En contrepartie de l’obligation qui lui est faite de maintenir, sous certaines conditions, le salaire d’un salarié absent pour cause de maladie ou d’accident, l’article L. 1226-1 du Code du travail disposait déjà que l'employeur a le droit de faire procéder à une contre-visite médicale, sans plus de précision.

Ce droit était également déjà prévu par un certain nombre de conventions collectives.

Un décret intègre désormais dans le Code du travail trois nouveaux articles, R. 1226-10 à R. 1226-12, consacrés à la contre-visite (Décret du 05/07/2024 « relatif à la contre-visite mentionnée à l’article L. 1226-1 du code du travail », J.O. du 6). 

1. Qu’est-ce que la contre-visite ?

C’est l’acte médical par lequel un médecin mandaté par l’employeur se prononce sur le caractère justifié ou injustifié  de l’arrêt de travail, dans son principe comme dans sa durée. 

2. Comment se déroule la contre-visite ?

Elle peut s’effectuer à tout moment de l’arrêt de travail et, au choix du médecin (art. R. 1226-11 al. 2 C. travail) :

  • Soit au domicile du salarié ou au lieu qu’il a communiqué à l’employeur (voir ci-après) ;
  • Soit au cabinet du médecin, sur convocation de celui-ci par tout moyen lui conférant une date certaine. Si le salarié est dans l’impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, il en informe le médecin en précisant les raisons.

L’article R. 1226-10 C. travail fait désormais obligation pour le salarié, dès le début de son arrêt de travail, de communiquer à l’employeur son lieu de repos, s’il est différent de son domicile ; information qui devra être réitérée à l’occasion de tout changement.

Avant le décret de 2024, il avait déjà été jugé que le salarié doit informer l’employeur du lieu où la contre-visite peut s’effectuer et que l’employeur peut suspendre le versement du complément employeur dès lors qu’il a organisé une contre-visite médicale au domicile du salarié et que celui-ci, absent, n’avait pas informé l’employeur du lieu où la contre-visite pouvait s’effectuer (Cass. soc. 26/09/2012, n° 11-14512).

Il était également jugé que, même en cas de « sorties libres », le salarié qui change de lieu de résidence pendant son arrêt doit en informer l’employeur pour le mettre en mesure de faire procéder à un tel contrôle (Cass. soc. 16/03/2016, n° 14-16588).

Le décret n’instaure aucun délai de prévenance du salarié. Rappelons qu’il a depuis longtemps été jugé que le salarié n'a pas à être informé au préalable d'un tel contrôle et a l'obligation de s'y soumettre (Cass. soc. 04/12/86, n° 85-43357 ; Cass. soc. 19/05/99, n° 98-44376).

(Attention toutefois aux stipulations conventionnelles plus favorables, imposant éventuellement à l’employeur l’obligation d’informer préalablement le salarié ou de respecter un délai de prévenance).

3. Quand peut-elle avoir lieu ?

Pour rappel, le médecin prescripteur doit indiquer sur l'arrêt de travail (art. R. 323-11-1 C. sécurité sociale) :

  • Soit que les sorties ne sont pas autorisées ;
  • Soit qu'elles le sont. Dans ce cas, l'assuré doit rester présent à son domicile de 9 h à 11 h et de 14 h à 16 h, sauf en cas de soins ou d'examens médicaux ;
  • Soit que les sorties sont libres. Dans ce cas, il doit porter sur l'arrêt de travail les éléments d'ordre médical le justifiant.

Autant d’éléments que l’employeur doit prendre en considération pour la bonne organisation de la contre-visite.

Jusqu’alors, la mention « sortie libre » sur l’arrêt de travail imposait de prendre rendez-vous avec le salarié pour convenir de la date et de l’heure d’un contrôle à domicile par le médecin mandaté. Désormais, c’est au salarié bénéficiant d'un arrêt « sortie libre » de communiquer à l'employeur, dès le début de cet arrêt, les horaires auxquels la contre-visite peut s'effectuer.

4. Quelles sont les suites de la contre-visite ?

Plusieurs situations peuvent se présenter :

❶ Alors que les sorties ne sont pas autorisées, le salarié est absent de son domicile sans motif légitime, ou refuse l’examen médical ; ou bien le médecin-contrôleur mandaté estime l’arrêt non justifié :

L’employeur peut cesser de verser le complément employeur pour la durée de l’arrêt restant à courir à compter du jour du contrôle (sans effet rétroactif). A noter que l’employeur ne peut sanctionner son salarié du fait de cette situation.

❷  Le médecin-contrôleur mandaté confirme que l’arrêt de travail est justifié :

Les indemnités complémentaires de maladie continuent d’être versées jusqu’à la fin de l’arrêt de travail en cours, dans la limite du crédit indemnisable.

Dans ces deux cas, même si c’était déjà le cas en pratique, le médecin-contrôleur mandaté doit désormais rendre compte de sa mission auprès de l’employeur en l’informant (art. R. 1226-12 C. travail) :

  • Soit du caractère justifié ou injustifié de l'arrêt de travail,
  • Soit de l'impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié, tenant notamment à son refus de se présenter à la convocation ou à son absence lors de la visite à domicile.

Pour sa part, l'employeur doit transmettre sans délai cette information au salarié.

❸ L’examen médical met en évidence que le salarié est en état de reprendre son travail :

Le salarié a deux possibilités :

  • Soit reprendre son travail, conformément à l’avis du médecin contrôleur, avant le terme de l’arrêt de travail prescrit ;
  • Soit s’en tenir à l’arrêt prescrit par son médecin traitant. Dans cette hypothèse, l’employeur peut suspendre le versement des indemnités complémentaires pour la durée de l’arrêt restant à courir à compter du jour du contrôle (sans effet rétroactif).

A noter que l’employeur ne peut sanctionner son salarié du fait de ne pas vouloir reprendre immédiatement son travail.

❹  Le médecin traitant du salarié prescrit une prolongation de l’arrêt initial après que le médecin-contrôleur mandaté ait constaté la capacité du salarié à retravailler :

Si l’employeur souhaite maintenir la suspension du paiement des indemnités complémentaires de maladie, il doit alors de nouveau faire procéder à un contrôle médical.

5. Comment la contre-visite s’articule-t-elle avec le versement des indemnités journalières de la sécurité sociale (IJSS) ?

Pendant longtemps, les caisses primaires ont considéré comme inopposables les résultats des contre-visites médicales effectuées à l’initiative des seuls employeurs. Seuls pouvaient avoir une incidence sur le service des IJSS les contrôles médicaux initiés par la caisse elle-même.

Depuis 2010, une procédure de suspension des indemnités journalières d’assurance maladie suite à un contrôle du médecin mandaté par l’employeur est intégrée dans le Code de la sécurité sociale (articles L. 315-1, II et  D. 315-4 sur le contrôle médical).

Lorsque le médecin mandaté par l’employeur conclut à l'absence de justification d'un arrêt de travail ou fait état de l'impossibilité de procéder à l'examen de l'assuré, ce médecin transmet son rapport au service du contrôle médical de la caisse dans un délai maximal de 48 heures. Le rapport précise si le médecin diligenté par l'employeur a ou non procédé à un examen médical de l'assuré concerné.

Au vu de ce rapport, le service du contrôle médical de la caisse : 

  • Soit, demande à la caisse de suspendre les indemnités journalières.
    • L’assuré, informé de cette suspension, peut demander au service du contrôle médical un examen de sa situation pendant un délai de 10 jour francs à compter de la notification de la décision de suspension des IJSS.
    • Le service du contrôle médical de la caisse a alors 4 jours francs à compter de la saisine par l’assuré pour se prononcer sur cette demande et décider la reprise ou non du versement des indemnités journalières.
    • Les jours francs se définissent comme des jours entiers décomptés de 0 à 24 heures.
  • Soit, procède à nouvel examen de la situation de l'assuré (cet examen est de droit si le médecin contrôleur fait état de l'impossibilité de procéder à l'examen de l'assuré).

De plus, si un nouvel arrêt de travail est prescrit dans un délai de 10 jours francs après une décision de suspension des IJSS, le versement des indemnités n’est pas automatique. Le service du contrôle médical a 4 jours francs à compter de la date de réception de l’avis d’arrêt de travail pour se prononcer sur la reprise du versement des IJSS.

6. Du bon usage de la contre visite médicale

Depuis la loi de mensualisation de 1978, l’employeur doit indemniser les arrêts de travail pour maladie et accident. Le droit pour l’employeur de faire pratiquer une contre-visite médicale patronale est alors apparu comme une contrepartie de cette obligation.

Pour autant, la contre-visite visite médicale patronale traîne toujours derrière elle une réputation un peu « sulfureuse ».

Pour les salariés, elle est souvent vécue comme une mesure de défiance de la part de l’employeur, voire un système de « flicage ».

De leur côté, les employeurs ignorent très souvent l’existence de cet outil. D’autres l’utilisent de façon inconsidérée. D’autres, enfin, marquent leur réticence face à ce dispositif, dont ils doutent de la réelle efficacité et craignent les méfaits.

À ce sujet, il convient de rappeler :

  • Qu’il est statistiquement démontré qu’un usage ciblé, mesuré et raisonné de la contre-visite médicale, a des effets positifs sur le taux d’absentéisme en entreprise.
  • Que multiplier les contre-visites médicales pour vérifier que l'état de santé d'un salarié justifie ses absences pour maladie peut parfois constituer un des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement.
    • C’est ce qu’a jugé la Cour de cassation pour 3 contrôles médicaux sur une période de 3 mois (Cass. soc. 13/04/2010, n° 09-40837), ou pour une demande de contre-visite médicale dans un contexte déjà établi de harcèlement moral (Cass. soc. 24/03/2010, n° 07-45414) ;
    • En sens inverse, pas de harcèlement moral pour des contre-examens médicaux pratiqués à 3 reprises pour une salariée s’étant vu prescrire des arrêts de travail pour « syndrome anxio-dépressif réactionnel » (Cass. soc. 10/11/2010, n° 09-41628).

7. Et quid de la politique RH de l’entreprise ?

La contre-visite médicale n’est pas une fin en soi : ce n’est qu’un outil, parmi d’autres, à la disposition de l’employeur qui souhaite lutter contre la désinsertion professionnelle en entreprise.

Confrontée à une augmentation de son taux d’absentéisme, l’entreprise doit prendre en compte et traiter ce phénomène dans le cadre de sa politique Ressources Humaines.

Elle peut à ce sujet adopter toute une série de mesures et d’actions, en fonction de sa taille, de ses moyens et de ses ambitions en la matière.

On citera notamment :

  • L’organisation d’entretiens de retour après absence du salarié (entretiens de « ré-accueil ») ;
  • L’arrêt de la pratique de la subrogation ;
  • La mise en place de primes d’assiduité non discriminatoires ;
  • Le développement des actions de prévention AT/MP ;
  • L’aménagement du temps de travail et/ou des postes de travail ;
  • L’amélioration des conditions de travail, notamment par l’ergonomie ;
  • L’amélioration de la qualité de vie au travail ;
  • La réflexion sur les équilibres vie personnelle et familiale / vie professionnelle ;
  • Le développement de la polyvalence ;
  • Le développement de la formation ;
  • Etc.