Rappel de procédure : les dernières étapes de la rupture conventionnelle
Une fois la convention de rupture conventionnelle (RC) signée, une demande d'homologation est envoyée à la Direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS). Elle s'assure du respect des conditions de forme prévues par la loi et de la liberté de consentement des parties.
Avant l'homologation, le salarié doit être en mesure de bénéficier d'une garantie de rétractation dont l'existence conditionne la validité de la convention (1).
Dès lors que le délai de rétractation est dépassé, le salarié ne peut plus se rétracter : il peut demander l'annulation de la convention.
Avant l'envoi pour homologation : 15 jours pour se rétracter d'une rupture de contrat à l'amiable
Comment se rétracter d'une rupture conventionnelle : courrier, email ou SMS ?
À compter de la date de sa signature par les deux parties (employeur et salarié), chacune d'entre elles dispose d'un droit de rétractation (2).
Le cas échéant, ce droit doit être exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie.
=> En pratique, il est recommandé d'envoyer un courrier en recommandé avec accusé de réception ou de le remettre en mains propres contre décharge. La jurisprudence a toutefois déjà admis la rétractation par courrier électronique (email) (3). Attention ! Le SMS ne permet pas de conférer date certaine à la réception de la décision de rétractation.
À noter : rupture conventionnelle et arrêt maladie ou congés payés ne sont pas incompatibles : le salarié peut se rétracter dans les mêmes conditions.
Condition de validité pour se rétracter après la signature d'une convention de rupture à l'amiable : agir dans le délai légal
Le respect du délai légal - prorogé si le dernier jour est férié ou non ouvrable
15 jours calendaires
Chacune des parties dispose d'un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation.
Ce délai :
- commence à courir au lendemain de la date de signature de la convention de rupture ;
- et se termine au 15e jour à minuit (4). Lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant (5).
À noter : la date de fin du délai de rétractation est inscrite sur la convention de rupture.
Les documents à conserver pour prouver la date d'envoi d'une lettre de rétractation en cas de litige
Il est recommandé de faire une copie de la lettre envoyée en recommandée et d'en conserver l'accusé de réception.
Si la notification de rétractation a été faite en mains propres contre décharge (datée), il est recommandé de l'établir en double exemplaire et de conserver l'un d'entre eux.
Pour prouver que le courrier a bien été envoyé dans les temps, la jurisprudence considère que c'est la date d'envoi (ou de remise en mains propres) qui doit être retenue (6).
Après homologation : 12 mois pour annuler la convention d'une rupture de contrat à l'amiable
Si aucune ne s'est rétractée et que la rupture conventionnelle a été homologuée - ou si elle a été autorisée par l'inspecteur du travail, si vous êtes représentant du personnel -, il est plus difficile de revenir sur la rupture conventionnelle.
Condition de recevabilité de la demande d'annulation d'une rupture conventionnelle : agir dans le délai légal
12 mois
La partie demandeuse doit intenter une action en justice devant le Conseil de prud'hommes dans un délai de 12 mois à compter de la date d'homologation de la convention.
Une fois ce délai passé, tout recours sera irrecevable.
Quels sont les motifs d'annulation d'une rupture conventionnelle ?
Contrairement à la rétractation pour laquelle il n'est pas besoin d'invoquer un quelconque motif, l'annulation de la convention de rupture conventionnelle doit reposer sur des motifs la justifiant.
Exemples de cas pour lesquels le juge a accordé l'annulation de la rupture conventionnelle :
- le salarié a été forcé de signer la convention ou qu'il a été induit en erreur par son employeur sur les conditions de la rupture. Dès lors que le consentement est vicié, la validité de la rupture est affectée (7) ;
- la rupture a été conclue dans un contexte de harcèlement moral dont le salarié a été la victime, dans la situation où le consentement a été vicié (8). En revanche, l'existence d'un contexte conflictuel ne fait pas obstacle à la validité de la rupture négociée du contrat (9) ;
- le salarié n'a reçu aucun exemplaire de la convention de rupture qu'il a signée (10).
Des irrégularités de procédure, des erreurs dans le contenu de la convention ou la mauvaise exécution de la convention par l'employeur peuvent-elles entraîner la nullité ?
Contestation de conditions de forme
La conclusion d'une rupture conventionnelle est encadrée par la réalisation de certaines formalités qui incombent à l'employeur.
Toutes les erreurs qu'il commet dans la réalisation de ces démarches justifient-elles l'annulation de la rupture ? Non, pas si l'on en croit les décisions régulières la Cour de cassation.
Exemples de décisions dans lesquelles un salarié n'a pas pu obtenir la nullité de sa rupture conventionnelle :
-
il n'a pas été informé de la possibilité qu'il a de se faire assister lors de l'entretien préalable à rupture conventionnelle (11) ;
-
la convention mentionnait un délai de rétractation inférieur au délai légal, dès lors que cela n'a pas eu pour effet de vicier son consentement, ni de l'empêcher d'exercer son droit de rétractation (12).
Contestation du montant des indemnités
Le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle peut également être contesté devant les juges (lorsqu'il ne respecte pas le minimum imposé par la loi), sans qu'il soit besoin de demander l'annulation de la rupture conventionnelle.
Le salarié ne remet pas en cause la validité de la rupture conventionnelle, mais il conteste le montant de l'indemnité qu'il perçoit à cette occasion (13).
Quelles sont les conséquences de l'annulation d'une rupture conventionnelle ?
Production des effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse...
L'annulation de la rupture conventionnelle n'ouvre pas droit à la réintégration du salarié, mais produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et justifie donc l'allocation des indemnités de rupture, c'est-à-dire, des indemnités prévues par le Barème Macron pour licenciement abusif (14).
Attention ! La nullité de la rupture conventionnelle oblige le salarié à restituer les sommes perçues en exécution de ladite rupture.
... ou d'une démission avec restitution de l'indemnité perçue !
La demande de nullité peut être demandée par l'une ou l'autre des parties qui s'estime avoir été lésée, et non seulement par le salarié, pour qui, dans ce cas, les conséquences peuvent être très préjudiciables.
Dans un arrêt du 19 juin 2024, la Cour de cassation a affirmé que lorsque le contrat de travail était rompu en exécution d'une convention de rupture ensuite annulée en raison d'un vice du consentement de l'employeur, la rupture produisait les effets d'une démission (15).
En l'espèce, il était reproché au salarié un défaut d'information volontaire (...) sur le projet d'entreprise initié dans le même secteur d'activité auquel étaient associés deux anciens salariés, l'employeur ne s'étant déterminé qu'au regard ''du seul souhait de reconversion professionnelle dans le management''.
La Cour a retenu la notion de dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il savait le caractère déterminant pour l'autre partie pour qualifier cette dissimulation de réticence dolosive et attacher à la rupture du contrat de travail, les effets d'une démission (n'ouvrant pas droit pour le salarié, à la perception des allocations chômage).
Il appartient toutefois à l'employeur de que cette manœuvre a déterminé le consentement de l’employeur à la rupture conventionnelle pour en obtenir la nullité.
Exemples de cas pouvant justifier l'annulation d'une rupture conventionnelle
- le ou les entretiens préalables n'ont pas été effectués entre le salarié et l'employeur (16) ;
- la signature de la convention de rupture a été obtenue sous la contrainte, viciant le consentement (17) ;
En cas de harcèlement moral, le consentement du salarié peut être vicié, même si c’est lui qui a demandé la rupture. - la rupture conventionnelle permet à l'employeur de détourner la procédure de licenciement économique (18).
Rappel : la charge de la preuve pèse sur le demandeur.
Références :
(1) Cass. Soc., 19 juin 2024 n°22-23143
(2) Article L1237-13 du Code du travail
(3) CA Bourges, Ch. Soc., 16 septembre 2011, n°10/01735
(4) Circ. DGT 2008-11 du 22-7-2008
(5) Article R1231-1 du Code du travail
(6) Cass. Soc., 19 juin 2019, n°18-22897
(7) Articles L1237-11 du Code du travail et 1109 du Code civil, Cass. Soc. 9 juin 2015, n°14-10192
(8) Cass. Soc. 30 janvier 2013, n°11-22332 et Cass. Civ. Soc., 1 mars 2023, n°21-21345
(9) Cass. Soc. 23 mai 2013, n°12-13865
(10) Cass. Soc. 6 février 2013, n°11-27000
(11) Cass. Soc. 19 novembre 2014, n°13-21207
(12) Cass. Soc. 29 janvier 2014, n°12-24539
(13) Cass. Soc. 10 décembre 2014, n°13-22134
(14) Cass. Soc. 6 janvier 2021, n°19-18549
(15) Cass. Soc., 19 juin 2024, n°23-10817
(16) Cass. Soc., 1er décembre 2016, n°15-21609
(17) Cass. Soc., 1er mars 2023, n°21-21345
(18) Article L1233-3 du Code du travail et Rép. min. n°106030 : JOAN Q, 31 mai 2011, p. 5884
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