Depuis quand la mutuelle d'entreprise est-elle obligatoire ?
Entrée en vigueur de la loi ANI (accord national interprofessionnel) en 2013
Le 11 janvier 2013, un Accord National Interprofessionnel (ANI) consacrant la généralisation de la complémentaire santé collective à l'ensemble des salariés de tous les secteurs d'activité au niveau national a été signé.
Cet accord a par la suite été transposé dans la Loi relative à la sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013, plus communément appelée "loi ANI" (1).
Celle-ci imposait des négociations collectives qui se sont déroulées sur une période de 18 mois :
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de juin 2013 à juin 2014, à l'échelle de chaque secteur d'activité en vue de la conclusion d'un accord de branche ;
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de juillet 2014 à décembre 2015, à l'échelle de chaque entreprise, en vue de la conclusion d'un accord d'entreprise, si celle-ci n'était pas concernée par un accord de branche, ou si l'accord de branche applicable proposait des garanties inférieures au "panier de soin minimum".
La mise en place d'une mutuelle d'entreprise obligatoire depuis 2016
Depuis le 1ᵉʳ janvier 2016, chaque entreprise du secteur privé est tenue de faire profiter ses salariés d'une mutuelle collective obligatoire (2).
Cette obligation concerne toutes les entreprises du secteur privé, quel(le) que soit leur activité ou leur effectif.
La couverture complémentaire santé peut être prévue par un accord interprofessionnel, une convention de branche ou un accord professionnel.
À défaut d'accord conclu au niveau de la branche, ou si l'employeur souhaite adapter les dispositions conventionnelles de branche, la complémentaire santé peut être mise en place au niveau de l'entreprise par l'un des moyens suivants (3) :
- par accord collectif d'entreprise ;
- par référendum ;
- par décision unilatérale de l'employeur (DUE).
La couverture complémentaire collective : comment fonctionne la mutuelle d'entreprise ?
Une mutuelle d'entreprise est un contrat de groupe ou contrat collectif. Il s'agit d'un contrat par lequel l'employeur se rapproche d'un organisme assureur en vue d'assurer l'ensemble de son personnel (4). C'est la raison pour laquelle on dit que la mutuelle d'entreprise est une mutuelle collective. L'ensemble du personnel adhère à un seul et unique contrat souscrit préalablement par l'employeur auprès d'une assurance.
Le contrat peut couvrir les mêmes garanties pour l'ensemble des salariés ou prévoir des régimes distincts entre plusieurs catégories de salariés. C'est ce qu'on appelle les catégories objectives (5).
Est-il obligatoire ou non de prendre la complémentaire santé de l'entreprise ?
La mutuelle d'entreprise s'impose à tous les salariés, peu importe leur statut (cadre ou non cadre), la nature de leur contrat de travail, leur ancienneté, ou encore leur temps de travail. C'est la raison pour laquelle on dit qu'elle est obligatoire.
Néanmoins, des situations de dispenses existent, étant entendu :
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qu'elles sont fixées par la loi ;
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qu'elles peuvent être prévues par l'acte instituant la couverture collective obligatoire (convention ou accord collectif, référendum ou décision unilatérale de l'employeur).
Dans quels cas un salarié peut-il refuser d'adhérer à la mutuelle entreprise ?
Les dispenses d'adhésion de plein droit
Il s'agit des dispenses fixées par la loi, applicables de plein droit. Cela signifie qu'elles s'appliquent même si l'acte instituant la couverture complémentaire ne les mentionne pas. Dans ces situations, le salarié peut adresser à son employeur une lettre de refus d'adhésion à la mutuelle d'entreprise.
Il s'agit notamment :
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des salariés présents dans l'entreprise au moment de la mise en place d'une couverture complémentaire par décision unilatérale de l'employeur (7) ;
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des salariés déjà couverts par ailleurs, y compris en tant qu'ayant droit (8) :
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par une autre complémentaire santé collective et obligatoire répondant aux exigences du contrat responsable ;
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par le régime local d'assurance maladie en vigueur dans les départements du Bas-Rhin du Haut-Rhin et de la Moselle ;
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par le régime complémentaire d'assurance maladie de la CAMIEG ;
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par les mutuelles des agents de l'État ou des collectivités ;
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par un contrat d'assurance groupe, dit "contrat loi Madelin".
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des salariés bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire (CSS) ;
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des salariés bénéficiaires d'une complémentaire santé individuelle lors de leur embauche ou lors de la mise en place de la couverture collective obligatoire. La dispense vaut jusqu'à l'échéance de leur contrat ;
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des salariés en contrat à durée déterminée (CDD) ou en contrat de mission (intérimaires), s'ils justifient d'une couverture complémentaire individuelle à un contrat dit "responsable" et que la durée de couverture de la complémentaire collective obligatoire est inférieure ou égale à 3 mois (9).
Les dispenses d'adhésions pouvant être autorisées
L'acte instituant la couverture collective complémentaire obligatoire peut prévoir des dispenses énumérées limitativement par la loi (10).
Les autorisations de dispenses vont notamment concerner :
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les salariés en CDD et intérimaires dont le contrat de travail est d'une durée inférieure ou égale à 12 mois ;
- les salariés en CDD et intérimaires dont le contrat de travail est d'une durée supérieure à 12 mois. Ces salariés doivent toutefois produire tout document justifiant qu'ils sont couverts à titre individuel pour les mêmes garanties ;
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les salariés à temps partiel et les apprentis dont l'adhésion au régime les conduit à régler une cotisation supérieure à 10% de leur rémunération brute ;
- les salariés qui bénéficient de la couverture obligatoire et collective de leur conjoint, concubin ou partenaire pacsé, en tant qu'ayants droit, peuvent également demander à être dispensés d'adhésion au régime complémentaire santé collectif et obligatoire mise en place dans leur entreprise.
Le versement santé, une alternative ouverte à la complémentaire collective de l'entreprise
Le versement santé, dit aussi "chèque santé", est une aide individuelle versée par l'employeur, visant à participer partiellement au financement de la complémentaire santé individuelle d'un salarié précaire.
Pour en bénéficier, le salarié doit avoir souscrit un contrat frais de santé dit "responsable" couvrant sa période d'emploi, et ne doit pas être couvert par la complémentaire santé solidaire (C2S), par une couverture collective obligatoire (y compris en tant qu'ayant droit) ou par une couverture complémentaire financée en partie par une collectivité publique (12).
Peuvent bénéficier du versement santé, les salariés (13) :
- en CDD ou en contrat de mission pour une durée inférieure ou égale à 3 mois ;
- à temps partiel dont le temps de travail est inférieur ou égal à 15 heures par semaine ;
- exclus du régime collectif et obligatoire mis en place dans l'entreprise par un accord de branche ou, à défaut, un accord d'entreprise ou une décision unilatérale de l'employeur.
Le montant du versement santé est égal à la contribution mensuelle de l'employeur à la complémentaire (soit la contribution que l'employeur aurait versée pour la couverture collective de la catégorie de salariés à laquelle le salarié appartient, si celui-ci y avait adhéré) ou, à défaut de pouvoir déterminer ce montant, à un montant de référence multiplié par un coefficient de 125 % pour les salariés en CDD ou en contrat de mission.
Pour l'année 2024, le montant de référence servant au calcul du versement santé est fixé à 20,75 euros (ou, pour les personnes relevant du régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, à 6,93 euros) (14).
Qu'est-ce qu'une complémentaire santé "responsable" (contrat "responsable") ? Quelles sont les garanties minimum de la mutuelle employeur (panier de soins) ?
Les entreprises ont la possibilité de choisir l'organisme assureur auprès duquel elles souhaitent souscrire la complémentaire santé collective.
Néanmoins, si elles veulent pouvoir bénéficier d'avantages sociaux et fiscaux, les entreprises doivent s'assurer que le contrat souscrit est un contrat dit "responsable".
Pour cela, le contrat collectif souscrit doit garantir un niveau de remboursement minimal des frais de santé. C'est ce que l'on appelle le panier de soins minimal. La couverture minimale frais de santé doit garantir (15) :
- le remboursement de l'intégralité du ticket modérateur sur les consultations, actes et prestations remboursables par l'assurance maladie, sous réserve de certaines exceptions ;
- la prise en charge totale et sans limitation de durée du forfait journalier hospitalier en cas d'hospitalisation ;
- le remboursement des frais dentaires (prothèses et orthodontie) à hauteur de 125 % du tarif conventionnel : tarif sur la base duquel s'effectue le calcul pour le remboursement d'un acte médical par l'Assurance maladie (aussi appelé tarif de responsabilité) ;
- le remboursement des frais d'optique de manière forfaitaire par période de 2 ans (annuellement pour les enfants ou en cas d'évolution de la vue) avec un minimum de prise en charge fixé à 100 euros pour une correction simple, 150 à 200 euros pour une correction mixte ou complexe.
Depuis le 1ᵉʳ janvier 2021, les contrats frais de santé collectifs doivent également prendre en charge l'intégralité du reste à charge des frais d'optique, des frais d'audiologie et des soins dentaires prothétiques identifiés dans le panier de soin 100% santé, dit aussi "reste à charge zéro". Les professionnels de santé, l'Etat, l'Assurance maladie, les complémentaires santé et les fabricants ont en effet définis toute une gamme de produits et de soins qui répondent au cahier des charges du panier 100% santé.
Enfin, pour être responsable, le contrat de frais de santé collectif doit exclure la prise en charge :
- des dépassements d'honoraires et majoration du ticket modérateur en cas de non-respect du parcours de soins ;
- de la participation forfaitaire de 1 € sur les actes et consultations des médecins et sur les actes biologiques, 0,50 € sur les médicaments ;
- de la franchise qui s'applique sur certains médicaments (ceux remboursés à hauteur de 15% et 30% par l'Assurance maladie).
Qui paye la mutuelle d'entreprise ?
La loi impose à l'employeur de participer au financement de la complémentaire collective. Il doit assurer au moins la moitié du financement de la couverture collective (16). Il participe ainsi à hauteur d'au moins 50% de la cotisation.
Cette participation financière est exonérée de cotisations sociales sous réserve qu'elle porte sur un contrat collectif, obligatoire et responsable (17).
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Références :
(1) Loi n°2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi
(2) Article L911-7 du Code de la sécurité sociale
(3) Article L911-1 du Code de la sécurité sociale
(4) Article L141-1 du Code des assurances
(5) Article R242-1-1 du Code de la sécurité sociale
(6) Article R242-1-2 du Code de la sécurité sociale
(7) Article 11 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques
(8) Article D911-2 et D911-3 du Code de la sécurité sociale
(9) Articles L911-7 et D911-6 du Code de la sécurité sociale
(10) Articles R242-1-6 du Code de la sécurité sociale
(11) Cass. Soc., 7 juin 2023, n°21-23743
(12) Article L911-7-1 du Code de la sécurité sociale
(13) Article D911-7 du Code de la sécurité sociale
(14) Arrêté du 3 janvier 2024 fixant pour 2024 le montant du versement mentionné à l'article L911-7-1 du Code de la sécurité sociale
(15) Articles L911-7, R871-2 et D911-1 du Code de la sécurité sociale
(16) Article L911-7 III du Code de la sécurité sociale
(17) Article L242-1 du Code de la sécurité sociale
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