein droit.

La tontine immobilière, au décès de l’un des acquéreurs suivra le schéma suivant, décrit par les notaires de France :

« la personne prédécédée est déclarée ne jamais avoir acheté le bien. Seul l’acquéreur survivant est considéré comme propriétaire depuis l’origine. Les héritiers de la personne décédée n’ont donc aucun droit sur le bien (le bien ne fait pas partie du patrimoine du défunt).

L’acquéreur survivant devra néanmoins payer des droits de succession, calculés sur le degré de parenté qu’il entretient avec le défunt et la valeur de la part qu’il recueille (gratuit entre époux et partenaires pacsés, 60 % entre concubins). À ce principe, il existe toutefois une exception. Ainsi, quand le bien constitue la résidence principale des acquéreurs au moment du décès et que sa valeur est inférieure à 76 000 €, le survivant ne paie que des droits de mutation à titre onéreux (soit le taux maximum légal de 5,81 %) ».

Plus concrètement, au plan civil - civilement, la tontine présente un avantage certain : n’étant pas constitutive d’une donation elle est, de fait, totalement « épargnée » par les règles du rapport et de la réduction.

Ce système suppose une double condition pour chacun des concubins :

  • condition suspensive de sa survie,
  • condition résolutoire de son prédécès.

Il nécessite aussi le respect d’un aléa : espérance de vie similaire et financement pratiquement identiques sous peine de requalification en libéralité.

La nécessité d’un aléa est parfaitement illustrée par un auteur en ces termes : « la tontine est en effet, par essence même, un jeu dans lequel, soit on meurt, soit on s’enrichit du seul fait de sa survie. Chaque joueur doit en conséquence disposer au début de la partie de chances et de risques sinon strictement identiques, du moins équivalents de terminer la partie en empochant le gain... » (P. Camelo Cassan, Du bon usage de la roulette russe dans le contrat de société : tontine, aléa et abus de droit, RD fisc. n° 28, 14 juill. 2016, p. 408.).

Inconvénient au plan fiscal

Le problème majeur que pose la tontine se situe au plan fiscal puisque les droits de mutation à titre gratuit sont applicables (sauf exception pour la résidence principale dont la valeur n’excède pas 76 000 €). Entre concubins, ces droits sont particulièrement importants ce qui fait de la tontine un paradoxe : une stratégie civilement implacable, mais une relative catastrophe fiscale par l’application des droits de mutation à titre gratuit.

Solution : la création d’une société

Le recours au droit des sociétés et à la société civile en particulier permet toutefois de diminuer significativement cet impact (G. Baffoy, L’usage de la tontine en droit des sociétés, JCP N 2003, n° 2, p. 1029.).

L’acquisition par une SCI (comprenant une clause de tontine en ses statuts) entraîne l’application des droits de vente et non des droits de mutation à titre gratuit. Reste que, dans ce type de structure, les associés doivent être au nombre de deux. Dès lors, pour associer la clause d’accroissement et les règles de la société civile immobilière, il convient, comme le suggèrent certains universitaires et praticiens, de stipuler deux parts (une par concubin) hors tontine afin de ne pas rendre la SCI rétroactivement unipersonnelle.

Le recours à la société n’échappe pas non plus à la nécessité d’un aléa ainsi que l’illustrait un avis rendu par le comité d’abus de droit fiscal le 31 mars 2016.

Ainsi, et sous réserve des conditions ci-avant évoquées, le droit des sociétés permet une optimisation fiscale du mécanisme qu’est la clause d’accroissement.

Enfin, le pacte tontinier n’est pas réservé aux seules sociétés civiles. Il sera tout à fait possible d’y recourir au moyen d’autres structures (comme la SARL) pour envisager une transmission entre concubins, dépassant le simple cadre immobilier. La clause d’accroissement pourra ainsi être le support de la transmission d’une entreprise avec en sus une relative spoliation de la réserve.

Acquisition immobilière dans le cadre d’un démembrement croisé de parts sociales

Le démembrement croisé constitue probablement la technique la plus pertinente pour parvenir à l’objectif envisagé : cette stratégie suppose le respect de plusieurs étapes :

  1. constitution d’une société civile immobilière entre concubins ;
  2. échange de la nue-propriété (ou de l’usufruit) de ses parts avec le droit de même nature détenu par l’autre concubin (le tout pour un montant de droits quasi inexistant) ;
  3. acquisition d’un bien immobilier.

Précision d’importance : comme en matière de tontine, et pour conserver le caractère aléatoire, les financements et les chances de survie des coacquéreurs doivent être au plus possible équivalent.

Cette stratégie patrimoniale permet la transmission de droits au concubin survivant en franchise d’impôt.

Par le jeu de l’échange, le survivant des concubins récupérera l’usufruit de la totalité du bien en sus de sa moitié en nue-propriété. Seule l’autre moitié ne sera pas, par lui, appréhendée.

Il pourrait paraître pertinent de procéder à un échange ab initio avant toute création de sociétés, afin d’éviter le paiement des droits. Cela n’est toutefois pas souhaitable et certains auteurs préconisent d’écarter cette solution.

Il conviendra ici de ne pas négliger un aspect : le danger que représente l’application de l’art. 751 CGI (ce dernier prévoit une taxation sur la pleine propriété dans l’hypothèse d’une vente de la nue-propriété à un futur héritier). Pour combattre cette présomption fiscale (et l’application du taux de 60 % qui en découlerait), il sera primordial pour les concubins de ne pas s’instituer comme légataires sous peine de briser la stratégie de démembrement croisé.

Au plan fiscal, le démembrement croisé constitue l’outil par excellence pour la protection des concubins compte tenu de la quasi-absence de droits à payer. Il présente toutefois un désavantage en comparaison avec la tontine : le concubin survivant ne disposera pas de la pleine propriété de la totalité du bien acquis par la société civile. Cet inconvénient pourra toutefois être facilement écarté dans la mesure où l’usufruitier peut être investi d’un maximum de droits de vote.

Autres solutions

Restent deux principales autres possibilités offertes aux concubins pour se protéger.

Choix de l’expatriation

L’expatriation dans certains pays de common law s’avère possible, s’ils entendent laisser à la marge leurs enfants d’une première union. Cette solution, aujourd’hui d’actualité, ne doit pas faire oublier que ces pays (telle la Grande-Bretagne) ne sont pas parties au règlement « Successions » du 4 juill. 2012. Ainsi, le but civil ne sera atteint que si aucun bien immobilier ne siège en France lors du décès du premier concubin.

Fiscalement, le règlement « Successions » n’a pas vocation à jouer et seule l’analyse des conventions fiscales permettra de mesurer efficacement l’économie d’impôt en comparaison avec l’application pleine du taux de 60 % en France.

En pratique, le recours à l’expatriation, bien qu’efficace au regard du seul droit civil, sera souvent moins pertinent compte tenu du coût humain et financier de cette opération (déménagement, prix des logements dans certaines villes comme Londres, adaptation à une nouvelle culture, éloignement familial...).

Choix du pacs

L’adoption d’un pacte civil de solidarité paraît l’alternative la plus crédible afin de parvenir à une transmission moins coûteuse et mieux organisée tout en conservant un mode de conjugalité souple. Si, du point de vue de son fonctionnement, le pacs est aujourd’hui doté d’un statut patrimonial de base, il se caractérise par le principe de la libre rupture. De par son attrait fiscal, il apparaît comme la solution la plus avantageuse pour des concubins n’osant (ou ne souhaitant pas) franchir l’étape du mariage.

 

Sources :